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Affaire Norbert Zongo : Retour à la case départ

Publié le vendredi 21 juillet 2006 à 10h11min

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La Commission d’enquête indépendante (CEI) l’avait qualifié de "sérieux suspect". Le juge d’instruction, Wenceslas Ilboudo, suite à des investigations, l’a inculpé le 2 février 2001 pour "assassinat et destruction de biens mobiliers". Mais voici que le 18 juillet 2006, tout bascule.

Marcel Kafando, l’un des présumés assassins du journaliste Norbert Zongo et de ses compagnons le 13 décembre 1998, bénéficie d’un non lieu. Le juge Ilboudo est désormais dessaisi du dossier. Il l’a d’ailleurs transmis au procureur général qui, à son tour, l’a remis au greffe du parquet. En clair, « l’affaire est classée" mais elle pourrait être rouverte, à une condition : "Que d’ici 10 ans, à compter du 18 juillet 2006, quelqu’un apporte des informations nouvelles, des éléments dont le juge d’instruction n’a pas encore connaissance".

Si Marcel Kafando avait été jugé et reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés, il aurait écopé de la peine de mort. C’est écrit dans le Code pénal, article 318. Le procureur général, Abdoulaye Barry, et le procureur du Faso, Adama Sagnon, l’ont aussi rappelé hier, 19 juillet, lors d’une conférence de presse organisée au Palais de Justice de Ouagadougou. Mais cet ancien militaire, aujourd’hui gravement malade, condamné à 20 ans de prison ferme dans l’affaire David Ouédraogo, ne sera pas soumis à cette sentence. A moins que l’affaire, telle qu’elle est ficelée actuellement, ne prenne d’autres tournures. Le journaliste d’investigation Norbert Zongo enquêtait sur l’affaire David Ouédraogo quand il a été assassiné. Mais à ce sujet, le procureur du Faso sort de sa réserve : "Tirer forcément la conclusion que ceux qui ont assassiné David Ouédraogo sont ceux qui ont assassiné Norbert Zongo est tellement hypothétique. Personnellement, je n’y crois pas." Le procureur général est aussi de cet avis : "C’est une hypothèse qu’on peut émettre mais il y a un écart entre la théorie et la réalité juridique." D’ailleurs, les autres sérieux suspects dans l’affaire Zongo, impliqués pour la plupart dans l’affaire David Ouédraogo, "sont hors de cause jusqu’à ce qu’il y ait des charges nouvelles contre eux", affirme Abdoulaye Barry.

Le seul inculpé, Marcel Kafando, "a toujours nié les faits qui lui sont reprochés". Mais le juge Wenceslas Ilboudo a, selon le procureur général, tenu mordicus. Il a auditionné 105 personnes, dont plus de 50 militaires. Il fallait donc savoir le programme de Marcel Kafando le 13 décembre 1998. Et c’est justement là qu’il y a problème. Contradiction entre deux témoignages de haut niveau. Marcel Kafando soutient bec et ongles que ce jour-là, à l’heure où le crime a eu lieu, il était à Ouagadougou, avec un autre militaire, Racine Yaméogo, dans un restaurant nommé "La Québécoise". Mais ce dernier rejette en bloc cette déclaration. Lors d’une confrontation le 15 mai 2001, les deux protagonistes campent sur leurs positions. Cependant, la confrontation ne s’achève pas. Marcel Kafando est très malade. Cinq ans après, le 31 mai 2006, le juge d’instruction les met, une fois de plus, face à face. Les données changent. Racine Yaméogo, selon le procureur du Faso, nuance ses propos. Morceau choisi de son audition : "J’ai rencontré Marcel Kafando à cette période. Nous nous sommes rendus respectivement au restaurant "La Québécoise" puis au restaurant "La Source" avant que Marcel ne me dépose à l’hotel Splendid où nous nous sommes séparés. A présent, il existe un doute dans mon esprit entre les dates du 13 et du 14 décembre 1998. Face à ces doutes, je préfère ne pas persister dans mes déclarations antérieures et accuser à tort un compagnon d’arme."

Le juge d’instruction a donc estimé qu’au regard de cette nouvelle donne, Marcel Kafando bénéficiait d’un non-lieu. "En droit, le doute profite toujours à l’accusé", rappelle Abdoulaye Barry, sous le regard approbateur de Adama Sagnon.

Mais pourquoi le juge d’instruction n’a-t-il pas procédé à d’autres auditions et confrontations avant de tirer sa conclusion ? Réponse du procureur général : "Racine aurait pu dire oui aujourd’hui et nier demain ; cela ne nous avance en rien." Un échec de la justice ? "Pas du tout", affirme Abdoulaye Barry. "Nous sommes des humains ; il n’ y a pas de honte si on cherche et qu’on ne trouve pas. La honte, c’est quand on connaît la personne et qu’on ne dit rien." Alors, va-t-on trouver le ou les auteur (s) de l’assassinat ? "J’ai le sentiment qu’on veut enterrer le dossier", a déclaré un journaliste à la fin de la conférence de presse. "Pitié pour notre confrère Norbert Zongo et ses compagnons", a-t-il ajouté, visiblement mécontent.

Par Hervé D’AFRICK

Le Pays

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