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Prix de l’essence : Travailler à la SONABHY en période de flambée

Publié le lundi 7 août 2006 à 07h39min

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Même si les fruits récoltés pendant ces trois jours de reportage dans les différents démembrements de la SONABHY (Direction générale de la SONABHY, Centre de dépôt de Bingo, Direction régionale de Bobo) ne contiennent aucun fruit qui a une petite saveur de baisse prochaine des tarifs des hydrocarbures au pays des Hommes intègres, les travailleurs rencontrés ont tout de même fait deux mises au point.

Un : contrairement à la croyance populaire, ce n’est pas le pays de l’or noir où le jus coule à gogo. Deux : plus les tarifs montent, moins la nationale des hydrocarbures se porte bien. Un tour d’horizon sur une société nationale vue de l’intérieur par ses employés.

Village de Bingo dans la matinée. A 11h18mn, la sirène qui annonce un danger retentit dans l’enceinte du dépôt SONABHY. Un début d’incendie est déclaré au centre de dépotage où l’on charge les citernes de livraison. De tous les bureaux et de tous les postes de travail, les travailleurs se dirigent au pas de course vers le piquet incendie, où chacun doit jouer le rôle qui lui est dévolu en pareille circonstance. Les sapeurs-pompiers de Ouagadougou sont déjà alertés. Mais comme tout employé en cet endroit est un pompier en puissance, il fallait au plus vite raccorder les épais et longs tuyaux des gros canons à mousse et à eau pour attaquer la citerne en feu.

A 11h23mn, les puissants jets de mousse synthétiques commencent à se déverser sur le camion. C’est un feu de caniveau ; un incendie difficile à maîtriser car il faut éteindre le feu dans les tuyauteries enfoncées au sol et du même coup, éteindre la citerne en flamme. Est-ce un remake du vrai incendie en 2002 ? Non. Rassurez-vous ! C’est le énième test incendie auquel sont astreints les pétroliers une fois par mois. Une dizaine de minutes plus tard c’est fini. Les équipements sont rangés et chacun retourne dans son atelier comme si rien ne s’était passé. Il reste à attendre la prochaine alerte, en touchant du bois pour que ce ne soit pas de vraies flammes.

Le site de Bingo assure le stockage permanent, le conditionnement et la livraison de cinq produits qui sont l’essence Super 91, le gas-oil, le pétrole lampant, le DDO et le gaz butane. En dehors de l’Ouest du Burkina approvisionné par Bobo, il assure la fourniture en carburant dans tout le reste du pays. Il gère également le stock de sécurité qui est un système commercial théorique, un niveau de stock qu’il faut conserver pour assurer la sécurité énergétique du pays de trois à six mois, lorsqu’un cas de force majeure entraîne une suspension des importations du carburant, comme par exemple la fermeture des frontières. Assurément, conserver d’énormes quantités de produits aussi inflammables que l’essence sèche et le gaz requiert une vigilance et une concentration permanente.

« Nous achetons l’essence comme tout le monde »

Cet état d’esprit n’empêche tout de même pas les travailleurs de la maison d’être sensibles à la flambée des prix des hydrocarbures. Surtout qu’ils assurent être des consommateurs comme tout autre Burkinabè. Le directeur technique, Joseph Diasso, est formel. Selon lui, et contrairement à ce que beaucoup pensent, ce n’est pas parce qu’on est à côté de la source qu’on peut boire de son eau. « Est-ce que vous avez vu une pompe d’essence ici ? Nous sommes fouettés comme tout le monde car nous nous servons aux mêmes pompes que les clients des stations ! ».

Et de prendre un autre exemple : l’approvisionnement des groupes électrogènes du centre de Bingo qui n’est pas connecté à la SONABEL. « Nous prenons un bon de livraison, nous affrétons un camion-citerne et nous allons prendre le carburant comme n’importe quelle entreprise qui a besoin d’essence pour ses machines. Exactement comme une entreprise lambda ». Il a demandé plutôt aux gens de comprendre le rôle de la SONABHY qui est clair : acheter les produits sur le plan international, les convoyer jusqu’aux dépôts internes, vérifier leur qualité à l’entrée, les conditionner et faire la livraison selon la commande des distributeurs.

Michel Tapsoba, le responsable du service Gaz à Bingo, est aussi agacé par les à priori. « Souvent, on n’a pas envie de se présenter comme agent de la SONABHY. Les gens pensent que nous avons le carburant et c’est le consommateur qui en pâtit. Alors que nous l’achetons comme tout le monde. On est embarrassé quand on nous interpelle ». Le DAAF de la société, Issaka Ouédraogo, y est aussi allé de son témoignage. « Pour les gens, nous sommes responsables. Au lieu de voir qui a égorgé le chat, on s’occupe de celui qui le dépèce. Vous allez à une cérémonie et l’on vous assène cette même question : qu’est-ce que vous nous faites encore ?. Pourtant, nous sommes dans l’incapacité de faire quoi que ce soit. Ce sont les lois du marché ! ».

