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Sondages CGD : Il y aura toujours certains pour les défendre et d’autres pour les pourfendre

Publié le mardi 1er août 2006 à 07h22min

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J’ai lu avec un grand intérêt l’écrit intitulé " Enquête par sondage. L’opposition décide de boycotter le CGD ", paru dans le quotidien Le Pays N° 3656 du 04 juillet 2006. Je voudrais réagir en apportant ma modeste réflexion sur le sujet. Mes propos n’engagent ni le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD), ni aucun parti politique. Ils engagent ma modeste personne, en tant que simple citoyen burkinabè.

Suite à la publication des résultats d’un sondage réalisé en avril-mai 2006 par le CGD, l’écrit paru dans Le Pays N° 3656 du 04 juillet 2006 nous informe qu’ " à travers ce qui a été intitulé "Déclaration ouverte ", 7 partis de l’opposition protestent contre le sondage en se demandant sur quoi il s’est basé pour parvenir à de tels résultats. Sans seulement se contenter de tirer à boulets rouges sur l’institut, ces partis ont décidé de ne plus participer aux activités du CGD jusqu’à nouvel ordre ".

A quels résultats est parvenu le CGD dans le sondage évoqué par la "Déclaration ouverte " du 29 juin 2006 ?
Dans le sondage, l’institut serait parvenu, selon la "Déclaration ouverte ", " aux deux conclusions essentielles suivantes :
l’action de Blaise Compaoré approuvée par 71% des Burkinabè ;

la victoire du CDP avec 44,94% des intentions de vote des Burkinabè pour les législatives 2007 ".
Dans la " Déclaration ouverte ", les sept (7) partis de l’opposition signataires de ladite déclaration (FDS, PDP/PS, PNR/JV, MDR, RDEB, UFR, UNDD) ont qualifié le CGD " d’instrument de manipulation de l’opinion " et son premier responsable de partisan du pouvoir de la IVe République.

1er point : "l’action de Blaise Compaoré approuvée par 71% des Burkinabè ".
Sur ce point, les 7 partis de l’opposition signataires de la " Déclaration ouverte " s’interrogent sur la nature des actions approuvées par 71% des Burkinabè et énumèrent :
" - la corruption érigée en système de gouvernement ;
l’insécurité devenue permanente sur toute l’étendue du territoire national ;
l’instrumentalisation des gouverneurs de régions, des hauts commissaires, des préfets, des directeurs régionaux et provinciaux, de la chefferie coutumière et des responsables religieux à des fins électoralistes ;
les brigandages économiques ;
le rançonnement des opérateurs économiques privés pour soutenir une compagne électorale scandaleuse par le déploiement des moyens face aux candidats démunis de l’opposition ;
l’incapacité à contenir l’inflation des prix face à une population qui s’enfonce dans la misère ;
l’utilisation scandaleuse de l’aide des peuples amis au peuple burkinabè pour en faire des programmes personnels à des fins de propagandes électoralistes ;
- les constructions d’écoles démarrées dans le cadre du PDDEB et qui ne sont jamais terminées parce que des marchés sont complaisamment octroyés à des amis politiques rompus à la fraude économique et financière ;
- le marasme économique dans lequel s’enfonce le Burkina Faso face à l’impunité garantie par Blaise Compaoré pour les nouveaux riches de son régime".

Cette situation ci-dessus peinte me semble réelle. Mais, quel acte fort ou quelle action inédite a posé l’opposition pour sortir "le peuple burkinabè" de cette effroyable géhenne ? A-t-elle pu empêcher la candidature de Blaise Compaoré à la Présidentielle du 13 novembre 2005 ? A-t-elle su au moins s’unir pour affronter cette Présidentielle afin d’empêcher le candidat Blaise Compaoré d’accéder au majestueux nouveau "Palais de Kosyam", sis dans la zone la plus futuriste de la capitale, Ouaga 2000 ?
2e point : " la victoire du CDP avec 44,94% des intentions de vote des Burkinabè pour les législatives 2007 ".

Sur ce point, les 7 partis de l’opposition signatairs de la " Déclaration ouverte " s’insurgent contre le CGD et annoncent " les méthodes qu’utilisera le CDP pour atteindre ces 44% de sièges à la prochaine Assemblée nationale :
tripatouillage du fichier électoral avec la complicité d’une CENI aux ordres ;
intimidation des fonctionnaires à la recherche de postes et autres nominations politiques ;
intimidation des populations du milieu rural à travers la chefferie coutumière et les responsables religieux instrumentalisés ;
- mensonges et autres arnaques des populations rurales à majorité analphabète ;

utilisation des moyens de d’Etat pour la campagne ;
Corruption et l’achat des consciences..."
Cette situation me paraît encore réelle. Mais est-ce le CGD (ou son premier responsable) qui recommande ou suggère au CDP d’utiliser ces " méthodes " pour atteindre un certain pourcentage de représentation à notre auguste Assemblée nationale ?

