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Affaire Norbert Zongo : Un enterrement de première classe

Publié le vendredi 21 juillet 2006 à 10h10min

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Marcel Kafando ne sera donc pas jugé pour l’assassinat de Norbert Zongo. Ainsi en a décidé le juge d’instruction, Wenceslas Ilboudo, qui a signé le mardi 18 juillet 2006 une ordonnance de non-lieu en faveur de l’unique inculpé qu’il avait sous la main jusqu’à présent. En un mot comme en mille, le magistrat instructeur a estimé, au regard d’éléments nouveaux en sa possession, qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre l’intéressé.

Nous ne pensions donc pas si bien dire, quand après la conférence de presse du procureur général Abdoulaye Barry et du procureur du Faso Adama Sagnon, nous nous demandions, dans L’Observateur Paalga n° 6654 du 7 juin 2006, si on ne se dirigeait pas vers un non-lieu pour l’adjudant-chef du Régiment de sécurité présidentielle (RSP).

On les voyait venir, et ils sont effectivement arrivés. Ils l’ont fait !

Pour mémoire, Marcel Kanfando avait été identifié par la Commission d’enquête indépendante (CEI) instituée après le drame de Sapouy, en même temps que cinq autres militaires du RSP (1), comme des « suspects sérieux » de l’élimination du directeur de publication de L’Indépendant le 13 décembre 1998.

Après la CEI, dont le rapport, rendu public le 7 mai 99, s’apparentait, on le sait, à une investigation de police judiciaire, il revenait désormais au juge Wens, commis exclusivement à ce dossier, de l’instruire à charge et décharge comme ils le disent dans leur jargon, étant entendu que les résultats auxquels étaient parvenus la CEI ne le liaient pas a priori.

Pour tout dire, il pouvait soit poursuivre dans la direction indiquée par les enquêteurs ou débroussailler d’autres pistes s’il le jugeait nécessaire. Le 2 février 2001, il inculpait pour « assassinats et destruction de bien mobilier » celui qui avait été déjà condamné par le tribunal militaire à 20 ans de prison dans l’affaire David Ouédraogo.

Voici ce que nous écrivions au lendemain de cette inculpation : « ... Loin donc d’être un aboutissement, cette nouvelle donne judiciaire inaugure les vraies angoisses du juge d’instruction, qui n’a plus d’autre choix que d’aller plus loin, ne serait-ce que pour montrer aux justiciables qu’il n’a pas pris cette décision pour amuser la galerie et se donner du temps.

De deux choses l’une : ou Kanfado se met rapidement à table s’il a quelque chose à se reprocher et l’on pourra remonter facilement à ses cosicaires et, éventuellement, à celui qui leur aurait passé le marché ; ou malgré les contractions et incohérences de ses dépositions, il « tilte » et là le juge d’instruction n’est pas sorti de l’auberge sauf à avoir des indices moins frêles et moins contestables d’un strict point de vue judiciaire. Autant dire que maintenant, les choses peuvent aller très vite comme elles peuvent marquer un coup d’arrêt ou traîner... » (2).

Depuis, plus rien ne s’est vraiment passé ou presque. Entre l’impuissance de Wenceslas Ilboudo et l’état de santé précaire de son unique « client », le dossier a piétiné et patiné malgré les 105 personnes qu’il a entendues. C’est, nous a-t-on toujours dit, le dossier qui mène le juge et non le contraire. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce dossier l’aura plutôt baladé et envoyé finalement dans le décor.

La comédie n’aura donc duré que cinq petites années ! Si on en est arrivé là, c’est, semble-t-il, parce que Jean Racine Yaméogo, sergent-chef de l’armée de l’air au moment des faits et principal sinon unique témoin à charge dans cette affaire, s’est rétracté le 31 mai 2006 lors de sa deuxième confrontation avec le mis en examen. Comme pris d’une soudaine amnésie, ce personnage-clé de l’affaire n’était plus sûr de rien.

Mais il aura quand même fallu cinq bonnes années, huit même si on part de 98, pour que le doute s’installe dans son esprit. On ne sait pas trop ce qui s’est passé depuis, mais à l’évidence, cette histoire pourrait sentir le soufre.

Chef Kafando, comme l’appelaient ses éléments du Conseil, libre désormais de toutes poursuites, la question se pose maintenant de savoir ce que va devenir le dossier Norbert Zongo.

Des explications fournies par le parquet, il ressort que le dossier restera consigné au greffe jusqu’à ce qu’éventuellement un élément nouveau le fasse sortir du tiroir dans les 10 ans qui suivent le dernier acte d’instruction c’est-à-dire jusqu’au moins le 17 juillet 2016.

En signant son aveu d’impuissance en même temps que l’ordonnance de non-lieu, Wens est du coup déchargé de ce boulet qu’il traîne depuis 7 ans et peut prendre des vacances bien méritées avant de s’occuper d’autres affaires moins susceptibles de lui brûler les ailes.

On l’a compris, c’est un enterrement de première classe qui vient d’être réservé à l’Affaire des affaires et on assiste, pour ainsi dire, à la seconde mort de Norbert. De quoi apporter de l’eau au moulin de ceux qui ont toujours soutenu qu’on ne saurait jamais véritablement ce qui s’est passé ce dimanche de malheur 13 décembre 1998 tant que certaines personnes seraient en place.

Il faut croire d’ailleurs que le calendrier judiciaire s’est particulièrement emballé ces temps-ci, car en moins d’un mois, ce sont deux dossiers éminemment brûlants et médiatiques qui ont été classés, si on ose dire, au palais de justice de Ouagadougou :

avant la désormais célèbre ordonnance du 18 juillet, c’est l’affaire Sankara qui avait connu le même sort, le gouvernement burkinabè ayant décidé de préférer à la voie judiciaire le règlement non contentieux prôné par la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Autant dire deux épines en moins dans le pied de Blaise Compaoré. Très très fort !

San Evariste Barro

Notes : (1) : Il s’agit, en outre, des sergents Koama Edmond (aujourd’hui décédé) et Banagoulo Yaro, du caporal Wampasba Nacoulma et des soldats de première classe Ousséni Yaro et Christophe Kombasséré.

(2) : cf. « Réflexion sur une inculpation », in Commentons l’événement du lundi 12 février 2001.

Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 8 août 2007 à 23:15, par Moussa En réponse à : > Affaire Norbert Zongo : Un enterrement de première classe

    Si notre justice a decide de blanchir meme le suspect serieux Marcel Kafando, ce n’est pas du cote de Aicha Kone qu’il faut aller chercher la verite sur l’Affaire Norbert Zongo. Pauvre Aicha ! Qu’elle connaisse Francois Compaore ou pas, qu’elle ait connu Norbert Zongo ou pas, tout cela n’a plus aucune importance.
    La grande majorite de Burkinabe a bien compris que la lumiere ne sera jamais faite sur le dossier Norbert Zongo. Et cela depuis que le non-lieu historique a ete consacre en depit des elements nouveaux fournis par Reporters Sans Frontieres, et surtout des elements nouveaux fournis par Moise Ouedraogo.
    Il faut enfin qu’on laisse cette dame faire sa carriere d’artiste. La presse doit meme arreter d’evoquer ce sujet avec Aicha Kone.

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