Pour le secrétaire général de la SONABHY, Bénoît Sampo, c’est également le vécu quotidien. Que ce soit dans l’entourage familial ou dans d’autres cadres de rencontres. « Nous essayons d’utiliser des termes assez compréhensibles pour expliquer la hausse des tarifs. Mais si la personne à qui on explique a déjà ses convictions toutes faites, c’est voué à l’échec. C’est difficile de réveiller quelqu’un qui ne dort pas ». Pour illustrer cette incompréhension, Le DAAF de la SONABHY a raconté une anecdote qui lui est arrivé avec un de ses oncles. En effet, ce dernier lui a promis de toujours se fournir en carburant, tant que le litre ne coûte pas plus de 999 francs CFA. Se faisant menaçant, son oncle l’a prévenu en ces termes. « Le jour où le litre d’essence coûtera 1 000 F, s’il y a une expédition qui vient brûler la SONABHY, ne faites pas d’enquête. C’est ton oncle qui est devant ».

« Nos avantages ? Deux bouteilles de gaz par mois »

A écouter les travailleurs de « la dépositaire des hydrocarbures » au pays des hommes intègres , le seul avantage qu’ils ont consiste en un chargement de deux bouteilles de gaz de 12,5 par mois, à moitié prix, soit 2 000 F la bouteille. Un des délégués du personnel de la direction régionale de Bobo, Gaétan Ouédraogo, a précisé qu’une doléance quant à la disponibilité du carburant au bénéfice des travailleurs de la maison avait été soulevée, mais n’a jamais eu un échos favorable. Du côté de la hiérarchie, il a été démontré que sa mise en pratique était très difficile. Dans ses doléances, le personnel a toujours demandé des bons d’essence, mais c’est toujours niet.

Encore moins installer une station pour le personnel. Explication du D.G, Hubert Yaméogo. « Nous avons déjà assez de problèmes comme ça. Nous gérons un bien public qui ne nous appartient pas. Je pense que c’est déjà un gros avantage pour les travailleurs que d’acheter un produit (le gaz) à la moitié de son prix. Néanmoins, si en fin d’année les résultats sont bons, nous avons toujours prévu quelque chose pour encourager les travailleurs ». Est-ce pour cette raison que beaucoup d’employés à la direction générale de la SONABHY ne rentrent plus à midi, préférant manger le sandwich de la cafétéria du coin, en attendant la reprise ? Peut-être ! En tout cas, Mme Fatimata Ouédraogo, la responsable Marketing, a affirmé connaître le nombre de feux qu’il y a entre son service et son domicile. D’ailleurs, a-t-elle dit, « je suis toujours à la recherche d’un itinéraire moins long pour rentrer chez moi à Dassasgo », cherté du carburant oblige.

Mais plus grave pour le personnel, l’augmentation du prix des hydrocarbures met toujours à rude épreuve la santé financière de la boîte. C’est ce qui est ressorti des propos des différents interlocuteurs et qui peuvent être résumés par la formule suivante : Plus les prix montent, moins la SONABHY se porte. Si fait qu’en 2002, suite à une flambée simultanée et du prix du baril et du dollar à l’international, la SONABHY a connu une perte de 16 milliards. Pire, elle a eu des difficultés pour avoir du crédit ; toutes les banques lui ayant tourné le dos, sauf une.

Il s’agissait d’ECOBANK, qui a accepté de voler à son secours. Depuis lors, pour la nationale des hydrocarbures, c’est la ronde des structures de financements, surtout institutionnelles comme la BID ou la BADEA pour avoir de la liquidité. La dernière en date, c’est un crédit de 4 milliards contracté auprès de la Banque régionale des investissements de la CEDEAO (BRIC). Malheureusement il y a toujours les taux d’intérêt qui réduisent à néant les bénéfices engrangés par la société.

L’on pourrait cependant se poser la question suivante : mais diantre, comment une flambée des prix pourrait-elle jouer négativement sur une trésorerie ? Réponse du contrôleur interne à la Direction générale, Hilaire Kaboré. « N’importe quel petit commerçant sait que, lorsque l’article qu’il vendait à 100 francs et qui lui rapportait 10F coûte maintenant 200F avec toujours le même bénéfice de 10F, il y aura problème. Il doit trouver de nouveaux moyens d’acheter le même produit, qui coûte dorénavant plus cher, puisque sa marge n’a pas bougé pour permettre de refinancer son activité ». Et c’est ce que vit actuellement la SONABHY.

Issa K. Barry

Observateur Paalga

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