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Élection en R.D Congo : M’Bemba désarmera-t-il ?

Publié le lundi 31 juillet 2006 à 07h32min

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Dimanche 30 juillet 2006, vingt cinq millions de Congolais sont allés aux urnes pour élire leur président ainsi que leurs représentants à l’Assemblée nationale. Des élections générales à l’issue desquelles l’actuel président devrait triompher avec la question de savoir si ses adversaires, particulièrement Jean Pierre M’Bemba accepteront le verdict des urnes.

Malgré la percée des hommes comme Pierre Pay-Pay, Victor Kashala et Azarias Ruberois lors de la campagne présidentielle, le scrutin devrait se jouer entre les deux hommes qui sont apparus comme les poids lourds du landerneau politique du Congo Démocratique, à savoir le président Joseph Kabila et le leader du Mouvement de libération du Congo (MLC), Jean Pierre M’Bemba. Disposant tous les deux de moyens conséquents et d’un appareil bien huilé, ils sont les seuls à avoir fait campagne dans tout le pays pratiquement, déclenchant au passage, euphorie et liesse de leurs militants. Dans ce registre, le dernier meeting kinois de Jean Pierre M’Bemba tenu vendredi dernier, aura été une véritable démonstration de force. Garde prétorienne fortement armée, militants sortis en masse dans les rues de « Kin » pour converger vers les lieux de la manifestation (40 000 à 150 000 personnes selon nos sources) M’Bemba, le tribun, pouvait parader et réclamer des élections « justes et transparentes ». Des élections à l’issue desquelles, lui M’Bemba « rétablira la sécurité » dont le pays a tant besoin depuis une décennie. Il ne croyait pas si bien dire en soulignant ce déficit de sécurité, car son meeting sera « perturbé » par des soldats (?) de l’Armée congolaise désireux de canaliser la fougue des militants du MLC. Réplique de la garde du leader du parti, avec des morts à la clé, côté soldats gouvernementaux.

La confrontation jusque-la, verbale entre Kabila et M’Bemba connaissait son premier dérapage et les 17 000 casques bleus de l’ONU ne seront pas de trop pour éviter d’autres couacs pendant et après les élections, surtout lorsque les résultats seront proclamés. Kabila comme M’Bemba sont « sûrs et certains » de sortir vainqueurs à la présidentielle, tout autre résultat apparaissant comme « nul et non avenu ».

Quand on sait que les deux hommes sont entiers et que les motifs de contentieux ne manquent pas entre eux (M’Bemba avait pris les armes contre Kabila-père et ne les a pas toujours déposées comme en témoigne le « clash » de vendredi), nul ne peut présager de la réaction qu’ils auront en cas de défaite.

Avant d’aller plus loin dans les « spéculations », il convient de s’arrêter sur les deux personnages pour comprendre les raisons de leur animosité réciproque, malgré quelques années de cohabitation à la tête de l’Etat. Joseph Kabila d’abord pour dire que si « les chiens ne font pas les chats », Kabila-fils n’a pas chaussé les bottes politiques de son père.

On est mémoratif que parvenu au pouvoir en 1997, Laurent Désiré Kabila avait voulu rompre avec les puissances « titulaires » du Zaïre. Belgique, France et USA étaient vilipendés à longueur de journée par ce lumumbiste que le « Che » avait trouvé quelque peu « fêtard » (Ernesto « Che » Guevara a séjourné dans le maquis congolais au début des années 60) cependant que tous les « réseaux » d’exploitation de ce coffre à ciel ouvert qu’est la RC Congo étaient priés de revoir les clauses léonines de leurs contrats.

L’eau et le feu

Une « révolution » qui ne durera que le temps que durent les roses, avec l’assassinat de Laurent Désiré Kabila dans les conditions jusque-là non-élucidées. Instruit par cet assassinat mystérieux et plus sûrement (fortement) conseillé par ceux qui en connaissaient les tenants et les aboutissants, Kabila-fils fera revivre la « malédiction congénitale » en posant des actes de « bonne conduite ». Si son père avait snobé les capitales occidentales, lui, leur rendra visite à plus d’une reprise avec à la bouche, un discours conciliateur. Du coup, certaines rebellions suscitées par les Occidentaux avec l’aide d’alliés régionaux connaîtront moins de violence Bien sûr, les régions orientales du pays restaient agitées, mais dans son ensemble la RD-Congo se pacifiait peu à peu.

Il lui reste à résoudre l’équation banyamulengué (les Congolais de souche rwandaise), ce qui semble être fait avec l’acceptation d’Azarias Ruberois parmi les candidats à la présidence. Il n’y a guère longtemps, ce dernier, était traité d’étranger, ce qui avait le don d’agacer ses frères du Kivu et plus loin, ses « cousins » rwandais.

Parvenu au pouvoir sur un coup de dés, celui que les milieux extrémistes au Congo traitent aussi ‘« d’étranger » (sa mère serait Rwandaise et il ne serait rentré au pays qu’en 1997) se montrait habile tacticien, en caressant les uns dans le sens du poil et en esquivant les gros écueils.

Discret, calme et s’exprimant sur un ton toujours égal, il a policé son image d’homme d’Etat au point qu’aujourd’hui, beaucoup de ses compatriotes ne jurent que par lui. Il a aussi gagné la confiance des Occidentaux. C’est dire qu’il est le super favori de cette course présidentielle, dont le but dans son entendement est de lui donner la légalité et la légitimité qui lui font jusque-là, défaut. Face à lui donc, Jean-Pierre M’Bemba, le tribun, « fils à papa », lui aussi et un peu exubérant sur les bords. Héritier d’une famille qui a bâti sa fortune du temps de Mobutu, il a gardé l’assurance et la morgue de son milieu, le goût de la fête en sus.

L’appétit et la roublardise politique aussi, lui que l’on qualifiait à ses débuts de « plaisantin » et qui a pu, grâce à la fortune de son père et sa persévérance, devenir le numéro 2 du régime Kabila. Comme indiqué plus haut, il n’a pas hésité à « rentrer en rébellion », contre le régime de Kabila-père lorsque ce dernier avait maille à partir avec ses alliés régionaux devenus ses adversaires irréductibles. Le père mort, il n’a pas baissé la garde face au fils et il doit son statut actuel à sa surface militaire. Et comme il se dit et se croit populaire, « il n’est pas question » de perdre les élections. En fait, M’Bemba sait que loin du pouvoir, il est exposé à toutes sortes « d’avanies » en raison de son passé guerrier et de l’animosité qui existe entre lui et le vainqueur potentiel, Kabila.

Et puis, comment entretenir la troupe si la manne katangaise lui était retirée dans un pays pacifié ? M’Bemba joue donc sa survie politique et économique à ce scrutin, ce qui peut entraîner des réactions imprévisibles. L’escarmouche du vendredi 28 juillet pourrait être suivie d’autres affrontements plus « lourds ». Surtout si Kabila décide de plier l’affaire dès le premier tour. Une tentation d’autant plus grande qu’elle éviterait d’autres clashs et serait source d’économie certaine. De heurts potentiels aussi, toute chose qui commande un devoir de vigilance pour tous ceux qui sont chargés d’encadrer le processus. Autrement, le bien pourrait se transformer en mal.

Boubakar SY

Sidwaya

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