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Gestion des élections par l’administration publique : Les limites d’une proposition

Publié le mercredi 2 août 2006 à 07h39min

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A l’issue de ses deuxièmes journées parlementaires durant lesquelles il a ausculté le processus électoral au Burkina, le Groupe parlementaire de la Convention des forces républicaines (CFR) a abouti au constat que la CENI est désormais disqualifiée pour organiser des élections transparentes au Burkina.

De ce fait, le Groupe recommande la suppression pure et simple de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), arrivée, selon lui, "au terme de ses capacités d’optimisation du processus électoral". Qui plus est, il suggère le retour à l’organisation des élections par une Administration républicaine.

Une Administration républicaine suppose que les hommes qui l’animent travaillent dans un esprit républicain, c’est-à-dire qui transcende les clivages politiques et politiciens. Mais, il ne faut pas se leurrer. Le caractère républicain de l’Administration publique qui veut que celle-ci reste neutre à l’égard des différentes coteries politiques et que les rivalités politiques se manifestent dans des cadres et des circonstances bien définies, ce n’est pas encore pour demain, sous nos tropiques. Bien souvent, ces administrations publiques ont été perçues comme fortement politisées et donc, immanquablement partisanes. Malheureusement, l’Administration burkinabè, elle aussi, n’échappe pas à ces critiques et le Groupe ne s’est pas fait faute de le relever.

Salvador Yaméogo, un député du Groupe CFR, ne croit pas si bien dire, lui qui, estimant qu’il faudra autre chose que la CENI, ne pense pas moins qu’il faut "des garde-fous". En tout cas, ramener l’organisation des élections dans le giron de l’Administration publique à qui, soit dit en passant, avait été retirée cette délicate tâche parce qu’elle avait étalé ses tares au grand jour, ce serait manifestement prendre un grand risque : le recul de la jeune démocratie burkinabè.

Certes, il est un fait indéniable que l’Administration burkinabè a accompagné la Commission électorale dans ses missions, et l’a appuyée dans bien des aspects des préparations et des déroulements de scrutins électoraux. Mais souhaiter qu’elle ravisse le rôle de la CENI, cela semble un peu fort de café. Et si cette nouvelle aventure s’avère infructueuse, faudra-t-il encore s’essayer à autre chose, puis à une autre, et ainsi de suite ?

Plutôt que de souhaiter (voeux de quelques partis) que le bébé CENI soit jeté avec l’eau du bain, tous les partis politiques, sans exception, devraient travailler, à leur manière, à rendre la structure plus perfectible. Car, si le bébé a été défaillant et "souillé", c’est aussi, en partie, par la faute des mêmes partis qui ont crié à la "saleté". Un bain qui, finalement, éclabousse toute la classe politique et dont tous les partis, du pouvoir comme de l’opposition, portent la responsabilité.

A titre d’exemple, les partis d’opposition qui n’ont cessé de jeter la pierre à la CENI ont-ils toujours, à leur niveau, contribué à réduire les fraudes électorales, en dépêchant dans les bureaux de vote leurs représentants, la loi électorale prévoyant bel et bien que les partis politiques peuvent être dans les bureaux de vote le jour du scrutin et être présents au moment du dépouillement ? Combien ont répondu à l’appel de certaines convocations de la CENI ? Et puis, l’on a trop souvent la critique facile et le ton acerbe, tout en oubliant que la CENI n’est pas composée de représentants du pouvoir uniquement, ni de l’opposition exclusivement. Ce sont les deux à la fois, auxquels il faut adjoindre la société civile. Quand le navire faisait eau, les passagers étaient-ils plongés dans un profond sommeil ?

Quoi qu’il en soit, on aurait mieux compris qu’une telle proposition de supprimer la CENI fût émise par l’ensemble des partis politiques, toutes tendances confondues. Que seul, nous semble-t-il, le Groupe parlementaire de la Convention des forces républicaines (CFD) ait, jusqu’ici, manifesté le souhait de voir l’organisation des élections confiée à une Administration publique, fût-elle républicaine, voilà qui donne à réfléchir. Dans un contexte de veille de campagne législative, il n’est pas superflu de se demander si cette idée n’est pas inspirée du pouvoir. La manifestation, peut-être, d’un souhait du retour au statu quo ante. Mais aussi, un ballon de sonde ? Si tel était le cas, les partis de l’opposition seraient avertis, eux qui, généralement, donnent la fâcheuse impression d’être toujours pris de court par les événements.

Dans tous les cas, à l’étape actuelle de notre démocratie et dans un contexte africain où les partis au pouvoir et leurs satellites usent de tous les moyens (dont ceux de l’Administration publique) pour obtenir un passage en force, le long parcours démocratique pourrait être compromis si l’organisation des élections était confiée à une Administration publique qui n’a visiblement pas encore tous les moyens de s’acquitter d’une tâche si délicate. Autrement dit, le moment n’a pas encore sonné.

Cela n’est, pour l’instant, possible que dans des administrations bien organisées dans lesquelles tout le monde se reconnaît, dans des Etats à démocratie très avancée et réellement républicains, où l’Etat de droit est véritablement une réalité et où tous les acteurs sont animés du souci de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’équité. Ce qui ne semble pas être encore le cas au Burkina.

Le Pays

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