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Dialogue inter-togolais : Blaise Compaoré, le dernier messie ?

Publié le lundi 7 août 2006 à 07h52min

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Blaise Compaoré et Faure Gnassingbé

Tout le monde s’accorde à dire que quand l’incubation dure, c’est que la couveuse est mauvaise. Que ce soit à Paris, Rome ou Lomé, ce fameux dialogue, censé aboutir à la réconciliation entre les frères ennemis togolais qui s’entre-déchirent depuis longtemps, a toujours capoté et débouché sur des impasses.

En effet, ni les pressions de l’Union européenne, qui continue à sevrer le Togo d’aides financières, ni l’implication de l’Union africaine, ni encore les souffrances du peuple togolais n’ont eu raison des rancoeurs et des procès mutuels que se font les différents protagonistes de la crise togolaise.

C’est dire combien le dialogue intertogolais était, jusqu’à présent, marqué du sceau de la radicalisation de chaque camp, rétif à toute concession, et dont le dernier exemple a été l’échec de la dernière rencontre de Lomé à l’issue de laquelle représentants du pouvoir et ceux de l’opposition (dite radicale) se sont quittés dos à dos.

Cependant, cette rencontre a permis de débroussailler le terrain et d’aboutir à un accord qu’a refusé de parapher une partie de l’opposition. Il s’agit notamment de l’UFC (Union des forces du changement) de Gilchrist Olympio, qui trouvait le document en question en deçà de ses attentes. C’est dans ce contexte que s’ouvre à Ouagadougou, les 8, 9 et 10 août prochains, une réunion autour de laquelle les différentes sensibilités politiques togolaises auront pour chef d’orchestre Blaise Compaoré. Sauront-elles marcher au pas de danse rythmé par la clarinette du président burkinabè ?

La question mérite d’être posée quand on se rappelle que Blaise Compaoré n’avait pas réussi, apparemment, dans une première tentative, à discipliner la troupe. Le fait que les protagonistes se soient mis d’accord pour demander au président burkinabè de leur servir d’interface est un signe qui incite à l’optimisme.

Au-delà de la proximité géographique, des affinités humaines, culturelles et historiques qui singularisent les rapports entre les deux pays, et qui pourraient constituer des paramètres psychologiques suffisamment convaincants pour éviter que Ouagadougou soit la tombe de la réconciliation intertogolaise, il faudrait à Blaise Compaoré tout un trésor d’imagination pour réussir sa mission de pompier d’un gigantesque incendie que beaucoup n’ont pas réussi à éteindre.

Ce qui est sûr, le président burkinabè aura la lourde tâche de définir la forme de la table de négociations, car il aura face à lui une singulière figure géométrique aux multiples angles aussi éloignés que le sont ses interlocuteurs. Les atouts ne lui manquent cependant pas. A commencer par la parfaite connaissance des hommes qu’il va recevoir à Ouagadougou. Par ailleurs, cette rencontre intervient au lendemain de l’élection présidentielle où la légitimité de Blaise Compaoré a été renforcée, malgré ce qu’on a pu dire de ce scrutin. Il a donc tous les arguments pour convaincre ses hôtes de la marche à suivre pour sortir le Togo de l’ornière.

Même si, à tort ou à raison, Blaise Compaoré a été suspecté d’avoir été le parrain de Faure Gnassingbé, dont les conditions d’accession au pouvoir avaient été fortement critiquées, il faut reconnaître que ce dernier a fait violence sur lui-même pour démentir l’aphorisme tel père tel fils. Il est permis de penser que la position de Ouagadougou, à l’époque, était certainement dictée par le réalisme économique et non forcément par une affinité politique et idéologique. En effet, l’axe Abidjan - Ouagadougou n’étant plus une destination sûre, le Burkina n’avait aucun intérêt à entretenir des rapports conflictuels avec Lomé.

Par ailleurs, on ne saurait occulter, en pareilles circonstances, les tractations diplomatiques, par pays interposés, qui précèdent toute médiation. Enfin, sans cynisme aucun, l’accession de Faure Gnassingbé au fauteuil présidentiel, dans les circonstances de l’époque, était un moindre mal, en attendant mieux. Surtout que, depuis son arrivée au pouvoir, Faure Gnassingbé a tout fait pour éviter d’emprunter la voie suivie par son père. Il semble avoir tout déployé, souvent au déplaisir de l’ancienne garde de son géniteur qui n’entendait pas voir s’échapper ses privilèges d’antan, pour donner à son pays le visage d’un Etat plus ou moins fréquentable.

Dans un pays naguère livré aux démons de la violence, parfois gratuite, et où on avait même instauré le couvre-feu de la pensée et cadenassé le droit à la différence, Faure Gnassingbé a réussi à faire adopter une nouvelle législation sur la presse, qui n’a rien à envier à certaines pratiques dans d’autres pays africains, pourtant classés comme modèles de respect des règles de la bonne gouvernance.

Ce n’est, bien sûr, qu’un minimum démocratique, et il convient de ne pas s’arrêter en si bon chemin. Il n’empêche qu’il faut reconnaître que le président togolais a fait violence sur lui-même en refusant d’être prisonnier de l’ombre tutélaire de son père, conscient de la soif de changement du peuple togolais, victime de quarante ans de dictature. Un signe suffisamment fort qui devrait inciter l’opposition, surtout les dirigeants de l’UFC, à comprendre que les intérêts du peuple togolais priment sur les états d’âme, quelles que soient leurs motivations profondes et leurs charges émotionnelles.

Jusqu’à quand peut-on défendre politiquement une telle intransigeance quand elle prend parfois l’allure d’une haine viscérale ? Les cimetières, dit-on, sont remplis de tombes de héros. En refusant de reconnaître cette vérité historique, l’UFC ne va-t-elle pas se mettre à dos le peuple togolais, qui a trop souffert, et se voir isoler du reste de la classe politique ?

N’a-t-elle pas intérêt à s’insérer dans le processus actuel, tout en essayant de l’améliorer ? En se réclamant principal parti d’opposition, consciente de son poids électoral, elle peut faire la politique autrement. Bien que contraint d’ouvrir le dialogue avec l’opposition, sous la pression des bailleurs de fonds, le camp présidentiel pourrait se radicaliser face à l’intransigeance et au jusqu’au-boutisme (pas toujours bons conseillers) de ceux d’en face.

Car, quoi qu’on dise, plus de 10 ans d’embargo de l’Union européenne n’ont pas empêché la nomenklatura au pouvoir de mener une vie confortable au détriment du peuple togolais. Le paradoxe du Togo, ce pays naguère appelé la Suisse de l’Afrique de l’Ouest, c’est celui d’être entouré de deux pays, le Ghana et le Bénin, deux modèles de démocratie dont il semble ne pas s’inspirer.

Reste que Blaise Compaoré devrait éviter de se laisser aveugler par cette marque de confiance extérieure pour occulter les problèmes intérieurs du Burkina. Certes, le Togo et le Burkina ne vivent pas la même fracture sociale. Mais, il faudrait éviter à notre pays ce charme du cheval bien paré au visage mais plein de crottins à l’arrière, qui ont pour synonymes absence d’ouverture à l’opposition, dialogue de sourds sur le front social et manque de transparence en ce qui concerne les dossiers pendants de justice. C’est dire toute la nécessité et l’urgence de nettoyer, à l’intérieur, les écuries.

Le Pays

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