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Justice : On a encore tué Norbert Zongo

Publié le lundi 31 juillet 2006 à 07h19min

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Avec la décision prise par le Procureur du Faso d’entériner le non-lieu prononcé par le juge Wenceslas Ilboudo, c’est incontestablement une seconde mort pour Norbert Zongo, le fondateur du journal L’Indépendant assassiné le 13 décembre 1998.

Ainsi, huit ans après les faits, le dossier se retrouve à la case départ. Et même que, dans cette hypothèse, ce serait faire preuve d’optimisme, puisque le non-lieu referme la maigre piste de l’adjudant-chef Marcel Kafando alors qu’en 1999, au moins, il y avait l’espoir que le seul inculpé permette d’aboutir aux exécutants et aux commanditaires.

Certes, l’un des principes sacrés en justice est qu’il est toujours mieux d’avoir un coupable dehors qu’un innocent en prison, mais on est tout aussi surpris que, dans ce pays de savane où chacun sait qui est qui, un aussi odieux crime reste impuni huit ans après. Comment comprendre que, dans une République où l’on ne badine pas avec les questions sécuritaires, des individus isolés aient pu planifier et exécuter avec autant de succès leur macabre plan d’assassinat ?

Et les armes des crimes ! Les populations perdent d’autant plus facilement leur mooré que le régime savait que tout mal qui serait fait au directeur de publication de L’Indépendant lui serait imputé à cause de l’engagement du confrère, particulièrement dans l’affaire David-Ouédraogo. On se rappelle que ce dernier est mort lui aussi dans d’atroces conditions.

On est alors tenté de penser que tous ceux qui pouvaient être gênés d’une manière ou d’une autre par ce dossier ont joué et gagné avec le temps. En dépit du choc que suscite la décision de justice, tout laisse à penser qu’en dehors des protestations dans les cercles restreints, rien n’indique (pour l’instant) que la réaction ira au-delà de ces mouvements d’humeur. Les septiques ont simplement eu tort d’avoir eu raison trop tôt.

En effet, face aux inquiétudes exprimées par les avocats, le monde de la presse et la société civile, la justice a toujours assuré que le dossier suivait son cours. Huit ans après, les faits montrent clairement que les inquiétudes étaient fondées. On a l’impression que le but recherché est de ramener à tout prix le dossier au point zéro.

Sans remettre en cause l’indépendance de la justice burkinabè, on a l’impression que, dans ce dossier, la politique a pris le pas sur la justice. Il y a eu comme un acharnement, un travail au corps sur le sieur Racine Yaméogo pour qu’il se dénie, créant ainsi la confusion et le doute. Comme il fallait s’y attendre, c’était l’occasion rêvée pour prononcer le non-lieu. En tout état de cause, deux faits s’invitent dans la réflexion.

D’abord, le Procureur annonce sa ’’bombe’’ pendant les vacances, c’est-à-dire la période où élèves et étudiants sont dispersés à travers le pays et donc incapables d’organiser quoi que ce soit pour faire pression sur le pouvoir. Ensuite, l’opposition et la société civile, de qui pouvait venir la riposte appropriée, sont en léthargie.

Dans ces conditions, on peut douter qu’elles agissent autrement que par des protestations à travers la presse. Les faucons du système ont donc réussi leur coup. Mais en politique comme à la guerre, remporter une bataille ne signifie pas gagner forcément la guerre. Á force de liquider à moindres frais les dossiers corsés de la République, le pouvoir risque fort de se retrouver pris un jour dans son propre piège.

Henri Sebgo (Norbert Zongo) aimait à écrire qu’au Faso la meilleure façon d’enterrer un dossier était d’ouvrir une enquête. Ironie de l’histoire, c’est effectivement une enquête qui essaye d’enterrer définitivement son dossier, un dossier qui a fait trembler la République ; à moins que l’appel introduit par les avocats ne redonne une autre chance au dossier. Mais comme qui dirait, « faut pas rêver ».

Adam Igor

Journal du jeudi

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