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Y a-t-il un autre cadre légal, républicain et consensuel que la représentation nationale ?

Publié le lundi 15 mars 2004 à 17h23min

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Aussi fidèlement que la mémoire puisse s’en souvenir, c’est l’opposition politique burkinabè qui, la première, a tiré la sonnette d’alarme, dénonçant la région comme circonscription électorale, juste à la sortie des urnes du scrutin législatif du 5 mai 2002. La région comme circonscription électorale avait été perçue par les opposants politiques qui optent à présent sur la question pour la tactique de "la chaise vide" comme une volonté du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) de perpétuer le "tukgilisme".

Ainsi avait-on fait croire que le découpage était à la taille du gigantisme du parti majoritaire, fait sur mesure. Les faits allaient démontrer le contraire. Pour la première fois de l’histoire politique nationale, treize partis ont bénéficié du ticket de la représentativité, leur permettant de siéger à l’Assemblée nationale. De treize députés après les législatives de 1997 pour l’opposition politique, la représentation nationale compte aujourd’hui quarante-deux députés pour elle après celles du 5 mai 2002. Cette évolution qualitative et quantitative donne à la démocratie burkinabè, une couleur arc-en-ciel, expression de sa vitalité.

Cette classe politique doit-elle se contenter de la nouvelle donne ou doit-elle, sur la base de la pratique des réformes structurelles et politiques engagées, apporter des correctifs nécessaires, au regard des dysfonctionnements et autres incohérences constatés ? Ou doit-elle considérer ces réformes voulues par le collège de sages comme des "vérités" démocratiques immuables valables en tout temps et pour tout le temps ? Si l’on convient que la démocratie est perfectible et qu’il n’y a pas une démocratie-modèle, alors les réformes structurelles et politiques du Collège de sages ne sauraient être des "vérités bibliques". Ne dit-on pas que la vérité d’hier n’est pas forcément celle de demain ? Ce qui est valable dans la vie, l’est tout aussi en politique, avec consensus ou sans consensus.

L’opposition est fondée dans son droit de refuser toute relecture du code électoral campant ainsi sur un conservatisme partisan et intéressé, allant jusqu’à refuser à la majorité son droit de révision codifié par la Constitution. L’on attendait pour une fois que l’opposition burkinabè fasse preuve de sa capacité à renverser une situation en sa faveur, ne serait-ce qu’en remportant la bataille de l’opinion au sein de la représentation nationale. Mais elle débine et préfère plutôt la guérilla dans les médias.

En se fondant sur la rupture du consensus pour refuser les négociations, l’opposition burkinabè ne creuse-t-elle pas sa propre tombe ? La majorité au pouvoir aurait pu user de sa suprématie pour passer en force. Pourtant, elle privilégie le dialogue et la recherche de la concertation. En vérité, y a-t-il meilleur cadre institutionnel démocratique, républicain, légal et consensuel que l’Assemblée nationale pour débattre des questions nationales en démocratie ? Aujourd’hui, le parti majoritaire paie pour sa disponibilité et un peu pour sa naïveté. Ce n’est pas en prenant l’initiative des revendications légitimes et justes de l’ensemble des partis politiques qu’il réalisera le rassemblement et le consensus. Dans ce cas de figure, la majorité au pouvoir aurait dû laisser la main à l’opposition dans la mesure où c’est elle qui a osé les premières critiques visant la révision du code électoral car elle a plus intérêt à l’aboutissement d’une relecture du code électoral. Mais les enjeux électoraux d’une telle révision sont si importants qu’aucun camp ne veut laisser l’initiative à l’autre. Chacun veut récolter les dividendes en termes de voix et d’élus dans les provinces oubliées. Le CDP a pris de l’avance et cela fait rager les autres partis qui n’ont que pour seule arme, le boycott en refusant d’être des accompagnateurs de la révision du code électoral. Faute de combattants de l’opposition, la majorité au pouvoir a les mains libres pour mener les réformes qui vont régir désormais les consultations électorales dans notre pays. Et cette opposition qui a déserté aujourd’hui l’hémicycle, devrait demain se plier à la loi car la démocratie est le régime de la majorité. Sur les propositions d’amendements soutenues par la majorité, les Burkinabè veulent connaître les contre-propositions du camp opposé. Pour les législatives, les réformateurs proposent la restauration de la province comme circonscription électorale et le scrutin au plus fort reste qui favorise les "petits" partis et une véritable représentation sur l’ensemble du territoire national. En ce qui concerne les élections locales au lieu de la proportionnelle au plus fort reste, ils proposent la proportionnelle à la plus forte moyenne afin de favoriser des majorités politiques cohérentes. Où est donc la rupture du consensus ? Ce ne sont que des propositions à débattre. Il fallait donc accepter la discussion et faire ensuite, le constat de la rupture d’un quelconque consensus. Le vrai consensus, c’est la démocratie et non les arrangements ou autres compromis politiques qui répondent à des impératifs ponctuels. Si la majorité et l’opposition peuvent trouver un consensus minimum pour désigner des représentants du Burkina au parlement africain pourquoi ne le peuvent-elles pas pour l’approfondissement et la consolidation du processus démocratique dans notre pays ? L’opposition doit réfléchir sur sa faiblesse vis-à-vis des intérêts personnels et égoïstes.

Tous ceux qui avaient prédit une session houleuse à l’Assemblée nationale resteront sur leur faim. Espérons simplement que l’opposition n’a pas fui le débat démocratique à l’hémicycle pour privilégier l’épreuve de force dans la rue. Une fois encore, elle manque un rendez-vous avec l’histoire. Que c’est dommage pour notre démocratie !

Par Michel OUEDRAOGO
Sidwaya

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