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Arba Diallo, nouveau maire de Dori...

Publié le mardi 1er août 2006 à 07h46min

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Son excellence a pris les rênes de la commune de Dori. Le haut commissaire lui a passé l’écharpe au cou, devant un parterre d’éminents fils de la région, dont certains n’y avaient pas mis les pieds depuis bien longtemps.

" Parce que c’est Arba, je suis là... S’il s’agissait de reconduire l’ancien maire, je ne me serai pas déplacé... ", l’auteur de ces propos n’est pas un militant du PDS, le parti de Arba Diallo, un parti créé à la suite de la crise au PAI, qui a vu Soumane Touré évincer, avec la bénédiction de l’administration, les " éléphants " du plus vieux parti communiste burkinabè. Notre interlocuteur est un CDP bon teint, bon genre.

Comme lui, beaucoup de ressortissants de Dori, dont l’appartenance au parti au pouvoir est de notoriété publique, sont venus à l’investiture. Ils croient tous, qu’au-delà des positions partisanes, Arba Diallo maire, c’est ce qui pouvait arriver de mieux à leur ville dans la situation actuelle. Alors, contre les consignes strictes de boycott de la direction régionale du CDP, ils ont tenu à prendre part à la cérémonie de l’investiture.

Le maire sortant, Bouba Dicko, n’a pas eu le fair-play démocratique nécessaire pour assister au passage de témoin. Son ancien adjoint, Idrissa Lompo non plus. Celui-ci s’est replié à la préfecture, devenue désormais la place forte de la résistance. Pour lui, " il n’était pas question pour moi d’aller à cette cérémonie. A moins qu’on m’attache ".

Quand nous lui faisons remarquer que son attitude n’est pas celle d’un démocrate, il répond qu’ " il s’agit de la démocratie à l’africaine ". Cela présage certainement d’une cohabitation houleuse. Avec ses 85 conseillers, le CDP n’a pu garder la mairie, mais c’est un nombre suffisant pour provoquer le blocage des travaux du Conseil municipal.

C’est ce qui se projette nettement puisqu’à la veille de l’investiture, les responsables du CDP régional ont procédé à l’internement de leurs conseillers. Dans cette opération de rafle, une altercation a même failli se produire à Bambofa. Le maire sortant, qui aurait insisté pour embarquer la conseillère Fadima Abdoulaye, souffrante, a provoqué la colère du mari de cette dernière. De peu, semble-t-il, un incident allait se produire.

L’incident autour de cette conseillère n’est pas fortuit, puisque son nom figure sur une liste de cinq conseillers CDP qui ont décidé de rejoindre le petit parti, MACENPOL/RDB du Dr Ly Aboubacar. Il semble que si pour les quatre autres, le CDP a réussi à les faire revenir sur leur décision, il n’en serait pas de même pour la dame Fadima, qui serait restée sur sa position. D’où probablement l’explication de cette altercation. Pour anecdotique que cela puisse paraître, il n’en laisse pas moins prévoir les difficultés qui attendent le nouveau maire.

Homme de consensus

Arba Hama Diallo est une personnalité qui fait consensus. En politique depuis la création du PAI, au début des 1970, il est resté constant dans son engagement pour la région, malgré les difficultés que ses adversaires n’ont eu cesse de déployer sur son chemin. Pour le contrer, ses adversaires n’ont pas hésité à décréter la mise en quarantaine d’une ambulance qu’il avait obtenue, grâce à ses relations, pour le CSPS de Gorgadji, un département situé à une cinquantaine de kilomètre de Dori.

Cette ambulance a été bloquée sous le garage du CSPS, alors que les malades, qui devaient être évacués sur Dori, devraient, soit attendre que l’ambulance vienne de Dori, ou se faire transporter à mobylette par les proches, jusqu’au CHR. Notre journal s’était, en son temps, fait l’écho de cette attitude inqualifiable.

Maintenant, avec son élection à la tête de la mairie, Arba Diallo a toute la latitude de déployer tout ce dont il est capable pour la région. Il est en tout cas très attendu, même si sa marge de manœuvre est très réduite, pour une commune dont le budget annuel, en ressources propres, ne dépasse guère les 20 millions de francs CFA. Et pour ne rien arranger, l’équipe sortante lui a laissé une belle ardoise de 50 millions en impayés de téléphone, électricité et eau.

