LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Non-lieu dans l’affaire Norbert Zongo : les explications du parquet

Publié le mardi 8 août 2006 à 00h00min

PARTAGER :                          

Le Dimanche 13 décembre 1998, le commissariat central de police de la ville de Sapouy (province du Ziro) était informé aux environs de 16 heures de ce que le véhicule de marque Toyota, type Land Cruiser 4x4, immatriculé 11-J-6485BF était retrouvé accidenté et incendié sur l’axe Sapouy-Léo, à sept kilomètres de la ville de Sapouy.

Suite aux communiqués diffusés par ia radio et provenant de la police, les corps seront identifiés comme étant ceux de Norbert ZONGO, directeur de publication du journal « L’Indépendant », d’Ernest ZONGO, de Biaise ILBOUDO, d’Ablassé NIKIEMA.

En réponse à la réquisition de monsieur le commissaire de Sapouy, le médecin du centre médical de Léo a produit un rapport sur la nature de la mort des sus-nommés et duquel rapport, il constatait principalement des corps calcinés.

Faisant suite à la mort de Norbert ZONGO et de ses trois compagnons dans des conditions tragiques et ayant entraîné une vive tension sociale dans la quasi-totalité du pays, le gouvernement Burkinabé a décidé de créer une commission d’enquête indépendante par décret n°98-0490/ PRES/ PM/ MEF/ DEF/ MJ-GS/ MATS du 18 décembre 1998, modifié par le décret n°99-001/ PRES/ PM/ MEF/ MJ-GS/ MATS du 07 janvier 1999, ayant pour missions principales « de mener toutes investigations permettant de déterminer les causes de la mort des occupants du véhicule 4x4, immatriculé 11J 6485BF, survenue le 13 décembre 1998 sur l’axe routier Ouagadougou - Sapouy dont le journaliste Norbert ZONGO ».

S’agissant du déroulement de l’enquête à proprement parler, la commission s’est questionnée de savoir si la mort de Norbert ZONGO et de ses trois compagnons était accidentelle ou d’origine criminelle. Et si elle était criminelle, de rechercher quels en étaient les auteurs et les éventuels commanditaires.
Pour ce faire, elle a pu auditionner deux cent quatre (204) personnes, et a bénéficié du concours de plusieurs institutions publiques et privées qui ont bien voulu lui communiquer des documents ou des informations utiles à l’enquête.

La commission a ordonné deux expertises, l’une en balistique et incendie, l’autre en médecine légale, avant de conclure que Norbert ZONGO et trois compagnes ont été assassinés par plusieurs personnes (au moins trois) ; qu’ils ont été abattus au moyen d’un revolver 38 spécial et de fusils calibre 12 semi-automatique dont l’un de marque Valtro.

En outre, la commission d’enquête affirmait que Norbert ZONGO a été assassiné pour des motifs purement politiques parce qu’il pratiquait un journalisme engagé d’investigation.
Au surplus, la commission d’enquête révélait « qu’à partir des informations qu’elle a pu réunir, de la logistique mise en œuvre, du professionnalisme des assaillants et de l’usage du feu dans les tortures infligées à « David OUEDRAOGO » comme dans la destruction du véhicule de Norbert ZONGO, elle orientait ses investigations vers des militaires suspectés », au nombre de six personnes.
En marge de la commission d’enquête indépendante, la procédure judiciaire classique suivait son cours.

2- De la procédure judiciaire

Le 31 décembre 1998, le Procureur du Faso saisissait par un réquisitoire aux fins de recherche des causes de la mort de Norbert ZONGO et de ses trois compagnons, le juge d’instruction du cabinet n°1.
Par la suite et à l’analyse des pièces d’enquête, le Procureur du Faso saisissait à nouveau le même juge d’instruction pour les faits d’assassinats et de destruction de biens contre « X ».

C’est au cours de sa mission d’enquête, que le juge instructeur entendait le 29 février 2000 le sieur YAMEOGO Racine en qualité de témoin. Ce dernier affirmait que contrairement aux déclarations de monsieur Marcel KAFANDO tendant à faire croire qu’ils se trouvaient ensemble le 13 décembre 1998 dans un restaurant bien connu de la ville de Ouagadougou, dénommé la « québécoise », il s’agissait en réalité du 14 décembre.
Or ce même témoin avait déposé devant la commission d’enquête se trouver le 13 décembre 1998 avec Marcel KAFANDO au lieu sus-cité.

Face à ce témoignage à charge, le juge d’instruction se devait d’inculper Marcel KAFANDO dans la perspective de le confronter au témoin à charge.
A ce titre il est bon de noter qu’en phase d’instruction, l’on ne peut confronter deux témoins,
C’est ainsi que l’inculpation du sieur Marcel KAFANDO est survenu le 02 février 2001 ;
Entendu aussi bien en interrogatoire de première comparution qu’en interrogatoire au fond, l’inculpé réfutait les faits à lui reprochés et restait constant.

A la confrontation en date du 15 mai 2001, l’inculpé Marcel KAFANDO et le témoin YAMEOGO Racine maintenaient leurs déclarations antérieures.
Cependant, lors de ladite confrontation l’état de santé de l’inculpé était tellement précaire qu’il accusait une grande fatigue suivie de vertiges, C’est en ce moment que le juge interrompait la confrontation pour être reprise le 31 mai 2006.

De cette confrontation le témoin YAMEOGO Racine s’est rétracté et déclarait « ne plus faire une fixation entre les dates du 13 et 14 décembre ; qu’aujourd’hui un doute subsistait dans son esprit »,
A l’issue de cette confrontation, le dossier était transmis au Procureur du Faso pour recevoir un règlement définitif.

Le 13 juillet 2006, le Procureur du Faso prenait des réquisitions aux fins de non-lieu. Le 18 juillet 2006, le juge d’instruction à son tour rendait, une ordonnance dans le même sens que les réquisitions du Procureur du Faso, Le 18 juillet 2006, le Conseil de la partie civile interjetait appel de la décision rendue par le juge d’instruction.

3 Motivation de l’ordonnance du juge d’instruction

Comme dans les réquisitions du Procureur du Faso, le juge d’instruction motivait sa décision par l’insuffisance, voire l’absence de charges suffisantes contre l’inculpé d’être responsable des faits d’assassinat et de destruction volontaire des biens qui lui étaient reprochés.
Il est bon de rappeler que le juge d’instruction a procédé à l’inculpation de Marcel KAFANDO sur la base des déclarations contradictoires de YAMEOGO Racine, qui avait été cité par l’inculpé comme ayant été son compagnon le jour des faits.

Dès (ors que le doute intervient en droit quant à la responsabilité d’une personne sur la commission d’une infraction, le principe universellement admis en droit est que « le doute profite à la personne poursuivie ».

4- Suite de la procédure

Aux termes de l’article 186 al 4 du code de procédure, « la partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils... ; l’appel de l’inculpé et de la partie civile doit être formé par déclaration au greffe du Tribunal dans les six jours de la signification ou notification qui leur est faite conformément à l’article 183 »,
L’ordonnance de non-lieu du juge a été rendue le 18 juillet 2006 et notifiée aux différentes parties à la même date. Le 19 juillet 2006, le Conseil des parties civiles, Maître SANKARA B. Stanislas interjetait appel contre ladite ordonnance.

Il convient de signaler que cet appel est intervenu dans les délais et formes requis.
Il appartient désormais à la Chambre d’Accusation, juridiction d’instruction de second degré de statuer sur le bien fondé de l’ordonnance querellée.

Ouagadougou, le 28 juillet 2006

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique