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Francis Blondet, ambassadeur de France : "Limmigration choisie ne s’applique pas au Burkina"

Publié le jeudi 13 juillet 2006 à 07h53min

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Francis Blondet

A quelques jours de la commémoration du 14 juillet, fête nationale de la France, Francis Blondet, ambassadeur de France au Burkina nous a reçu dans ses bureaux de la représentation diplomatique. A travers un entretien qui a duré environ 45 minutes, le diplomate a évoqué avec nous des questions relatives à l’axe Ouaga-Paris, la diplomatie vue du Burkina, les élections présidentielle et municipales, les problèmes des visas pour la France, et la crise ivoirienne.

Les préparatifs pour le 14 juillet et la récente tournée de Blaise Compaoré en France étaient également au menu de cette interview.

"Le Pays" : Cela fait trois ans que vous représentez votre pays auprès du Burkina. Comment jugez-vous aujourd’hui les relations entre Paris et Ouagadougou ?

Francis Blondet : Je trouve que les relations se sont améliorées parce qu’il y avait une certaine incompréhension, quand je suis arrivé. Ce n’était peut-être pas une divergence sur le fond, mais il y avait comme un manque de communication sur l’affaire en Côte d’Ivoire en particulier, et sur la politique africaine de la France, de façon générale. Nos actions n’étaient peut-être pas faciles à lire en fonction des déclarations.

Mais, depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, grâce aux efforts faits par les uns et les autres, et à l’évolution de la situation en Côte d’Ivoire. Il y a eu en novembre 2004 dans ce pays le bombardement du camp français à Bouaké par l’armée ivoirienne. Un incident qui a amené la France à détruire la flotte aérienne de la Côte d’Ivoire. Cela a vraiment été décisif. Car, je me souviens, qu’il y avait à l’époque, une grande psychose à Ouaga par rapport à une éventuelle attaque aérienne ivoirienne. A partir du moment où ce risque a été enrayé du fait de la France, je crois que le Burkina est redevenu beaucoup plus serein. Cela a un peu plus rapproché la France et le Burkina.

Il y a eu aussi le sommet de la Francophonie en novembre 2004 qui a été un grand succès pour tous. J’ajouterai aussi que les relations entre les deux pays sont également ce que les médias en disent, et ce qu’en pense l’opinion publique. De ce côté, il semble aussi que l’image que nous donnons au Burkina est un peu plus précise. On en a une netteté de contour qui est un peu meilleure qu’il y a trois ans.

Ce qui a peut-être joué, ce sont les différentes actions de la France sur le terrain. Nous avons 3 000 Français au Burkina qui sont actifs dans tous les domaines. On a deux axes de coopération : la coopération avec l’ambassade et celle avec l’Agence française de développement. Les investissements sont réalisés dans plusieurs secteurs et la distribution de ces différents secteurs est plus nette maintenant. L’AFD couvre actuellement un champ extrêmement vaste, parce qu’elle est le principal opérateur. Ses méthodes de travail sont un peu plus radicales, puisque les projets en dessous de 5 millions d’euros ne l’intéressent pas. C’est un peu moins le cas de la coopération avec l’ambassade parce que nous ne bénéficions pas des mêmes volumes de crédits. Mais ce qui rend cette coopération plus visible, c’est qu’elle ne fait pas du béton, c’est du "software" et non pas du "hardware". Elle s’exerce dans le domaine de la formation, de l’appui institutionnel à l’Etat de droit, aux médias, à la police, à la gendarmerie, à l’armée, etc. Ce sont des domaines où on ne peut pas planter plus facilement son drapeau.

On a l’impression que la France est plus prompte à apporter son appui dans le domaine de la police que dans d’autres secteurs touchant à la lutte contre la pauvreté.

Concernant la lutte contre la pauvreté, la France est le premier partenaire bilatéral du Burkina, et ce sera toujours ainsi. La part que prend le soutien à la police et à la coopération militaire est d’environ 10% de l’ensemble de nos interventions. Même si l’on retire ces 10% de l’ensemble, nous demeurons le premier bailleur, avec en moyenne 50 millions d’euros par an, en matière de lutte contre la pauvreté. Maintenant, est-ce que la lutte contre la pauvreté a un sens quand le pays n’est pas sûr ? Imaginons par exemple que l’est du pays, régulièrement envahi par les coupeurs de route, soit fermé. On ne pourra plus le développer. Le maintien de l’ordre est donc le préalable à toute action de développement.

Avez-vous l’impression que votre aide à la sécurité contribue vraiment à améliorer la situation sur le terrain ?

Non ! Pour régler le problème de l’insécurité, il ne suffira pas d’injecter des véhicules comme on nous le demande. Il faut un budget de fonctionnement. Un véhicule ne servira à rien si l’on n’y met pas du carburant et si on ne l’entretient pas. Et s’il y a des patrouilles à faire cela revient très cher. Ce qui veut dire qu’il faut, à un moment donné, que le budget de l’Etat prenne en compte la nécessité de financer le réseau de sécurité dans les régions éloignées et peu peuplées.

Le ministère de la Sécurité a pris la décision d’ouvrir une brigade de gendarmerie à Matiakoali, dans l’Est. Cette décision est importante d’autant que, c’est de Ouaga, pour l’instant, que partent les patrouilles. La culture policière constitue un autre aspect de la difficulté de la question. La lutte efficace contre l’insécurité passe par la formation des policiers et gendarmes, avant leur équipement en matériels adéquats.

Vous avez suivi de près, et à travers vous la France, les dernières élections présidentielle et municipales au Burkina. (Les élections municipales complémentaires se sont déroulées le 9 juillet dernier, donc après l’entretien, ndlr). Que pensez-vous du déroulement des scrutins entachés, selon des observateurs, d’irrégularités ?

Je n’ai pas voulu justement regarder de trop près parce que les élections sont des affaires tout à fait internes aux pays. Nous avons tout de même été attentifs à tout ce qui s’est passé. Les élections, selon ce qui se passe ailleurs et les normes admises, ont été correctes. En observant aussi bien les partis politiques que les médias, aucune entité ne nous a paru inquiète de dérives graves concernant ces scrutins.

Au contraire, le jugement global était qu’ils s’étaient bien déroulés. Les irrégularités relevées par-ci et par-là peuvent être considérées comme normales car faisant partie de l’inexpérience et de l’apprentissage de la démocratie. Le plus souvent, ce que vous appelez irrégularités ne sont que des erreurs ou maladresses dues à l’ignorance des procédures de vote.

Et quand ce que vous qualifiez de maladresses se révèlent être de véritables pratiques frauduleuses ?

Il y a sans doute un peu des deux. On ne peut pas faire de procès d’intention. On est obligé de juger selon les actes. En matière de fraude, lorsque les irrégularités constatées ne modifient pas le résultat global du scrutin, il n’y a pas lieu de refaire l’élection.

La France donne-t-elle réellement un coup de pouce à la démocratie en Afrique, lorsqu’elle se précipite pour féliciter des présidents élus parfois dans des conditions contestables, comme ce fut le cas au Togo par exemple ?

Pour le cas précis du Togo, il y a une explication. L’anticipation du côté de la France par rapport aux résultats officiels était liée au fait qu’il y avait des indices inquiétants de troubles dans la rue pouvant déboucher sur de graves affrontements entre les populations. En tout cas, notre sentiment était de faire savoir aux Togolais, pour ce qui nous concerne, que le jeu était fait. C’était pour éviter toute violence.

Que pensez-vous de la démocratie burkinabè telle qu’elle se pratique ?

La démocratie, pour moi, est comparable à la foi. Pour certains prêtres, la foi vient en priant. La démocratie est un peu comme ça. Pratiquez la démocratie, même si vous n’y croyez pas beaucoup, et quelque chose va s’enclencher. C’est ainsi que l’on peut passer progressivement par exemple, d’une culture tribale à une culture de gestion collective.

La démocratie peut-elle croître dans un pays où il y a la corruption comme on l’observe dans la plupart des pays africains ?

Je pense que ce n’est pas tout à fait le même sujet. La démocratie, c’est surtout la capacité des gens de terrain, des petits villages, à participer aux décisions les concernant. Plus les citoyens s’investissent dans les questions qui les concernent, plus on est dans la démocratie. Cela leur permet d’infléchir les décisions que prennent leurs représentants au niveau des instances du pouvoir. Ça aussi, c’est la bonne gouvernance qui est garantie par la vigilance des citoyens. Et s’il y a des corrompus et des dictateurs, c’est parce que les citoyens n’exercent pas le pouvoir qu’ils doivent exercer.

Beaucoup de difficultés sont souvent évoquées par rapport à l’obtention du visa pour la France.

