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Adama Conombo : « La problématique des violences sexuelles faites aux enfants est complexe... »

Publié le jeudi 13 juillet 2006 à 07h19min

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Depuis 1995, une ONG dénommée « Association solidarité jeunes » œuvre pour la cause des enfants en difficulté du côté de Ouagadougou.

A partir 2005, sur la base de statistiques qui plaçaient la ville de Bobo-Dioulasso en tête des violences sexuelles faites aux enfants, cette association travaille en collaboration avec la direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Houet pour endiguer le phénomène qui, dit-on, prend de l’ampleur. Sidwaya a rencontré son premier responsable, Adama Conombo.

Sidwaya (S.). : Présentez-nous votre association et son domaine d’intervention

Adama Conombo (A.C). : L’Association solidarité jeunes est une Organisation non gouvernementale (ONG) créée le 30 mai 1995 par un groupe de personnes dévouées à la cause des enfants en difficulté, notamment ceux vivant dans la rue. En partenariat avec le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale qui est sa structure de tutelle, un consortium d’ONG et d’associations, des partenaires techniques et financiers, les enfants en difficulté et leurs familles, l’Association a élaboré une stratégie d’intervention en milieu ouvert communément appelée « Action éducative en milieu ouvert » (AEMO) pour répondre aux préoccupations de son groupe cible en vue de réduire les risques de marginalisation, d’exclusion systématique des enfants de la rue.

S. : Comment s’est noué le partenariat entre votre structure et la direction provinciale de l’Action sociale ?

A.C. : En 2001, sous l’égide de l’UNICEF et du ministère de l’Action sociale, une étude prospective sur les violences sexuelles a permis d’avoir une vue d’ensemble sur cette problématique émergente tant dans ses causes, ses manifestations que ses conséquences et de dégager un certain nombre de stratégies dans la perspective d’élaborer un plan d’action national en la matière.

S’appuyant également sur les conclusions des forums arabo-africains sous régionaux et des congrès mondiaux de Stockholm et de Yokohama tenus en 1996 et en 2001, le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, en partenariat avec l’UNICEF et notre association, a initié un projet expérimental en 2001 pour répondre aux besoins de base des enfants qui avaient été identifiés au cours de l’étude prospective.

Les résultats ayant été édifiants, il a été question d’étendre le projet à une gamme plus étendue de bénéficiaires tout en délocalisant partiellement au plan géographique les activités. C’est dans cette perspective que la direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Houet, en partenariat avec l’Association solidarité jeunes a pu bénéficier d’un financement de l’UNICEF pour accompagner les enfants identifiés dans des situations de violences sexuelles.

Cela se justifie par les statistiques qui ont placé la ville de Bobo-Dioulasso en tête en ce qui concerne la prévalence de ce genre de violences au niveau du Burkina. Nous travaillons en collaboration avec ce service déconcentré de l’Etat depuis 2005 parce qu’il était plus qu’urgent d’accompagner les victimes au niveau de la ville de Bobo-Dioulasso, de les réhabiliter pour réparer les séquelles physiques et psychologiques.

Il est également prévu de les réhabiliter juridiquement, de les accompagner dans la formation professionnelle et scolaire afin de leur permettre de transcender et de faire le deuil du traumatisme vécu et de pouvoir se prendre en charge dans l’avenir. Cette collaboration nous permet d’échanger les expériences afin de mieux orienter les stratégies pour pouvoir réussir la mission commune que nous nous sommes assignée. Il faut noter que la direction provinciale de l’Action sociale fait à Bobo-Dioulasso ce que notre association fait déjà à Ouagadougou.

S. : Quels sont les principaux acquis de cette collaboration ?

A.C. : Dans le volet de la sensibilisation, nous participons à des émissions dans des radios communautaires et de proximité qui ont bien voulu nous accompagner dans le cadre de la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants. Nous avons également organisé des causeries éducatives. L’Association solidarité jeunes et l’Action sociale ont par ailleurs pu placer un certain nombre de filles dans des centres d’apprentissage où elles apprennent un métier. Nous avons suivi des filles qui, dès le début du projet expérimental ont bénéficié de scolarisation. L’une d’elles vient d’ailleurs de réussir au BEPC. Les acquis se sont renforcés avec l’accompagnement que nous apportent les partenaires qui sont l’UNICEF et le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale.

S. : Est-ce à dire que vous ne rencontrez pas de difficultés ?

A.C. : Nous en rencontrons évidemment. Elles sont conjoncturelles et structurelles. Il faut dire que jusqu’à présent, le plan d’action national de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants n’est pas mis en œuvre, même s’il y a un document théorique en la matière qui date de 2004. Ce document cadre définit les grands axes d’intervention de chaque partenaire, ce qui permet d’entrevoir les actions stratégiques de prévention, de protection, de réhabilitation, de suivi-évaluation et de plaidoyer.

La mise en œuvre d’un tel plan d’action national doit nécessiter une mobilisation plus accrue de moyens financiers et techniques et impliquer l’intersectorialité. Cela parce que c’est une problématique dynamique, complexe qui s’inscrit dans une dimension transversale. Nous sommes convaincus qu’on ne peut pas aborder la problématique des violences sexuelles (abus sexuels, exploitation sexuelle à des fins commerciales ou non) sans aborder la problématique des enfants vivant dans la rue, le trafic des enfants, les pires formes de travail des enfants.

Pour nous, c’est une question qui s’inscrit dans un cadre global et c’est pourquoi nous saisissons cette occasion pour remercier les différents partenaires qui nous accompagnent déjà et pour solliciter le concours technique et financier d’autres partenaires pour appuyer ce programme, cette démarche. Cela est nécessaire dans notre stratégie d’intervention pour aborder aussi bien la problématique des violences sexuelles que celle des enfants vivant dans la rue, le trafic et l’exploitation sexuelle des enfants, les pires formes de travail. Il serait bien que tous ces aspects s’inscrivent dans une dynamique d’ensemble et l’intervention d’autres partenaires nous semble indispensable.

S. : En terme de perspectives, comment cette association entrevoit-elle l’avenir ?

A.C. : Nous allons travailler à renforcer et à accroître les acquis parce que le phénomène des violences sexuelles faites aux enfants prend de l’ampleur. Par ailleurs, diverses problématiques se trouvent en même temps imbriquées. Notre souhait est de pouvoir mobiliser un certain nombre de ressources pour les prendre en charge. Quand on a par exemple affaire à une fille victime de violences sexuelles et qu’à l’issue du test du VIH, cette fille se retrouve séropositive, qu’est-ce qu’on en fait si nous sommes limités sur le plan de la prise en charge sanitaire ? Il s’agit donc d’envisager avec d’autres structures spécialisées dans le domaine de la prise en charge sanitaire, par exemple des formes de collaboration pour résoudre globalement ces différentes problématiques. Nous plaidons également pour la validation, l’adoption et la mise en œuvre du plan national d’action de lutte contre les violences sexuelles dans lequel une part significative du travail est réservée aux associations et ONG.

Pour ce que nous avons déjà pu faire, nous remercions les leaders communautaires, les autorités coutumières, religieuses, administratives, les médias parce qu’ils ont contribué à faire connaître cette problématique des violences sexuelles faites aux enfants un peu partout.

Propos recueillis par Urbain KABORE

Sidwaya

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