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Guinée : Qui en veut à l’ami du roi ?

Publié le jeudi 3 août 2006 à 06h59min

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Non, ce n’est pas un cauchemar, c’est la réalité. El Hadji Mamadou Sylla, première fortune et patron des patrons guinéens, vient d’être interdit de voyage. On lui reproche d’être redevable à l’Etat d’une dette astronomique, qu’il est sommé d’épurer dans un délai de 10 jours. S’il ne s’exécute pas, ses biens seront saisis et vendus pour payer sa dette.

Qui l’eût cru, quand on sait que le débiteur est un des proches parmi les proches du président Lansana Conté ? Cette affaire vient confirmer qu’en réalité, El Hadji doit à l’Etat malgré ses multiples dénégations d’il y a seulement quelques mois.

On savait pourtant que tôt ou tard, ce problème allait être posé sur la table. Ce qui surprend ici, c’est la diligence et la raideur avec lesquelles Conakry a décidé de traiter ce dossier.

Mais en fait, plus qu’un problème juridico-financier, cette affaire est sans doute la résultante d’un combat de positionnement politique sans merci que se livrent les différents cercles d’influence autour du chef de l’Etat.

On a généralement parlé de trois clans : celui de Fodé Bangoura, secrétaire général de la présidence et coordonnateur de l’action gouvernementale ; celui d’Aboubacar Somparé, président de l’Assemblée nationale, et enfin celui de Mamadou Sylla, opérateur économique.

A l’évidence, le grand vainqueur de cette guerre de positionnement est le clan Fodé Bangoura qui, après avoir laminé celui de Somparé, mis sous éteignoir l’ex-Premier ministre Dallein Diallo, s’en prend maintenant au clan Sylla.

Conté a-t-il quelque chose à voir dans ces déboires de Sylla ? On ne peut jurer de rien. Mais on peut supposer qu’il y est mêlé d’une manière ou d’une autre, car, quelque part, il est évident que rien de fâcheux, surtout du côté judiciaire, ne peut arriver à une personnalité de l’envergure de Sylla sans que le chef de l’Etat n’ait donné son quitus.

Et cela, l’homme d’affaires le sait et c’est pour ça qu’au fond de lui-même, il doit bien se dire que le premier magistrat de la Guinée est ingrat.

En effet, on se souvient que dernièrement, lorsque Conté est tombé dans les pommes et qu’il fallait l’évacuer en urgence en Suisse, c’est Sylla qui avait dû réunir dans la nuit le million de dollars nécessaire pour qu’un avion médicalisé vienne le chercher. Dès lors, il pouvait s’attendre à tout sauf à une méchante récompense de la part de celui qu’il a aidé à sauver.

A moins que le successeur de Sékou Touré ne soit assoupi et que les Bangoura veuillent en profiter pour lui faire un bébé dans le dos. D’ailleurs, le leader de ce clan, toujours prêt à asséner des « le président m’a dit », a souvent abusé de façon éhontée des fréquents moments d’inconscience de Conté pour prendre le dessus sur ses adversaires.

Et si c’est encore un coup tordu, il faut croire que l’opérateur économique n’a pas encore dit son dernier. En effet, ce n’est pas exclu qu’un jour, le général sorte de son sommeil et ordonne de cesser de faire des emmerdes à son ami. C’est un événement presque certain, comme on le dit en probabilités. Cette Guinée-là n’arrêtera pas de nous surprendre.

S’il parvient à se sortir de cette situation, Sylla saura que les cercles du pouvoir sont impitoyables. Et cela tout le monde doit se le tenir pour dit.

Hormis ces règlements de comptes politiques, il faut avouer que c’est un gros poisson qui est ainsi pris dans la nasse. Si cette purge pouvait continuer, ce serait bien pour l’économie guinéenne.

San Evariste Barro

Observateur Paalga

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