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Ethiopie-Somalie : La diplomatie du canon

Publié le mardi 25 juillet 2006 à 07h51min

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Des bruits de bottes se font à nouveau entendre à la frontière entre l’Ethiopie et la Somalie, deux pays dont les relations sont plus faites de haine que d’amour. Déjà, en 1964, 1977, 1990, 1993 et 1996, les deux voisins en étaient arrivés à des affrontements de types divers qui ont fini par les installer dans un état de quasi-belligérance permanent.

Cette fois-ci, la pomme de discorde porte sur les velléités des nouveaux maîtres de la Somalie, les Tribunaux islamiques, de vouloir étendre leur influence sur Baïdoa, une ville où siège le gouvernement de transition somalien. Une perspective que Addis Abeba ne peut admettre parce que, d’une part, le président du gouvernement de transition est son allié et, d’autre part par crainte de voir les islamistes s’installer à ses frontières. Car, en même temps, il se dessine, à l’horizon, avec les islamistes, l’avènement d’une « Grande Somalie » dont l’Ethiopie ne veut pas entendre parler.

Des enjeux divers, à la fois politiques et géostratégiques, sont donc à la base de l’instabilité de la région qui, depuis de nombreuses années, est secouée par des conflits à répétition. Les ingérences extérieures contribuent pour beaucoup, à pérenniser et à durcir davantage ces antagonismes. Il est de notoriété publique que les Etats-Unis sont en grande partie responsables du regain de tension dans la Corne de l’Afrique dont la mèche est en train de partir de la Somalie. Au nom de son concept toujours fumeux de la lutte contre le terrorisme, Washington a armé et financé des chefs de guerre pour en découdre avec les Tribunaux islamiques qu’il ne porte pas dans son cœur.

Echaudés par l’échec de l’opération Restore Hope qui s’était soldée par la mort de leurs soldats, les Etats-Unis préfèrent désormais passer par des supplétifs locaux pour faire la sale besogne. Mais une fois encore, la baraka ne fut pas de leur côté avec la défaite des chefs de guerre, ce qui a donné des ailes et des idées aux vainqueurs. D’où la déferlante islamiste sur les autres villes de la Somalie. Au-delà des jeux d’intérêts entre puissances régionales et extérieures, il reste entendu que les pays et les peuples de la Corne de l’Afrique sont les plus grands perdants du regain de tension actuel. En se laissant utiliser par des pays comme les Etats-Unis, les dirigeants africains ne font qu’éloigner leurs pays des objectifs qui priment : développement et paix. On voit bien que l’Amérique ne se met pas forcément dans la posture d’une puissance protectrice des faibles. Elle agit plutôt avec violence à l’instar des tragiques événements auxquels l’on assiste au Proche-Orient.

La Somalie, l’Ethiopie et l’Erythrée auraient pu tirer profit de leurs ressemblances culturelles pour bâtir un destin commun. Malheureusement, la politique du pire a toujours été le socle des différents régimes, pris entre des intérêts nationalistes étriqués et d’incessantes ingérences extérieures. De sorte qu’ils contribuent eux-mêmes à alimenter les foyers de tension et à maintenir leurs pays dans un état d’arriération extrême. Le cas de l’Ethiopie est encore plus grave. Auréolé du prestige que lui procure le fait d’abriter le siège de l’Union africaine, ce pays devait constituer un phare, pour illuminer de sa sagesse ce continent sinistré. Or il n’en est rien, et l’Ethiopie semble plus jouer le jeu de l’extérieur que de l’Afrique.

Emprisonnements d’opposants et violations des droits de l’homme sont le lot de ce pays soutenu, malgré tous ses travers, par l’Administration Bush. A quelle fin ? Sans doute pour servir de rempart à ce que les autorités américaines considèrent comme une menace terroriste, à savoir l’avènement des Islamistes en Somalie. Dans le cas d’espèce, l’Ethiopie sert des intérêts obscurs qui l’éloignent encore chaque jour de ses voisins érythréens et somaliens.

Une prise de conscience accompagnée d’un sursaut d’orgueil est indispensable chez les Africains, dans leurs rapports avec l’extérieur. La diplomatie des grandes puissances ne s’embarrasse pas de scrupules. Elle est essentiellement guidée par le gain, qu’il soit politique ou économique. Rien n’est gratuit. Continuer à croire que les Occidentaux accourent sur le continent pour les beaux yeux de ses enfants, c’est perpétuer une situation de dépendance où le perdant est tout désigné : l’Afrique.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 25 juillet 2006 à 11:08, par Abraham En réponse à : > Ethiopie-Somalie : La diplomatie du canon

    C’est bien là le comportement auto-malfaisant de nous autres, Africains.

    Combien sommes-nous nombreux à jouer les guignols, juste pour plaire aux Occidentaux en ignorant que la conséquence globale est notre situation permanente de sous-développement ?

    NB) : Faso.Net nous rendra beaucoup service en reproduisant des analyses constructives comme le présent texte. Inversement, il serait souhaitable qu’Il nous épargne des textes qui ne provoquent que colère, haine, peine, mépris, médiocrité,...

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