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Immigration : La thérapie de Rabat sera-t-elle la bonne ?

Publié le jeudi 13 juillet 2006 à 07h46min

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L’immigration clandetine. Ce n’est plus un mal, c’est un fléau à telle enseigne que bien d’Africains ou d’Européens sont restés longtemps dans l’expectative. On a encore en mémoire l’assaut massif que des milliers d’Africains, candidats à l’émigration européenne, ont mené en octobre 2005 contre les grillages et barbelés des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla.

Et l’image de ces émigrés clandestins, menottés et jetés dans des bus à destination du désert marocain, sans assistance, a fait le tour du monde et provoqué l’ire des organisations humanitaires et des associations des droits de l’homme.

Depuis, la question de ceux que les Européens appellent « immigrés clandestins » a occupé le devant de l’actualité. Ceux-ci n’ont pas réduit leur flux même si, face aux difficultés à franchir les enclaves espagnoles, ils tentent maintenant leurs chances vers les îles Canaries avec la Mauritanie et le Sénégal comme pays de transit.

Mais leurs conditions de voyage restent des plus précaires. Exploités de façon éhontée par des passeurs sans scrupules, beaucoup d’entre eux ont perdu la vie ou sont blessés dans cette aventure le plus souvent sans issue et qui a ruiné de nombreux villages et familles en Afrique.

Difficile de laisser les choses dériver ainsi sans entreprendre des actions vigoureuses pour redresser la barre. C’est en cela qu’il faut saluer la tenue à Rabat, au Maroc, de la « Conférence euro-africaine sur la migration et le développement ».

Cette première conférence du genre a abouti à la conclusion d’un partenariat inédit entre Africains et Européens pour endiguer voire enrayer le flux migratoire des clandestins à destination du « Vieux continent ».

Le Plan d’action adopté à Rabat est en réalité une compilation d’une soixantaine de recommandations touchant surtout aux aspects sécuritaires et de développement :

la sécurité pour l’Europe, militante d’une « immigration choisie », qui est prête à tout mettre en œuvre pour ne pas se laisser envahir par des vagues déferlantes d’immigrés ; le développement pour l’Afrique, dont le partenaire, l’Europe, espère que cela contribuera à « fixer », comme on dit si bien chez nous, « les jeunes dans leurs terroirs ».

Des intentions somme toute louables, mais le hic est qu’à Rabat, aucune mesure concrète n’a été prise pour accompagner ce développement du « Berceau de l’humanité » :

ni le montant de l’aide, ni le mécanisme de financement, ni même la période de décaissements n’ont été précisés. Ce flou sur cet aspect capital de l’endiguement des flux migratoires jette un doute quant au succès de cette conférence sur laquelle pourtant beaucoup d’espoirs étaient fondés.

A notre avis, le problème ne tient pas à la disponibilité des fonds, mais à l’usage concret que nos gouvernants en feront. Sinon parlant de l’aide, l’Afrique, depuis les indépendances, a englouti des milliards de dollars, mais fait du sur-place, si elle ne recule pas.

Continent miné par la pauvreté et la corruption, il n’est pas rare d’y voir l’aide publique détournée à des fins personnelles pour servir des intérêts égoïstes, régionalistes voire ethniques et claniques. C’est donc une question morale et de bonne gouvernance des deniers publics qui est posée.

Mais plutôt que l’aide, l’Europe devrait donner à l’Afrique plus de moyens de se prendre elle-même en charge. Cela passe par l’arrêt des subventions qu’elle accorde à ses agriculteurs. Une politique qui ruine les paysans africains qui ne peuvent plus vendre à un meilleur prix leurs produits de rente sur le marché mondial.

Cette situation entraîne à coup sûr le départ des bras valides vers des cieux plus cléments notamment vers l’eldorado européen.

La tenue de cette conférence est une heureuse initiative qui a permis aux 57 pays participants de cerner le problème de la migration clandestine dans toute sa complexité.

Mais tant que la question du développement du continent ne trouvera pas une réponse adéquate et un début d’exécution sur le terrain, aucune politique, aucune répression ne sauraient arrêter des gens fuyant le désespoir dans des pays rongés par la pauvreté, la sécheresse, les guerres, la corruption et les maladies.

Voilà qui est dit et qui interpelle plus d’un, car nul doute que Rabat n’est qu’une étape et qu’il nous faudra encore beaucoup plus de conférences du genre et une dose de bonne volonté pour parvenir à trouver des solutions acceptables.

Immigration choisie ou subie, chacune des parties doit s’y investir totalement pour enrayer ce fléau de l’immigration clandestine. C’est peut-être la seule voie de sortie de crise.

San Evariste Barro
L’Observateur Paalga, San Evariste Barro

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