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Pr Laya Sawadogo, ancien ministre : "On n’est jamais ministre à vie"

Publié le lundi 24 juillet 2006 à 10h42min

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Laya Sawadogo

En novembre 2000, alors que l’université de Ouaga était en ébullition (affaire Norbert Zongo oblige), c’est Laya Sawadogo, on s’en souvient, qui avait été appelé à prendre la tête du ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique, succédant ainsi à Christophe Dabiré.

Nous sommes allés à sa rencontre. Plongé dans la lecture d’un document, il se lève, avance vers nous puis nous invite à nous installer. Celui qu’on dit très réservé depuis son départ du gouvernement sort enfin de sa... réserve.

"Le Pays" : 7 mois après son départ du gouvernement, les Burkinabè aimeraient savoir ce qu’est devenu le Professeur Laya Sawadogo.

Laya Sawadogo : je vous remercie pour votre initiative qui d’ailleurs me surprend, parce que c’est rare que les médias s’intéressent à ce qu’est devenu un ancien ministre. Maintenant, qu’est-ce que je deviens ? Eh bien, avant d’être ministre, j’étais professeur titulaire à l’université de Ouaga. Evidemment, n’étant plus au gouvernement, j’ai regagné l’amphithéâtre.

Etes-vous toujours en contact avec le chef de l’Etat ? Vos relations sont-elles restées intactes ?

Vous savez, les relations de tout chef d’Etat sont multiples et multiformes. Le Président du Faso a tellement de charges qu’il lui est difficile, voire impossible, d’être en contact avec tout le monde.

D’aucuns disent que c’est vous qui avez pu ramener le calme à l’université. Alors, ne pensez-vous pas que vous avez été payé en monnaie de singe ?

Pas du tout. D’abord, je tiens à dire haut et fort que ce n’est pas Laya Sawadogo qui a ramené la paix à l’université. C’est vrai, quand j’arrivais, il y avait des troubles avec la crise que tout le monde a connue (NDLR : crise née des événements de Sapouy).

Et l’invalidation de l’année 1999 a pénalisé tout le Burkina. Moi, j’ai peut-être eu la chance d’être là au moment où les esprits étaient favorables à la négociation. Tout le monde était fatigué et avait à cœur de trouver une issue à la crise. Tant au niveau du gouvernement qu’au niveau de l’Assemblée nationale, au niveau des parents d’élèves, au niveau des chefs coutumiers, au niveau des enseignants eux-mêmes et des élèves, tous étaient favorables au dialogue.

Mais que répondez-vous à ceux qui pensent que le chef de l’Etat vous prend quand vous lui convenez, et vous lâche quand vous ne faites plus son affaire ?

(Rires) J’estime que vous utilisez ici des mots journalistiques assez sévères. Le Président du Faso n’a jamais lâché personne, ni moi, ni les autres....

On entre dans un gouvernement pour occuper des fonctions ministérielles bien déterminées. Et ces fonctions ne sont pas forcément des professions. Vous y entrez quand le chef de l’Etat ou le Premier ministre, chef de l’Exécutif, estime que vous pouvez apporter quelque chose de bien au fonctionnement du gouvernement. Puis à un moment donné, ils trouvent quelqu’un d’autre aussi compétent que vous pour vous remplacer. Mais cela ne veut pas dire qu’ils vous ont lâché.
On n’est jamais ministre à vie.

Les dernières élections ont vu la mairie de Dori échapper au C.D.P. Comment expliquez-vous cela ?

Je n’ai pas tellement d’explications à donner. Mais je voudrais tout simplement souligner que M. Arba Diallo du PDS, qui est actuellement le maire de Dori, est quand même une personnalité qui, pendant 3 décennies, a occupé des postes au sein des organismes internationaux. Et nous au CDP, nous sommes fair-play, nous acceptons notre défaite.

Il y a quelques semaines, des jeunes du Sahel dénonçaient dans nos colonnes, l’incompétence des responsables politiques de la région. En tant que fils de cette région, ne vous sentez-vous pas visé ?

Me sentir visé pourquoi ? Qui se sent morveux se mouche. Au fait, j’ai lu avec intérêt cet écrit ; c’est leur point de vue. Bien entendu, ils n’ont cité pratiquement que des responsables du C.D.P.

Ce que j’ai pu remarquer, c’est que ces jeunes-là ne représentent pas la jeunesse du Sahel, mais plutôt un groupe de jeunes du Sahel. En tout cas, aucun d’entre eux n’a, à aucun moment, pas même quand j’étais ministre, cherché à me rencontrer pour parler des problèmes au Sahel. Et c’est simplement dommage.

Mi-juin dernier, des universitaires se sont rencontrés à Ouaga pour parler des problèmes qui se posent aux universités africaines. Au cours de cette rencontre, il a été beaucoup question de formation. Que signifie ce mot pour un ancien ministre en charge des enseignements secondaires que vous êtes ?

D’abord, je dois dire que j’étais hors de Ouaga lors de cette rencontre. Mais en tant qu’enseignant, je puis vous assurer que le problème de formation est un problème crucial qui se pose à nos universités. En 1993, la question avait été évoquée par le chef de l’Etat lui-même. Nous avons le devoir de faire en sorte que les jeunes aient des connaissances et des compétences requises.

Pendant longtemps, l’enseignement technique professionnel a traîné les pieds dans notre pays, parce qu’à ce niveau, il y a tellement de difficultés. Il nous faut faire des efforts pour créer des centres d’enseignement technique pour chaque province. Chaque département devrait avoir un lycée professionnel. Si cela était fait, alors, nous pensons que nous aurions résolu en partie le problème de la formation.

Parlons maintenant de la vie chère au Burkina. Les syndicats ont encore marché le 1er juillet dernier. Votre réaction ?

A priori, même dans les pouvoirs absolus, les syndicats n’ont jamais été d’accord avec le pouvoir en place. Et la seule façon de se faire entendre, c’est de marcher. Donc, que les syndicats aient marché, je les comprends. Mais en dernier ressort, il faut accepter de dialoguer, de faire des propositions concrètes et objectives. Et puisque nous sommes dans un Etat de droit, les concessions ne sont pas exclues.

Pourriez-vous nous résumer une journée du professeur que vous êtes redevenu ?

Généralement, je me lève à 4h du matin. Dès 5h 00, je suis à la mosquée pour prier avec mes co-religionnaires. A 7h 30, je suis à mon bureau jusqu’à 12h quand je n’ai pas cours. A midi, je rentre chez moi pour ne repartir qu’à 14h 30. Et quand j’ai beaucoup de choses à faire, je quitte souvent mon bureau à 19h 00. Rentré chez moi, je sors très rarement. A la maison, j’ai des heures auxquelles je reçois des collègues, des amis, des parents, etc.

A 60 ans, vous n’êtes plus loin de la retraite. Avez-vous pensé un jour vous retrouver à Bougué, votre village natal, pour une retraite paisible et agréable ?

Sincèrement, je ne pense pas que je vais passer ma retraite à Bougué pour des raisons qui me sont propres. D’abord, il y a le fait que mon épouse et moi avons des champs à Pabré d’où mon épouse est originaire. Pendant l’hivernage, nous nous consacrons beaucoup aux travaux champêtres. Je pense qu’à la retraite, je resterai à Ouaga pour m’occuper de mes champs. Mais je n’en sais rien. Le destin peut en décider autrement.

Un souhait ?

Je vous remercie une fois de plus. Longue vie au journal "Le Pays" qui, chaque jour, déploie des efforts pour nous fournir des informations justes et équitables.

Propos recueillis par Ben Ahmed NABALOUM (Collaborateur)

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