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Non-lieu accordé à Marcel Kafando : "Bravo à la réaction du Collectif, mais attention au péché d’exclusivisme !"

Publié le mercredi 2 août 2006 à 07h40min

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Tout en félécitant le collectif pour sa déclaration sur le non-lieu accordé à Marcel Kafando, le psychopédagogue Guy Herman Bazémo met en garde cette structure contre des attitudes d’exclusivisme.

"J’ai lu avec intérêt la réaction du Collectif à l’incroyable non-lieu dont le pouvoir a fait cadeau à Marcel Kafando, confirmant ses intentions d’enterrer tout simplement le dossier Norbert Zongo comme il s’est juré de le faire pour les dossiers Thomas Sankara et bien d’autres.

65 jours après la conférence de presse du procureur Abdoulaye Barry annonçant ce possible non-lieu en ces termes : « Si Racine se rétracte, Marcel peut avoir un non-lieu tandis que dans le cas contraire, Marcel peut être jugé », et 13 jours après l’annonce officielle de l’ordonnance de non-lieu dans les médias, le Collectif réagit. Ouf, il était temps ! Les Burkinabè, dans leur majorité, qui observaient avec désolation le Collectif sombrer dans la léthargie, ne comprenaient pas qu’il ne trouve pas dans cet événement offert aux militants de la lutte contre l’impunité, un moyen de sursaut.

Ils ont regardé et observé des réactions à l’extérieur, spécialement celle de Reporters sans frontière par la voix de Robert Ménard et celle de l’Union Internationale des Journalistes Africains par la voix de Lansiné Camara, qui ont ému le monde entier par leurs propos poignants entendus sur RFI. A l’intérieur, ils ont relevé des réactions multiples : les protestations de certains médias dès le lendemain de la conférence du procureur du 6 juin sus-citée et après la confirmation du non-lieu, celles de quasiment tous les médias.

Ils ont entendu et lu la déclaration de la population résistante de Koudougou, observé également ces responsables de partis politiques et d’associations qui sont allés se recueillir sur la tombe de Norbert Zongo pour renouveler symboliquement leur engagement à lutter pour que justice lui soit rendue ; ils ont aussi lu la déclaration des partis sankaristes qui fustigeait ce non-lieu en appelant à la démission de Blaise Compaoré ; ils ont lu la déclaration de l’Association des journalistes du Burkina par son président, Jean-Claude Meda ; il ont constaté la marche suivie de meeting du 30 juillet 2006 de la population résistante de Koudougou.

Inquiétude

Il a fallu que toutes ces réactions approuvées par le peuple interviennent avant que le Collectif ne sorte sa déclaration. Il a quelque peu péché par ce fait mais ce n’est pas si grave que cela, puisqu’il n’est pas trop tard pour bien faire. Mais là où il y a quelque inquiétude, c’est en ce qui concerne ces accents plutôt étroits (pour justifier le retard) et qui font tache dans une si belle déclaration :

« ... c’est pourquoi, sans fébrilité, mais avec constance, lucidité et détermination, avec le peuple burkinabè, le Collectif travaillera à relever le défi que notre justice vient de lui lancer : le dossier Norbert Zongo ne sera pas classé sans suite ».

A qui s’adresse-t-on ? A Ménard à travers RSF, à Joël Simon à travers le Comité pour la protection des journalistes de CPl par la voix de Joël Simon, à Gabriel Baglo via le Bureau Afrique de la Fédération internationale des journalistes, à Lansiné Camara par le truchement de l’Union Internationale des Journalistes Africains... ? Ou vise-t-on, en interne, tous ceux qui n’ont pas tardé à condamner : les journalistes, les responsables de partis et d’associations de presse et autres, la population résistante de Koudougou, ville natale de Norbert Zongo ? Une telle sortie "était-elle vraiment nécessaire au moment où plus que jamais, on a besoin d’unité, et qu’il est impérieux que les uns et les autres s’épaulent ?

C’est plutôt triste, et il faut souhaiter qu’on ne voie plus de telles faiblesses qui pourraient être exploitées par le pouvoir, qui ne cherche que ça ! Si nécessaire, il faut oser accepter l’autocritique sincère, dynamique et courageuse de la part de tous (Collectif ou non), pour corriger les erreurs du passé et repartir sur de nouvelles bases.

Le Collectif a fait rêver, porté à bout de bras les espérances de tout un peuple. Il peut encore ranimer cette espérance, mais seulement en sachant mieux travailler et unir, en donnant à sa lutte une dimension inclusive qui englobe les préoccupations judiciaires, politiques et sociales, comme ailleurs en Afrique et dans le monde, des peuples opprimés ont pu le faire avec succès.

Je tenais à le dire, non pas pour heurter la sensibilité de qui que ce soit, mais dans le souci de contribuer à une bonne relance de la lutte contre l’impunité et parce que je suis convaincu, peut-être à cause de mes gènes gourounsi, que celui qui voit la vérité et qui la cache et laisse se commettre le mal est aussi coupable que l’auteur du mal.

Dorénavant, tous ceux qui jurent la main sur le cœur qu’ils s’engagent dans la lutte contre l’impunité et pour la vérité et la justice dans le dossier Norbert Zongo seront jugés à la cohérence de leurs stratégies, à la lisibilité de leur action et au prix qu’ils mettront dans ce combat multiforme. Un combat qui ne peut se mener, on s’en rend compte maintenant, sans mettre en cause la gouvernance globale du pays."

Guy Herman Bazémo Psychopédagogue Ouagadougou

Le Pays

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