L’opposition politique espérait-elle que l’existence d’une CENI, le financement des partis politiques, l’accès aux médias d’Etat et l’utilisation du bulletin unique suffiraient à instaurer et enraciner une culture démocratique dans ce pays ? Oh non ! La bataille à mener est plus hardie et doit être engagée contre l’adversaire politique. En effet, l’histoire nous enseigne qu’aucune victoire démocratique dans le monde n’a été obtenue sans une lutte conséquente.

En somme, selon la "Déclaration ouverte", "l’opposition burkinabè dénonce ce comportement du CGD et se démarque des actions de cette ONG qui s’est révélée être un instrument de manipulation du peuple burkinabè aux mains de Blaise Compaoré et de son CDP ".
Proposons quelques définitions de l’opinion publique et du sondage avant de progresser..

Pour le psycho-sociologue français Jean STOETZEL (1910-1987), l’opinion publique est un " ensemble de jugements sur les problèmes actuels auxquels adhèrent une grande partie des membres d’une société. Une des conditions indispensable à l’existence de l’opinion, c’est la communication des pensées individuelles au sein de cette société ". (Alain BEITONE et coll., Sciences sociales, 3e édition, Paris, 2002).

Mesure de l’opinion : le sondage

" Faire un sondage dans une population donnée, c’est interroger une partie de cette population pour en déduire des résultats valables pour la population prise dans son ensemble. Cette méthode est une application du calcul des probabilités et de la loi des grands nombres ". (Alain BEITONE et coll., Sciences sociales, 3e édition, Paris, 2002).

Autrement dit, il s’agit d’un ensemble d’opérations ayant pour objet la distribution de certaines caractéristiques dans la totalité d’une population, à partir de l’observation d’une fraction représentative de cette population dénommée échantillon.
A présent, abordons ensemble le sondage proprement dit du CGD.

Le CGD a-t-il respecté les règles d’élaboration des sondages au cours du sondage réalisé en avril-mai 2006 sur le territoire burkinabè ?

La taille de l’échantillon du sondage

Selon les spécialistes en la matière, l’échantillon devrait avoir une taille suffisante. La précision du sondage, la généralisation et la validité des résultats de l’enquête dépendent en effet du nombre de personnes interrogées. En général, au dessus de 1000 personnes, un échantillon garantit des résultats fiables.
Dans son enquête, le CGD a interrogé 1738 Burkinabè sur l’état de la gouvernance démocratique et économique au Burkina Faso. Par conséquent, la représentativité de l’échantillon du sondage me paraît effective.

La méthode de construction de l’échantillon du sondage
"1738 personnes résidentes dans les 13 régions du Burkina ont été questionnées en face-à-face en trois langues nationales et en français sur l’état de la gouvernance du Burkina Faso", lit-on dans L’Observateur Paalga N°6670 du 29 juin 2006.

"Les résultats obtenus par sondage stratifié à deux degrés réalisés courant avril et mai 2006 traduisent les préoccupations des populations", lit-on dans L’Indépendant N°669 du 04 juillet 2006.

Quoiqu’il en soit, au regard de la qualité et de la compétence des acteurs qui animent le CGD, et aussi de la crédibilité de l’institut, je me convainc du bon choix de l’éventuelle méthode qui aurait été utilisée pour l’échantillonnage.

L’élaboration du questionnaire de l’enquête

Au regard de la qualité et de la compétence des acteurs qui animent le CGD et de la crédibilité de l’institut, je reste persuadé du respect par le CGD des exigences dans l’élaboration du questionnaire, lesquelles exigences sont résumées de la manière suivante par F. BON : " une bonne question doit être simple, aisément compréhensible, univoque ; elle doit être neutre, ne pas induire une réponse négative ou positive-idéal qu’il n’est pas toujours aisé d’atteindre ". (Alain BEITONE et coll., Sciences sociales, 3e édition, Paris, 2002).
C’est sans doute une raison pour laquelle trois langues nationales en plus du français ont été utilisées pour le questionnaire.

L’interprétation des résultats du sondage

Comme l’affirment les spécialistes, " un sondage fournit non une certitude, mais une probabilité. Son résultat est une approximation qui comporte nécessairement une marge d’erreur ". (Alain BEITONE et coll., Sciences sociales, 3e édition, Paris, 2002).

Les conclusions significatives qui émergent des résultats du sondage me paraissent en douze (12) points :
1er point : Le degré de satisfaction des citoyens burkinabè de la démocratie burkinabè d’aujourd’hui
40% de citoyens burkinabè sont très ou satisfaits de la démocratie burkinabè, et 40,51% ne sont pas du tout ou pas très satisfaits.

2e point : La liberté de pensée au Burkina Faso
60% de citoyens burkinabè estiment que la liberté de pensée est effective.

