Jeudi 10 août 2006. Il est 13h. La rue Joseph-Sambo-Sankara grouille de monde. A l’angle, la troupe Kisto Koinbré distille des notes musicales tandis que devant la cour, des fusils tonnent. A l’intérieur, une foule hétéroclite.

On y reconnaît des politiciens de l’opposition, pour la plupart d’obédience « sankariste », et des « camarades » de lutte de feu le président Sankara, comme Daouda Traoré, Pierre Ouédraogo, Boukari Kaboré dit « Le Lion », etc. Aucune présence par contre des autorités nationales.

Tout de même curieux, quand on sait qui est le défunt ou encore ne serait-ce que parce que son fils a été président du Faso. A la place de l’absoute annoncée, c’est à une vraie messe que celui que ses proches appelaient affectueusement « Papa Joseph » a eu droit.

Cette messe n’est pas une faveur, mais bien un mérite du « Vieux », qui a été aussi catéchiste, membre du conseil paroissial de Dapoya, président de la communauté chrétienne de base de Paspanga et un des intercesseurs auprès de Mgr Johanny Thévénoud pour la construction de la chapelle d’alors de Dapoya.

Cette messe-là, au moins en ce qui concernait les chants, était réservée aux initiés puisqu’animée essentiellement en latin par la chorale latine de la cathédrale. Une douzaine de prêtres ont concélébré en présence de Mgr Jean Marie Compaoré.

L’abbé Sankara, dans son homélie, a remercié Mgr Compaoré « pour nous avoir donné l’occasion de célébrer une messe pour notre papa ». Militaire, gendarme-infirmier et catéchiste, le défunt l’a été.

Dans sa vie, il a connu la souffrance, à tel point que l’on peut soutenir que « la croix du Christ au Golgotha s’est transplantée à Paspanga, si bien qu’on peut parler de la croix de Joseph de Paspanga ».

Mais la souffrance ne l’a pas éloigné de Dieu. Aujourd’hui qu’il va retrouver sa femme (Marguerite), son fils (Thomas) et sa fille (Elisabeth), qui l’ont précédé dans l’autre monde, « il nous laisse non pas un héritage matériel, mais un héritage de solidarité, de fraternité et d’amour ».

C’est Flavie Sankara qui a lu le message de la famille Sankara à l’église. Elle a salué les uns et les autres pour la compassion et la solidarité exprimées. Elle a rendu hommage à ce père qui avait le sens de la famille et qui conseillait tous ceux qui venaient à lui.

Après lui avoir dit au revoir, Flavie lui a demandé « de saluer de notre part Thomas, Elisabeth et Marguerite ». De la messe, retour au domicile mortuaire. Là, les anciens combattants ont rappelé et salué la mémoire d’un frère d’arme de valeur à travers une biographie expresse.

Dans son oraison, Blandine, sa fille, lui a souhaité « de reposer en paix puisque tu vas rejoindre ton fils Thomas Sankara, dont tu n’as plus eu de nouvelles depuis un certain 15 octobre 1987 ; tu retrouveras aussi ta fille Elisabeth et ta femme Marguerite ». D’une voix émouvante, Odile Sankara a déclamé pour « Papa Joseph », au nom de la famille, le poème « Souffle » de Birago Diop dans le conte Sarzan.

La parenté à plaisanterie s’est invitée à cet événement funèbre avec les ressortissants du Namentenga et de Niou, qui ont exigé un droit de passage du cercueil. Pour empêcher la mise en terre de la bière, des Samo sont descendus dans la tombe et ont demandé, pour en sortir, que les héritiers du « Vieux » soldent ses « tributs ».

« Papa Joseph » s’en est donc allé. Au domicile mortuaire, alors que les opposants se comptaient à la pelle, les autorités, elles, étaient absentes. On peut dire que le vieux, à cause de son fils Thomas, a eu droit à des obsèques politiquement chargées.

San Evariste Barro
Hamidou Ouédraogo

L’Observateur