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Union africaine : Des sommets de routine

Publié le mardi 4 juillet 2006 à 07h54min

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Alors que tous s’accordent à reconnaître que le salut de l’Afrique passe nécessairement par son union, la ferveur des dirigeants africains en faveur d’une véritable union du continent est-elle pour autant perceptible ? Ont-ils une réelle volonté politique de promouvoir l’Union africaine (UA) ? Alpha Omar Konaré, qui s’est prononcé quelques mois avant l’expiration de son mandat en 2007, a eu des mots qui laissent, pour le moins, songeur.

En marge du 7e sommet tenu à Banjul en Gambie, les 1er et 2 juillet derniers, il a estimé qu’il fallait à l’Union un leadership beaucoup plus affirmé, une volonté politique beaucoup plus exprimée et des moyens à la hauteur des ambitions de l’Union. L’ancien président malien qui n’est pas n’importe qui, car président de la Commission de l’UA, ne parle certainement pas en l’air. Combien de chefs d’Etats sur le continent accordent, dans le fond, un intérêt réel à une véritable union des Etats africains ?

Pour quelques- uns, le disque de ces sommets qui se suivent et se ressemblent parfois est tellement rayé qu’ils ne jugent plus nécessaire d’y faire le déplacement. Presque la routine pour eux, qui n’accouche généralement pas de conclusions à même de constituer des tournants pour le continent. En tout cas, le rêve de voir une Afrique unie du nord au sud, d’est à l’ ouest, ressemblera à une chimère tant que l’avènement d’une véritable intégration des Etats piétinera, en raison notamment d’intérêts et d’égoïsmes nationaux qui plombent la marche de l’Union et retardent le continent.

Au-delà de ces questions de souveraineté où chaque dirigeant préfère être la tête d’un rat que la queue d’un lion, l’Union africaine est handicapée par son manque de moyens, notamment financiers. Sur les 53 Etats, seulement 12 sont à jour de leurs cotisations. Une situation qui n’est sans doute pas étrangère à l’actuel débat sur la régularité de tels sommets.

Mais si elle souffre de certains malaises, l’UA doit s’en prendre à elle-même. Elle n’est pas exempte de tares qui risquent de l’amener à connaître le même sort que sa devancière, l’Organisation de l’Unité africaine (OUA). Même si, à la différence de l’OUA qui a eu le mérite d’avoir existé pendant de nombreuses années, l’UA risque de ne pas faire de vieux os à cette allure.

Car, déjà, des dirigeants sur le continent boudent ces sommets ; des rencontres auxquelles on reproche de déboucher sur des conclusions rangées par la suite dans les tiroirs. Il y a risque qu’il y ait encore plus de dirigeants buissonniers s’ils parviennent à l’idée que la nouvelle entité panafricaine est dans l’incapacité de faire appliquer ses résolutions aux Etats membres, condamnant ainsi l’Afrique à ses propres errements. Combien de fois l’organisation s’est-elle penchée sur certaines crises, sans jamais parvenir à y mettre véritablement fin ? Parfois, elle a manqué de fermeté et de pragmatisme.

Par ailleurs, l’Union africaine devrait plus avoir le souci de son image, quant au choix des pays désignés pour abriter ses sommets. Le dernier exemple en date, c’est justement la Gambie qui, on le sait, n’est pas un exemple en matière de liberté d’expression et de démocratie.

Comme l’Union européenne, les chefs d’Etat et de gouvernement devraient s’accorder sur un certain nombre de critères de convergences et de principes, notamment démocratiques. A cela, on ne trouverait rien à redire, d’autant que le continent veut se doter d’une Charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance, destinée à y asseoir durablement la démocratie et la stabilité. Ce projet prévoit une série de sanctions contre les auteurs de changements anticonstitutionnels de gouvernement et les Etats soutenant un putsch ou accueillant sur leur sol ses auteurs.

Evidemment, s’il était réalisé, il ne plairait pas à bien des chefs d’Etat, au pouvoir contre les intérêts de leur peuple et presque assurés malgré tout, de rester aux affaires tant qu’ils le voudront. "On n’organise pas des élections pour les perdre", selon les désormais célèbres mots de l’ex-président congolais Pascal Lissouba. Est-ce un hasard si les dirigeants présents à Banjul ont préféré reporter ce dossier sensible au prochain sommet d’Accra ?

Le sommet qui vient de se dérouler est parvenu à des accords dont celui sur l’affaire Hissène Habré. L’ancien président tchadien sera jugé sur le territoire sénégalais, et ce à la demande de l’Union africaine. Après avoir déjà refusé par deux fois de se saisir du dossier, le Sénégal se range finalement aux recommandations des chefs d’Etat africains. L’on a voulu privilégier une solution africaine à l’affaire. Cela passait par un procès devant la justice sénégalaise, le renvoi de l’ancien président tchadien devant un tribunal de son pays ou son jugement devant la Cour africaine des droits de l’Homme.

Cela fait, l’idée du président Wade d’écarter une transmission de la procédure belge à la justice sénégalaise laisse augurer d’une longue procédure, ce qui pourrait ainsi donner un certain répit à Habré qui peut se réjouir au moins de ne pas avoir à répondre devant les juridictions belges. Autre révélation du sommet : Alpha Omar Konaré ne briguera pas un autre mandat. Animé de bonnes intentions pour son continent et pour lequel il a de grandes ambitions, il devra malheureusement passer la main en 2007.

Même s’il se défend que son enthousiasme pour les services de la Commission n’ait pas été émoussé par la lassitude, il n’empêche que l’on a toujours à l’esprit ses divergences de vue avec certains chefs d’Etat sur la gestion du pouvoir d’Etat en Afrique. Il a parfois eu des déclarations qui ne sont pas allées dans le sens des intérêts "pouvoiristes" de certains d’entre eux qui n’ont pas manqué, c’est le moins qu’on puisse dire, de le lui faire savoir. Pourtant, Alpha Omar Konaré constituait une chance historique pour l’Afrique.

Sa lassitude est à la hauteur du spectacle décevant que nous offrent certains dirigeants. Un spectacle face auquel on peut se demander s’il ne faut pas finalement privilégier les regroupements régionaux, et si les pères fondateurs de l’OUA n’ont pas été plus méritants. Car, ces derniers avaient l’excuse du manque d’expérience et de faire face aux défis des indépendances fraîchement acquises.

Le Pays

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