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Renouvellement des membres de la CENI : Vers des empoignades politiques

Publié le jeudi 10 août 2006 à 08h13min

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Le mandat des membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) s’achève le 27 septembre prochain. Il faut donc procéder à des tractations pour la formation d’une nouvelle équipe. Dans cette optique, les partis politiques ont rencontré, le 9 août, au ministère des Affaires étrangères, le ministre délégué chargé des Collectivités locales. Mais très vite, les discussions ont été empreintes de cacophonie.

Tout avait bien commencé. En tout cas, le ministre Soungalo Ouattara a planté le décor sans difficulté : « Il s’agit de faire en sorte que les nouveaux membres de la CENI puissent prêter serment avant le 27 septembre 2006. » Il a rappelé, conformément à l’article 5 du code électoral, qu’il fallait 5 représentants des partis de la majorité, 5 de l’opposition et 5 de la société civile.

Le ministre a ensuite invité les partis politiques à une deuxième réunion avec lui, le 16 août à 9h et 16h, respectivement avec les partis de la majorité et ceux de l’opposition. Objectif : « Organiser la représentation de chaque composante à la CENI ».

Et c’est là que commencent les premiers couacs. « L’ADF/RDA, ancien chef de file de l’opposition, qui est allée à la mouvance présidentielle, puis au gouvernement, doit-elle venir à 9h ou à 16h ? » lance un leader politique au ministre Soungalo Ouattara. « Il faut que chaque parti se détermine ; il faut que chacun nous dise s’il est de l’opposition ou de la majorité présidentielle », répond ce dernier. « Non, je ne suis pas d’accord avec le ministre », réplique le député Adama Derra de l’UNIR/MS. « Si aujourd’hui je suis de l’opposition et que demain, je saute allègrement dans la majorité parce que ça m’arrange, c’est extrêmement grave ! De tels comportements font de nous la risée des gens. Un parti qui se met avec le pouvoir pour gouverner n’est pas de l’opposition ! »

Et voici Toundoun Sessouma du PAI qui monte au créneau : « La loi est là. Il faut la respecter », insiste-t-il. Puis il précise que les textes en vigueur déterminent « qui est de la majorité parlementaire, qui est de l’opposition parlementaire ou de l’opposition extraparlementaire ». Cette même loi, dit-il, « est claire sur la définition des termes majorité présidentielle et opposition ». L’ADF/RDA soutient alors cet argument et demande, par le truchement de son secrétaire général, Me Fahiri Somda, que la loi « soit respectée ».

Mais le débat n’est pas, pour autant, clos. Le secrétaire chargé des questions politiques du PAREN, Abdoul Karim Sango, estime qu’au regard de cette ambiguïté, le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’Etat devrait entrer en scène pour clarifier la situation. « On pourra ainsi éviter les bagarres », prévient-il. Et voici une autre question qui tombe, brusque et fracassante : « Et les partis qui ne sont ni de l’opposition ni de la majorité ? » lance un leader politique au ministre. Réponse de Soungalo Ouattara : « Nous sommes obligé de nous en tenir au Code électoral actuel en attendant que le législateur apporte des modifications. »

Et ce n’est pas tout : le représentant du PAREN, qui dit intervenir au nom d’un collectif de partis, demande d’abord que la CENI, après avoir organisé trois élections, fasse sa toilette. « Il nous faut d’abord faire le bilan de cette commission électorale, réfléchir sur ses forces et faiblesses, avant de relancer la machine. » A ce sujet, le ministre a coupé court au débat : « On peut renouveler les membres tout en réfléchissant au bilan », a-t-il déclaré avant de convier, une fois de plus, les partis au rendez-vous du 16 août.

Mais certains leaders politiques n’en ont pas le coeur net. « L’ADF/RDA se fout du peuple burkinabè ; nous n’allons pas nous laisser faire », a déclaré l’un d’entre eux à la sortie de la salle de conférences. « Ceux qui nous attaquent ne sont pas honnêtes ; nous allons leur clouer le bec », a répliqué un autre. Des bagarres politiques en perspective ?


Me Fahiri Somda : « L’ADF/RDA est bel et bien de l’opposition »

Le secrétaire général de l’ADF/RDA, Me Fahiri Somda, estime qu’on fait un mauvais procès à son parti. Pour lui, aucune loi n’interdit à un parti politique de l’opposition de faire cavalier avec un chef d’Etat sortant...

« Le Pays » : Que répondez-vous à ceux qui affirment que votre parti baigne dans un flou artistique ?

Me Fahiri Somda : L’ADF/RDA est le chef de file de l’opposition politique burkinabè. La loi détermine qui est de l’opposition, qui est de la majorité. Cette loi n’a pas encore été abrogée. A vous de tirer les conclusions pour savoir de quel côté se situe notre parti. Vous le savez très bien !

Voulez-vous dire que vous êtes de l’opposition, bien que vous ayez soutenu le candidat Blaise Compaoré à la dernière présidentielle, approuvé son programme et accepté de participer au gouvernement ?

En juillet 2005, lors du congrès de notre parti, nous avions été clair : y a-t-il au Burkina Faso et dans le reste du monde une loi qui interdit à un parti politique de l’opposition de soutenir la candidature d’un chef d’Etat sortant ? Il n’y a pas de loi qui interdit cela. Les partis politiques sont libres. Chaque parti a sa ligne de conduite. Nous avons précisé, lors du congrès, que nous soutenions la candidature de Blaise Compaoré. Je vous rappelle que dans plusieurs pays du monde, il y a des gouvernements composites qui se forment. Pourquoi cela n’existerait pas au Burkina Faso ?

En clair, vous demeurez dans l’opposition...

Jusqu’ à preuve du contraire. L’ADF/RDA est bel et bien de l’opposition.

Certains partis de l’opposition contestent cela. Surtout que vous vous êtes débarrassé, contre toute attente, de votre tunique de chef de file de l’opposition. Qu’allez-vous faire maintenant ?

C’est l’attitude des autres partis qui nous a conduit à prendre une telle option. Le président de l’ADF/RDA a été reconnu par la loi comme étant le chef de file de l’opposition. Cela a été plus ou moins accepté par le pouvoir qui a même rendu publique une note l’attestant. Apparemment, les autres partis n’ont pas accepté cela. Pourquoi évoque-t-on aujourd’hui cette situation pour prétendre que nous ne sommes pas de l’opposition ? Nous pouvons reprendre notre tunique de chef de file de l’opposition. Cela dépend des autres partis.

Propos recueillis par Hervé D’AFRICK

Le Pays

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