3e point : le choix des opinions politiques au Burkina Faso
63,6% de citoyens burkinabè estiment que le choix des opinions politiques sans pression est une réalité.
4e point : la confiance des citoyens burkinabè aux institutions

* 53,7% de citoyens burkinabè ont un degré de confiance élevée aux forces armées et de sécurité et 51% au Président du Faso ;

* 14,7% de citoyens burkinabè ont un degré de confiance moindre à l’opposition.

5e point : l’action de Blaise Compaoré
L’action du Président du Faso est approuvée par 71,06% de citoyens burkinabè.

6e point : L’action des députés et celle des élus locaux
* L’action des députés est approuvée par 44,8% de citoyens burkinabè contre 36,30% ;

* L’action des élus locaux est approuvée par 30,26% de citoyens burkinabè contre 33,73%.

7e point : le vote des Burkinabè de l’étranger
78,71% de citoyens burkinabè sont favorables au vote de leurs compatriotes de l’étranger.

8e point : la question genre en politique
50,75% de citoyens burkinabè sont favorables à l’égalité des femmes et des hommes au niveau des mandats électifs.

9e point : les élections législatives de 2007
44,94% de citoyens burkinabè ont l’intention de voter pour le CDP aux élections législatives de 2007.

10e point : la situation économique du Burkina Faso
45,74% de citoyens burkinabè contre 29% estiment que la situation économique est mauvaise.

11e point : la répartition des richesses nationales
80,79% de citoyens burkinabè soutiennent que le fossé entre riches et pauvres s’est amplifié par rapport aux années précédentes.

12e point : la corruption dans les institutions du Burkina Faso

* La police et la gendarmerie occupent la 1ère place (20,80%), suivies des impôts et des douanes (20,40%) ;
* La corruption touche les membres du gouvernement YONLI (17,6%).

En rappel

Le Fasobaromètre I du CGD réalisé en juin 2005 a concerné un échantillon de 1200 personnes, toutes résidant à Ouagadougou. Sur la Présidentielle du 13 novembre 2005, "les sondés auraient voté, si l’élection devait se tenir aujourd’hui, pour Blaise Compaoré à 87,1%. En deuxième position viendrait Maître Bénéwendé Sankara avec 2,3% ". (Cf. L’Evénement N°74 du 25 août 2005).

Le Fasobaromètre II du CGD réalisé du 15 septembre au 03 octobre 2005 a concerné un échantillon de 2304 personnes résidant dans les 13 régions du Burkina. La méthode utilisée serait la même que celle de Fasobaromètre I, la méthode des quotas basée sur la population-mère qu’est le Recensement Général de la Population Humaine (RGPH) de 1996.

Sur la Présidentielle du 13 novembre 2005, "ce sondage plébiscite Blaise Compaoré de 67,4% d’intentions de vote (spontanés), talonné par Me Sankara Bénéwendé (3,7%), et met en lumière 24,6% d’indécis (...). Et lorsqu’on suggère, cela monte à 68,7% pour Blaise, 4,1% pour Sankara, 1,5% pour Laurent Bado". (Cf. L’Observateur Paalga du 17 Octobre 2005).

Les résultats officiels du conseil constitutionnel revèlent, sur la Présidentielle du 13 novembre 2005, que " Blaise Compaoré obtient 1660148 voix, soit 80,35%, suivi de Me Bénéwendé Sankara 100816 voix, soit 4,88% ; Laurent Bado 53743 voix, soit 2,60% ". (Cf. L’Observateur Paalga du 28 novembre 2005).

Une analyse impartiale et objective des résultats de ces deux sondages en leur chapitre Présidentielle du 13 novembre 2005, et des résultats officiels de ladite Présidentielle fournis par le Conseil constitutionnel, ne nous révèle-t-elle pas des similitudes dignes d’intérêt ?

Le Centre pour la Gouvernance Démocratique, organisation non gouvernementale dirigée par le Pr Augustin LOADA, qui a pu engager une entreprise inédite dans ce pays (à ma connaissance) en orientant son action sur des questions intéressant la gouvernance démocratique et économique au Burkina Faso, afin de mettre à la disposition des gouvernants, des opposants et des autres acteurs des données, ne mérite-t-il pas des critiques constructives ?
A mon humble avis, l’honnêteté intellectuelle (permettez-moi de le dire) nous recommande d’apprécier à sa juste valeur le travail hautement scientifique abattu par le Centre pour la Gouvernance Démocratique.

Certes, l’on pourrait débattre de la validité des sondages d’opinions, mais l’on ne pourra faire converger tous les points de vue en la matière (même ceux des spécialistes). Il y aura toujours des personnes pour prendre la défense des sondages et des personnes pour les pourfendre. De là à détruire une recherche scientifique de longue haleine, et ce pour des raisons politiques, il y a un pas que seuls ceux qui ont la possibilité et la capacité de franchir, franchissent allègrement !!!

Y. BraguesPafadnam,
Attaché de santé, CHUP-CDG

L’Evénement

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