La nouvelle équipe aura donc fort à faire. Les Doriens se consolent au moins de savoir que leur nouveau maire, personnellement, n’a pas besoin de puiser dans les caisses de la mairie, pour vivre. C’est déjà des économies substantielles qui seront réalisées là où jusque-là, l’équipe dirigeante de la commune coûtait par mois, environ un million de francs, tous frais confondus, au contribuable dorien.

Des économies substantielles seront faites, mais il reste que le budget, tel qu’il se présente, ne permettra pas de faire des miracles. A moins que la nouvelle équipe, surmontant les blocages politiques du rival CDP, entraîne les populations dans un élan volontariste de développement. Le contexte y est très favorable, au regard de la qualité des personnalités qui ont fait le déplacement pour assister à l’investiture.

Le richissime Oumarou Nouhoun Maïga, en dissidence avec Kader Cissé (le coordonnateur régional du CDP), dont il fut pendant longtemps un dévoué lieutenant, a assisté à la cérémonie d’investiture, marquant certainement la rupture définitive avec son ancien mentor. Mais il n’est pas le seul. Des personnalités originaires de Dori sont prêtes vraisemblablement à s’investir pour leur ville et n’attendent qu’un signe clair. L’Emir de Dori, dont le ralliement à la coalition a été déterminant pour la victoire de Arba Diallo, reste l’homme de toutes les possibilités.

C’est un homme qui est plein d’initiatives. La toute dernière est très ambitieuse et consisterait, en concertation avec une université canadienne, à ériger un véritable complexe éducatif qui irait du primaire au supérieur, avec la collaboration pédagogique et didactique du partenaire canadien. Avec le bitumage de la route de Dori, c’est un projet qui, s’il voyait le jour, contribuerait au prestige de la région, tout en permettant son essor économique.

Dori est déjà une destination culturelle de premier ordre, grâce au festival annuel des éleveurs de l’Afrique, APESS, et de l’Ecole de la sagesse, toutes deux, initiatives de Dr Boubacar Ly. Ces acquis devraient être renforcés par le projet de construction du plus grand musée de la culture peulh qu’a toujours ambitionné le nouveau maire Arba Diallo.

Il y a donc, comme on peut le voir, des perspectives très intéressantes pour la ville et la région. Mais il faut surmonter les écueils politiques. Et ce n’est pas ce qui manque. L’euphorie de l’alternance ne suffit pas à dissiper les mésententes, qui ne sont pas forcément extra PDS. Le maire Arba Diallo devrait prêter une oreille attentive aux griefs itératifs qui sourdent dans son entourage immédiat.

Il gagnerait également, pour la sérénité de la collaboration, à discuter et à aplanir les perspectives pour les législatives de 2007. Il est bien payé pour savoir que le jeu politique, dans cette région plus que partout ailleurs, n’est pas basé sur l’engagement militant. En tout cas, dans le sillage de son élection à la mairie et l’entêtement de Kader Cissé à continuer dans sa suffisance, s’ouvre pour lui une période de grâce. Une opportunité d’asseoir durablement son leadership.


Les détails étaient absents

A la veille de son investiture, les adversaires du nouveau maire ont tout fait pour démobiliser les populations de Dori. Les conseillers du CDP ont été internés. Un mot d’ordre de non participation aurait été lancé à l’endroit de l’administration, notamment aux responsables et chefs de services.

Et pourtant, tous sont venus avec à leur tête, le gouverneur de la région qu’accompagnait, pour la circonstance, le ministre délégué chargé de l’Enseignement de base, Diamdioda Dicko. Lequel est justement le patron de la CDF, un des partis influents de la coalition qui a élu Arba Diallo à la mairie. Outre la haute hiérarchie de l’administration, tous les fils de la région qui comptent sont venus à la cérémonie. Ce qui a fait dire à Arba Diallo, qui ne manque pas de sens de la formule, que " tous ceux qui comptent sont là. Seuls les détails sont absents"

Newton Ahmed Barry
L’Evénement

P.-S.

Lire le dossier :
Municipales 2006

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