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Affaire Norbert Zongo : un « non-lieu » comme leçon de droit et pour l’histoire

Publié le lundi 24 juillet 2006 à 10h38min

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Faut-il tout recommencer ? Tout reprendre ? Partir de zéro ? La soif de vérité et de lumière sur l’assassinat de Norbert Zongo nous impose cette volonté de vouloir un « remake » de cette enquête, qui a conditionné et orienté l’instruction judiciaire. Ne dit-on pas dans le jargon du droit que c’est « le dossier qui conduit le juge » ?

A présent, il s’agit de savoir pourquoi est-on arrivé à un « non-lieu » ? Pouvait-il en être autrement ?

Tout ou presque indiquait que la recherche de la vérité n’était pas la chose la mieux partagée par tout le monde.

De la Commission d’enquête indépendante (CEI) où des membres avaient un parti pris marqué, à l’environnement délétère, insurrectionnel entretenu par des politiques, à des médias qui servaient plus des « rumeurs », des « ragots », que des faits avérés, vérifiables, l’on ne pouvait aboutir véritablement qu’à ce « non-lieu ».

Pour le reste, le temps a fait son œuvre. Ballottée entre le doute et une certitude manipulée, la CEI a réussi la prouesse d’embarquer une certaine opinion dans cette certitude infondée.

Et la conclusion de son rapport illustre, éloquemment, ce « non-lieu » : - « en ce qui concerne les auteurs du crime, la Commission d’enquête indépendante ne dispose pas de preuves formelles permettant de les désigner. Elle a cependant relevé des contradictions et des incohérences dans les auditions d’un certain nombre de personnes suspectées en relation avec leur emploi du temps du 13 décembre 1998, notamment le soldat Christophe Kombacéré, le soldat Ousséini Yaro, le caporal Wampasba Nacoulma, le sergent Edmond Koama et l’adjudant Marcel Kafando du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Cela n’en fait pas des coupables mais de sérieux suspects ». (1).

Avec une telle gymnastique rédactionnelle, la CEI sauvait sa tête, mais laissait au peuple burkinabè et dans les mains de la justice, une patate chaude.

Notre CEI, en son temps, a manqué de courage. Mais quel organe à sa place pouvait en avoir, face à une telle pression entretenue savamment pour imposer une piste, des auteurs et des commanditaires ?

En vérité, ce « non-lieu » n’est que la sentence qui sanctionne le rapport d’enquête aiguillé produit par la CEI et non l’affaire Norbert Zongo.

C’est dans cet esprit qu’il faut apprécier cette vérité assénée par le procureur général Abdoulaye Barry : « Personne ne veut s’asseoir sur le dossier »... L’affaire Norbert Zongo peut donc être réactivée si des charges nouvelles venaient à être révélées. Pour l’heure, le dossier est déposé au greffe du Tribunal de grande instance de Ouagadougou. C’est pourquoi ce « non-lieu » interpelle toute la communauté nationale. Il doit d’abord être compris comme une leçon de droit. Le droit a été dit : « Le doute profite à l’accusé » en droit pénal.

Aujourd’hui, la CEI est rattrapée par la rigueur du droit. Que de temps perdu ! Enfin, ce « non-lieu » est une leçon pour l’histoire. Ceux qui se servent du malheur des autres et d’un traumatisme national pour espérer inverser le cours de l’histoire en leur faveur sont avertis. Aussi longue que durera la nuit, le jour finira par poindre.

Ce jour est arrivé et l’on constate que l’affaire Norbert Zongo a fait le bonheur de plus d’un marcheur du Collectif. Quand les intérêts égoïstes prennent le pas sur une lutte aussi noble. En ce moment, ce sont les meneurs de cette lutte qui bafouent leur dignité.

Ils sont nombreux ceux qui ne peuvent plus se regarder dans la glace ou fixer un poster géant de Norbert Zongo, à plus forte raison le tenir. Car leurs mains sont souillées.

Une bonne justice ne pouvant s’administrer que dans la paix et la sérénité, nous pensons que l’environnement national aujourd’hui, est plus favorable à la manifestation de la vérité.

Et comme le souligne un adage populaire, « Il n’est jamais trop tard pour bien faire ». Le temps est donc venu pour tous les Burkinabè de se donner la main pour la manifestation de la vérité.

Le drame de Sapouy reste donc entier, son mystère avec. Et c’est dommage que ce soit un « non-lieu » qui nous le révèle.

(1) Rapport d’enquête de la CEI
Page 34

Par Michel OUEDRAOGO

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