J’ai la chance d’être dans un pays où il n’y a pas un flux migratoire important. Les Burkinabè ne voyagent pas beaucoup. Nous donnons chaque année à peu près 12 000 visas. Quand je suis arrivé, le nombre de visas délivrés par an était autour de 10 000. Il y a donc une augmentation assez régulière autour de 10% par an. Cela veut dire qu’il y a quand même un mouvement des Burkinabè vers la France ou le reste du monde. Cela participe du désenclavement du pays.

Je constate aussi que la plupart des dossiers de visas sont bien montés au Burkina. En général, il n’y a pas de fraudes à l’état civil. 82% des demandes sont satisfaites dans les 48 heures. Avec le système de prise de rendez-vous par téléphone, il n’y a plus de queue devant ou à l’intérieur de l’ambassade.

Mon regret, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de demandes de la part des étudiants pour étudier en France. C’est un peu atypique, puisque comparés à ceux des pays voisins, ils ne sont pas nombreux les étudiants burkinabè en France. Je ne parle pas des boursiers. Nous avons décidé ici, comme dans d’autres Etats où nous coopérons avec des universités, de limiter l’envoi des boursiers au niveau du 3e cycle. Cela parce que nous n’allons pas dépouiller les universités que nous avons contribué à construire, de leurs étudiants tant que ces universités peuvent les former. Nous intervenons seulement à partir des études de spécialisation quand celles-ci n’existent pas sur place.

Pour ce qui est des études après le bac, les portes sont ouvertes. A partir du moment où l’étudiant a son diplôme et qu’il est inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur en France, nous lui demandons simplement une condition complémentaire : avoir des ressources suffisantes pour vivre décemment afin d’éviter qu’il se retrouve dans des conditions pénibles de survie. L’on ne peut pas faire de bonnes études dans des conditions de précarité. Pour la délivrance de visas, 9 demandes sur 10 sont satisfaites. Il y a actuellement environ 800 étudiants burkinabè en France. Ce qui fait presque 100 de plus depuis mon arrivée. Je peux donc en être satisfait.

Si les gens ne sont pas nombreux à choisir la destination France, n’est-ce pas à cause des problèmes de visa ?

Pour bien montrer que ce n’est pas un problème de visa, il faut savoir que nous avons déconnecté le guichet étudiant du consulat, c’est-à-dire que les étudiants viennent directement voir l’attaché culturel. Ils ont un entretien en tête-à-tête avec l’attaché de coopération qui examine la situation pédagogique de chacun pour voir si chaque projet d’étude est judicieux. Prenons par exemple les études de médecine. Vouloir faire des études de médecine en France alors qu’un Français sur dix arrive à passer l’examen, c’est tout de même hasardeux.

Quel commentaire faites-vous de la récente tournée en France du président Blaise Compaoré ?

Je ne peux pas commenter ce qu’a dit un chef d’Etat étranger, même pas les propos du Président de la République française. Cela dit, je considère deux volets dans la visite de Blaise Compaoré. Il y a eu d’abord la visite de la France profonde. Il voulait voir comment vivent vraiment les Français. Pour ce faire, le président avait choisi de se rendre dans de petites régions déshéritées. Le deuxième volet a concerné les entretiens politiques.

Je pense qu’il a obtenu tous les rendez-vous qu’il souhaitait. Il a rencontré le chef de l’Etat, le Premier ministre, la ministre de la Coopération, etc. Il y a eu également un déjeuner de gala en son honneur, au Quai d’Orsay. C’est le traitement que la France réserve d’habitude à ses amis chefs d’Etat.

Quelles sont les perspectives qui s’offrent à la coopération franco-burkinabè ?

La coopération repose maintenant sur un Document cadre de partenariat. C’est nous qui avons, comme dans d’autres pays du monde, proposé de faire un schéma d’expansion et de concentration. Les deux termes ne sont pas contradictoires. Nous voulons, à travers l’expansion, prolonger et renforcer certains axes sur cinq ans. Le programme est indicatif. Il n’est pas un plan quinquennal. La concentration vise à mieux mesurer l’impact de nos actions. Nous avons 3 axes. Le premier axe concerne l’eau et l’assainissement. Le deuxième axe touche les infrastructures. L’éducation primaire constitue le troisième axe à travers essentiellement le PDDEB (Plan décennal de développement de l’Education de base, NDLR) dont nous sommes l’un des cinq acteurs.

Quelle a été votre réaction suite à l’affaire de détournement de fonds au PDDEB ?

