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Nationalité ivoirienne : Qui a envie de l’acheter ?

Publié le samedi 22 juillet 2006 à 17h15min

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Selon le constat d’un homme d’expérience, une révolution est inaugurée par des naïfs, poursuivie par des intrigants et consommée par des scélérats. Rien ne peut dépeindre mieux la situation qui prévaut actuellement en Côte d’Ivoire, après la mort d’Houphouët Boigny. Tous les nauséabonds ingrédients sont réunis pour faire de la Côte d’Ivoire un non-Etat, à l’exemple de la Somalie.

En effet, les derniers épisodes autour des audiences foraines destinées à identifier la population ont provoqué un regain de tension tel que, si rien n’est fait pour le calmer, il sonnerait comme une espèce de chant du cygne pour la Côte d’Ivoire. Mais peut-on éviter ce piège quand l’empêcheur de recenser sereinement est le chef de l’Etat lui-même ?

En effet, dès l’annonce du début du processus, Laurent Gbagbo a ameuté ses faux arbitres, pillards et oppresseurs, les jeunes patriotes, qui ont dressé des barricades à travers toute la ville d’Abidjan. Le prétexte trouvé par Gbagbo et sa clique est que ces audiences foraines ne sont rien d’autre qu’une foire à la braderie de la nationalité ivoirienne.

Au fait, à ce qu’on sache, personne, en Côte d’Ivoire ou ailleurs, n’a jamais dit que le pays d’Houphouët était soumis à une OPA (Offre publique d’achat). Exception faite, bien sûr, de Gbagbo lui-même et de ses partisans qui ont jeté le pays en pâture aux prédateurs extérieurs qui gravitent autour d’eux.

Au fait, qui n’est pas fier de sa nationalité, au point de vouloir acheter celle d’autrui ? Il faut dire que Laurent Gbagbo et sa meute enragée, celle qu’il est convenu d’appeler la "galaxie patriotique", ne sont pas à une contradiction suicidaire près. Comment, en effet, se proclamer démocrate tout en refusant l’expression de cette démocratie qui passe d’abord, et avant tout, par le recensement des citoyens ?

A moins que le président ne veuille remplacer ces derniers par des arbres. Le recensement, c’est l’arbre qui conduit à la forêt. En voulant couper cet arbre, Gbagbo préfère la démarche politiquement incorrecte qui consiste à s’asseoir éternellement sur son trône sans affronter l’électorat. En agissant ainsi, Gbagbo n’est-il pas, lui-même, celui par lequel la partition de fait du pays risque d’être une réalité ? Si l’on suit la logique de Gbagbo et ceux qui vivent de ses prébendes, n’est-il pas malhonnête de continuer à diaboliser l’ex-colonisateur d’avoir imposé des frontières géographiques, culturelles, morales et psychologiques à l’Afrique ? Gbagbo devrait se sentir honoré que des citoyens d’autres pays africains se bousculent pour obtenir la nationalité ivoirienne. Ce serait sa contribution à la consolidation de l’union africaine, étape vers les Etats-Unis d’Afrique.

Malheureusement, Gbagbo se montre incapable d’épouser le XXIe siècle, figé qu’il est dans le lit de l’ivoirité qu’il s’est lui-même confectionné. Après avoir embouché la trompette de la préférence nationale, une aberration dans la marche des Etats vers l’intégration, Laurent Gbagbo agite maintenant les grelots d’une xénophobie et d’un nationalisme dépassé. Pourquoi alors en vouloir à Nicolas Sarkozy, géniteur de l’immigration choisie, si notre regard à nous, Africains, ne peut dépasser les bornes de notre cécité ? La question qu’on se pose est de savoir pourquoi le FPI, le parti de Laurent Gbagbo, est pratiquement le seul à dénoncer ces opérations d’identification. Même si, et c’est compréhensible, l’échéance électorale est devenue le point de cristallisation, et déclenche les passions de tous les partis politiques et de tous les Ivoiriens, il n’empêche que c’est le camp présidentiel qui semble montrer plus de signes d’inquiétude.

Tous les arguments que ce camp avance ne résistent pas aux faits que nous vivons dans d’autres pays africains. La République démocratique du Congo, qui vit une situation plus complexe, a réussi son opération d’identification des populations, et s’apprête à convier les électeurs au scrutin du 30 juillet prochain, même si quelques risques de dérapages existent. Si comparaison n’est pas forcément raison, il n’en demeure pas moins que le Congo vient tellement de loin que ses dirigeants actuels devaient avoir plus de mal que les dirigeants ivoiriens à exorciser une maison hantée depuis de longues années.

Mettre aujourd’hui des entraves au processus d’identification en Côte d’Ivoire, c’est confisquer la nationalité à ceux qui sont en droit d’en bénéficier, parfois pour un usage simplement domestique : voyager sans tracasseries, retirer de l’argent dans un compte bancaire, être identifiable en cas d’accident, etc. Accuser le Nord de vouloir vendre aux étrangers la nationalité, c’est s’accuser soi-même de pratiquer le même commerce dans sa zone de compétence. L’assassin n’a-t-il pas peur de l’épée ?

En réalité, ce qui empêche l’actuel président de dormir, c’est l’après-Gbagbo. Cette peur est justifiée, mais non excusable, d’autant plus que le chef de l’Etat est pratiquement convaincu de perdre le pouvoir en cas d’élection. Gbagbo a peur de l’impérieuse et irréversible obligation de rendre compte des morts, d’évaluer les dégâts matériels et de répondre de l’impunité que son pouvoir a érigée en système de gouvernement. Quitter le pouvoir n’est pas une catastrophe nationale. A condition, bien entendu, d’avoir conduit ses concitoyens selon les règles de l’équité.

En tous les cas, mieux vaut partir escorté par la communauté internationale que d’attendre que la bourrasque de l’histoire interne vous emporte. La communauté internationale dont on ne cessera jamais de dénoncer le laxisme et la mollesse est parfois plus clémente que la rue.

En effet, peut-on éternellement braver le vent de l’histoire sans courir le risque de se retrouver un jour dans le sanctuaire de son impitoyable verdict ? Malheureusement, ceux qui sont embourbés dans le vertige du pouvoir, à la manière de Gbagbo, ne se posent pas une telle question.

"Le Fou"
Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 24 juillet 2006 à 19:35 En réponse à : > Nationalité ivoirienne : Qui a envie de l’acheter ?

    Mr, relisez bien votre article et vous lirez vous même vos contradiction. Comment les gens peuvent être si fier de leur nationalité comme vous le dites et en même temps "votre énémi" devrais être fier que les gens veulent la nationalité ivoirienne ?
    Soyez journaliste et laissez les opinoins aux autres

    • Le 25 juillet 2006 à 07:48, par Cid En réponse à : > Nationalité ivoirienne : Qui a envie de l’acheter ?

      pour une replique, celle la est vraiment debile. Il faut t’exprimer clairement et dire ce qu’il ya d’insuffisant dans l’article de l’auteur.
      La Cote d’Ivoire est un exemple pitoyable de la debacle de toute l’Afrique. Je repete toute l’Afrique !!
      pour ton information, sans attirer la haine chaque journaliste est libre de donner son point de vue, Point de vue qui s’appelle aussi opinion !!!
      Be clear and express wisely yourself.

  • Le 24 juillet 2006 à 23:21, par Ble Hippolyte En réponse à : > Nationalité ivoirienne : Qui a envie de l’acheter ?

    Désolé cher monsieur !

    On ne peut pas absoudre ceux qui ont plongé ce pays dans l’état qui est le sien actuellement et toujours accuser Laurent Gbagbo de tous les mots.Qu’est ce qui empêche les rebelles et leurs mentors de désarmer(seul geste qui aurait permi à tous ceux qui ont perdu leurs parents par leur esprit d’aventuriers, de leur pardonner cette aventure) au lieux de continuer leur arrogance qui n’a que trop duré.

  • Le 25 juillet 2006 à 12:07, par Abraham En réponse à : > Nationalité ivoirienne : Qui a envie de l’acheter ?

    Selon le morcellement territorial africain imposé par les charognards occidentaux et le fallacieux article 1er de la constitution de la défunte OUA relative à l’intangibilité des frontières issues de la décolonisation, je ne suis pas ivoirien.
    Mais, je me sens concerné par la crise qui secoue la Cote d’Ivoire depuis maintenant 4 ans.

    1) Je ne suis pas pro-Bagbo ; mais, je pense que la première étape de résolution de cette crise est le désarmement des ex-rebelles. Quelque soit le motif qui a justifié leur tentative de coup d’état, je crois qu’ils ne peuvent créer un Etat dans un Etat.

    2) Ce désarmement doit se faire par une force internationale de paix composée plus de soldats africains, asiatiques et peut-être... russes.
    La France ne doit pas du tout faire partie du traitement de ce dossier ; ni de près, ni de loin. En effet, c’est Elle qui est la tête pensante de cette rébellion. C’est encore Elle qui finance cette rébellion.
    Monsieur Koffi Anann doit pour une fois, faire preuve d’autorité et éviter de se laisser manipuler par son « ami et frère » le faux jeton Chirac.

    3) L’armée nationale ivoirienne doit être placé sous commandement d’un Ivoirien Neutre (espérons qu’il en existe toujours) : ni pro-Bagbo ; ni anti-Bagbo.

    4) Chaque Ivoirienne et chaque Ivoirien devrait faire preuve de maturité et arrêter avec le populisme, le chauvinisme creux et destructeur, le pseudo nationalisme qui n’est rien d’autre qu’un catalyseur de la mort,...

    5) A partir de là, on peut parler de Recensement et d’identification des populations.
    (Si Monsieur Bagbo doit rester au pouvoir pendant tout ce temps, il n’y a qu’à... Ceci sera une des conséquences logiques de la tentative du coup d’état des ex-rebelles.)

    6) Puis ensuite viendra des élections conformément à un texte de loi que la classe politique entière devrait écrire, discuter et voter. (Le peuple ivoirien est souverain.)

    7) Ensuite doit venir le moment du Bilan qui consistera aussi à faire passer les uns et/ou les autres devant un Tribunal Pénal International. (En effet, des étrangers ont été assassinés injustement dans ce pays ; d’où la nature « internationale » de ce tribunal.)

    NB) Il est à souligner que le premier coupable de cette situation est Monsieur Houphouët Boigny lui-même.
    Pour avoir par exemple cristallisé le pouvoir entre ses mains pendant tant de décennies (avec la complicité et au profit de la France, cette éternelle donneuse de leçons qu’elle ne s’applique jamais), il n’est pas surprenant que d’autres cherchent contre vents et marrées à le faire aussi.)

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