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Départ de Laurent Bado du PAREN : "Ne comparer que ce qui est comparable"

Publié le jeudi 6 juillet 2006 à 08h12min

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Ils ont tout faux ceux qui mettent en parallèle le départ de Laurent Bado de la direction du Parti de la renaissance (PAREN). C’est le sentiment d’un conseiller de jeunesse et d’éducation permanente qui avertit qu’il ne faut comparer que ce qui est comparable.

Laurent Bado ne s’est pas représenté à la tête du PAREN lors de son dernier congrès statutaire. Les interprétations, il y en a dans quelques cercles : le fondateur du PAREN, dit-on, veut rester conforme à ses principes. Il n’a jamais été vraiment intéressé par le pouvoir ; il a voulu rendre service au peuple, unir l’opposition en entrant en politique, et on sait qu’il a toujours promis que tôt ou tard il rendrait le tablier.

Mais on dit aussi que sa démission est peut-être due à l’échec de son parti aux municipales, lui qui s’en est tiré avec 24 sièges de conseillers. Il en est même qui regardent sa révérence comme un stratagème visant à se mettre au vert après le scandale des millions de Blaise Compaoré en frappant les imaginations, histoire que l’Histoire, un jour, en minimise l’impact.

Mais moi, ce que je constate en lisant et en écoutant ici et là, c’est qu’il y a des aspects essentiels sur lesquels on ne veut pas faire la lumière, et j’aimerais tout de même en parler un peu. Mais d’abord, je veux rendre hommage au père du « Tercérisme », qui a ainsi laissé la chance à d’autres alors que rien ne l’y obligeait. Un hommage mérité, même si les propos qui ont accompagné son départ s’apparentaient à

« un pied dedans, un pied dehors », lui qui justifie ainsi le changement : « C’est pourquoi un nouveau président du PAREN et un nouveau bureau exécutif ont été désignés pour conduire, sous ma tutelle vigilante, et jusqu’à nouvel ordre, la destinée particulière de ce parti de renouveau africain » (dans "Le Pays" du 3 juillet 2006) ; et qui, plus explicite, prévient : « Celui qui déconne, je le chasse. » (in L’Observateur Paalga du 3 juillet 2006)

Après cette remarque, et pour dire ce que je pense réellement, je soutiens qu’il ne devait pas y avoir de comparaison entre des structures de l’Etat et des structures de partis politiques, notamment sur le respect ou non de la limitation des mandats du chef de l’Etat et des chefs de parti. Pourquoi ?

Tout simplement parce que dans le premier cas, on a affaire à un organe de l’Etat soumis à une limitation constitutionnelle du mandat présidentiel. Dans le second, on a affaire à une institution non étatique non astreinte (ni par la loi ni par les textes fondamentaux, partisans jusqu’à preuve du contraire) à une limitation du mandat du premier responsable. On ne doit

comparer que ce qui est comparable. La comparaison faite du départ de Laurent Bado, pour faire un clin d’œil ou stigmatiser les autres responsables de parti qui n’imitent pas son exemple, apparaît plutôt forcée. Elle est surtout mal venue et susceptible d’induire abusivement l’opinion en erreur lorsque, malicieusement, on tend à établir le parallèle entre la violation de l’article 37 de la Constitution par Blaise Compaoré, et le non-respect de la limitation des mandats partisans par les chefs de parti pour, finalement, dire qu’ils sont tous, sauf Laurent Bado, logés à la même enseigne. C’est tout à fait une tentative grossière de banaliser la forfaiture du chef de l’Etat. Comment mettre sur un pied d’égalité une interdiction gravée dans une loi constitutionnelle avec une fiction tirée par les cheveux ?

C’est presqu’aussi grave que la violation elle-même de l’article 37 ! En effet, en tentant de vendre à l’imaginaire populaire cette fiction et cette expression inventée pour les besoins de la cause, de « marcher sur son article 37 », que cherche-t-on au fond ? A dire que les responsables de parti politique qui critiquent la violation de l’article 37 par Blaise Compaoré devraient balayer devant leur propre porte, car les Burkinabè leur reprochent aussi de faire obstruction à l’alternance ? Comme ce confusionnisme est pernicieux dans un pays où la morale est déjà agonisante !

Il eut certainement été plus sain, plus équilibré, tout en félicitant Laurent Bado pour sa libre décision, de rappeler combien Blaise Compaoré aurait été grand en ne se représentant pas pour un troisième mandat ; combien il se serait montré fidèle serviteur de la Constitution en respectant les prescriptions constitutionnelles ; notamment celle qui crée les conditions de l’alternance, à savoir l’article 37.

Mais comme à l’époque on n’a pas véritablement sonné le tocsin au moment de cette forfaiture, à l’exception de quelques cas, il ne fallait pas s’attendre à ce que le départ de Laurent Bado donne l’occasion d’y revenir pour se dédouaner. Pourtant, les circonstances s’y prêtaient bel et bien.

A l’extérieur du pays, souffle un vent défavorable à ceux qui charcutent les constitutions pour se maintenir indéfiniment au pouvoir, quels que soient les moyens plus ou moins légaux utilisés pour y parvenir. Les Nations unies s’en démarquent et, cas plus symptomatique, l’Union africaine commence à faire partie des pourfendeurs. Au plan interne, beaucoup dénoncent, au-delà de Blaise Compaoré, la pérennisation de certains responsables à la tête de leur institution, comme c’est le cas de la CENI, du CSC...

Le départ de Laurent Bado était donc l’heureuse occasion de digressions positives pour rattraper les silences involontaires ou coupables ! Diable non : on a préféré encore, une fois ici, s’en prendre gaiement aux partis politiques (minimisant les faits de déstabilisation et les coups d’Etat permanents dont nombre de leurs leaders sont victimes, et passant outre la méconnaissance des droits de l’opposition), et fouler aux pieds les principes de la saine gouvernance démocratique.

Mais tout cela n’est que l’expression de la perpétuation de la comédie démocratique où fourmillent tant d’acteurs zélés qui continuent à jouer leurs mauvaises pièces sans savoir que le temps les démasque, et qu’ils ne sont plus dans le « tempo ».

Mamadou LAMIZANA,
Conseiller de jeunesse et d’éducation permanente à Ouagadougou

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