Nous ne pouvons pas émettre des commentaires sur cette question. Seulement nous avons, à la faveur de l’incident, vu qu’il est difficile d’injecter une masse d’argent aussi importante dans une structure inadéquate. La structure avec laquelle on travaillait n’avait absolument pas les épaules larges pour gérer le projet. Cette structure a disparu. On a fait les comptes. Je crois que tout n’a pas été volé. Il y a eu tout simplement d’énormes erreurs de gestion.

Maintenant, le MEBA est en train de mettre en place une structure qui semble être mieux outillée pour gérer cet investissement considérable. Il s’agit de construire au moins 2 000 classes à travers le pays. On aura bientôt la mesure de l’effort global fait au niveau du PDDEB quand le MEBA procèdera à l’inauguration d’un grand nombre d’écoles dans les régions les plus reculées et les moins scolarisées jusqu’à présent. Il y a déjà donc un début de réalisation qui prouve que ça marche bien.

Qu’en est-il de la contribution de la France en matière de coopération culturelle ?

Pour nous, dans la culture, il y a divers aspects, mais c’est d’abord évidemment le FESPACO. Le socle de la culture au Burkina en particulier, et en Afrique de façon générale, c’est le cinéma. Nous sommes en train de voir comment accompagner ce cinéma burkinabè sur une base qui n’est pas facile : le passage au numérique. Il y a aussi le soutien aux productions audio-visuelles. Nous sommes en plein dans une réflexion interne, nourrie par de nombreux contacts, non seulement avec le ministère de la Culture qui réagit bien à nos préoccupations, mais aussi et surtout avec le milieu des créateurs et des intellectuels, principaux acteurs de la culture.

Les autres secteurs de la culture ne sont-ils pas pris en compte dans le cadre de la coopération ?

Nous avons fait un gros investissement dans le domaine de la chorégraphie. Nous avons, en effet, construit un centre de chorégraphie situé dans un quartier modeste de Ouaga. Il devra, en principe, ouvrir ses portes en fin d’année prochaine. Ce projet qui nous a coûté beaucoup d’argent, va donner un nouveau rôle panafricain au Burkina en matière de danse contemporaine, de formation et de création. Nous voulons que Ouaga soit non seulement un point focal pour les cinéastes africains, mais aussi le carrefour pour les danseurs de la région, voire de toute l’Afrique.

Quel regard portez-vous sur la presse burkinabè ?

Lorsqu’on parle de la démocratie et de la bonne gouvernance, les médias sont les principaux acteurs. Je pense à ce niveau que les médias burkinabè jouent pleinement leur rôle, malgré leurs moyens limités.

Nous sommes à quelques jours du 14 juillet, fête nationale en France. Comment préparez-vous l’événement ici au Burkina ?

Le 14 juillet est effectivement un rendez-vous annuel et constitue au niveau de l’ambassade, la convergence de plusieurs petits événements. Il y aura la fête des sports, la rencontre à la Résidence de France où tous les Français sont invités. Ils n’ont pas besoin de carte d’invitation pour s’y rendre. C’est aussi une occasion pour nous de rencontrer nos amis et diverses catégories de personnes : autorités, opérateurs économiques, artistes... Je crois qu’on peut se flatter d’avoir un bel espace comme la Résidence de France où l’on peut aisément accueillir, comme l’année dernière, 1 700 personnes. Enfin, tout se terminera par un bal populaire sous le chapiteau situé dans le parc de la Résidence.

Pensez-vous, à trois mois de la fin de la transition en Côte d’Ivoire que les échéances fixées pour les élections seront respectées ?

Je crois que c’est aux Africains que l’on doit le schéma de transition actuel avec ce que le Premier ministre Charles Konan Banny appelle un tandem. Cette transition doit en principe s’achever le 30 octobre prochain. Si l’élection ne se tient pas avant cette date, il faudra alors imaginer une formule qui encadrera la période suivante. Une fois de plus, je pense qu’il revient aux Africains de déterminer le type de transition qu’on pourrait avoir et la manière de le faire accepter par tous les protagonistes de la crise, si tout le monde continue d’être d’accord qu’il faut des élections.

La France qui joue un rôle de choix dans le processus a-t-elle un scénario de sortie de crise au cas où le délai du 30 octobre n’est pas respecté ?

Je renvoie, une fois de plus, la balle aux Africains. C’est à eux de choisir non seulement la formule qui doit s’appliquer au-delà de la période du 30 octobre, mais aussi le moment d’en parler. Parce qu’on ne peut pas demander à l’ONU de faire plus que ce que les Africains lui demandent. Dans cette perspective, il n’y a pas de possibilité d’obtenir une réaction de la communauté internationale qui n’aurait pas été suggérée par l’Union africaine ou les différentes institutions sous-régionales.

Cette façon de faire ne conforte-t-elle pas ceux qui, comparativement à la diplomatie américaine dont ils louent le pragmatisme, qualifient celle française d’ondoyante ? L’on a vu par exemple les Américains débarquer Charles Taylor du pouvoir au Liberia pour la cause de la paix dans ce pays.

Je vous remercie de m’avoir posé la question. Mais la France n’a pas une culture des rapports de force.

Quel rôle la France joue-t-elle alors concrètement dans la crise ivoirienne ?

La France y joue un rôle concret, à travers la force Licorne, qui a un mandat des Nations unies. Une partie de cette force intervient en appui de l’ONUCI. Le nombre des éléments de l’ONUCI vient d’être augmenté de 1 500 hommes, et se situera donc à environ 8 500 hommes en septembre prochain (auxquels s’ajoutent les 3 200 Français de la Force Licorne). Dans le cas du maintien de la paix, il s’agit tout simplement d’accompagner un accord. L’imposition de la paix c’est comme s’il n’y a pas d’accord.

L’appui, pour les forces françaises, veut dire, contrairement aux Casques bleus de l’ONU, des règles d’engagement complètement indépendantes avec une capacité pour celles-ci de faire usage de leurs armes en cas de nécessité. Ce que je trouve aussi très concret, c’est le travail de mise en relation des différents camps ou des protagonistes de la crise. Heureusement que la France est encore un pays où les Ivoiriens se croisent et se parlent.

Enfin, ce qui est concret et ne se voit pas du tout, c’est le travail de la France au Conseil de sécurité. En général, c’est la France qui prépare les textes de résolutions, les fait circuler, et use de son influence quand il faut les amender. C’est vraiment un gros travail d’arrière-salle qui est mené à ce niveau.

Que pensez-vous de l’immigration choisie et de la dernière visite de Sarkozy en Afrique pour l’expliquer ?

Je voudrais répondre du point de vue de l’ambassadeur au Burkina. Comme je vous l’ai dit, le cas du Burkina est atypique dans le domaine. Il n’y a pas de flux migratoires importants. Je veux dire qu’il n’y a pas assez de Burkinabè en France. L’immigration choisie est un concept qui ne s’applique donc pas ici. On n’a pas besoin de choisir entre les candidats au visa. On les prend quasiment tous, neuf personnes sur dix.

Généralement les personnes recalées sont celles qui ont des dossiers mal ficelés ou incomplets. Mais je crois que le contrôle de l’immigration est inévitable. La France n’est pas le seul pays qui le fait. D’autres le font déjà, et même le Burkina dans le cadre de la mise en oeuvre des textes de l’UEMOA ou de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes et des biens. Ce que nous cherchons à faire, c’est associer les Etats envoyeurs et les Etats receveurs en vue d’un débat de maîtrise des flux. Je crois que c’est ça le point constructif de la proposition de loi.

Il ne s’agit pas de pomper des cerveaux, de les distraire de l’objectif de développement de vos pays. Mais, il s’agit plutôt d’offrir la possibilité pour les jeunes de compléter leur formation en France, soit par un travail, soit par des études. Tout cela se discute, se pèse, et se mesure dans un partenariat qui reste encore à établir.

Comment analysez-vous les difficultés que traverse votre pays à travers par exemple le Contrat première embauche (CPE) et l’affaire Clearstream ?

En tant que citoyen et observateur français, je trouve que ces crises ou accidents de parcours illustrent la capacité des Français à débattre. On peut critiquer les méthodes notamment les descentes dans la rue, ce qui devrait être le dernier recours, mais toujours est-il qu’il y a la vigilance des citoyens, un souhait d’être associés aux décisions les concernant. Nul pays n’étant arrivé au terme du processus et toutes les sociétés étant en devenir, la France ne saurait être à l’abri de ces accidents d’évolution. Quant à l’affaire Clearstream, on a la chance que la France est un pays de transparence, où tout se sait et où la Justice fait son travail.

Toutes ces crises ne traduisent-elles pas, quelque part, la lutte de positionnement à laquelle se livrent les principaux acteurs de la scène politique française dans la perpective de l’élection présidentielle de 2007 ?

J’attends d’abord de voir les conclusions des différents juges qui interviennent dans cette affaire pour me prononcer de façon plus objective.

Propos recueillis par Morin YAMONGBE et Grégoire B. BAZIE

Le Pays

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