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Abidjan décrète l’"ivoirisation" de tous les emplois en Côte d’Ivoire

Publié le mardi 9 mars 2004 à 15h45min

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Les autorités d’Abidjan ont décidé par un arrêté ministériel d’"ivoiriser" tous les emplois, dans un contexte national marqué par la notion d’ivoirité, provoquant un tollé général dans le monde économique.

Les autorités d’Abidjan ont décidé par un arrêté ministériel d’"ivoiriser" tous les emplois, dans un contexte national marqué par la notion d’ivoirité, provoquant un tollé général dans le monde économique.
L’arrêté, signé le 19 février par les ministres de la Fonction publique Hubert Oulaye et de l’Economie et des Finances Paul Bohoun Bouabré, dont l’AFP a eu copie lundi, stipule que "toute demande de visa de contrat au profit d’un travailleur non ivoirien doit être accompagné d’un plan d’ivoirisation du poste, approuvé par le ministre en charge de l’emploi".

Entre autres dispositions, l’arrêté 1437, entré en vigueur au jour de sa signature, prévoit qu’il faudra désormais pour obtenir un visa de travail débourser un mois de salaire brut de l’employé concerné.

Concrètement, toute vacance de poste dans une entreprise doit désormais "faire l’objet d’une publication" pendant deux mois auprès des organismes de placement agrées par l’Etat.

Le même texte précise qu’une demande de visa de travail est "irrecevable si elle n’est pas accompagnée d’un plan d’ivoirisation" de deux ans maximum.

"Ce texte est en violation flagrante des obligations internationales de la Côte d’Ivoire, notamment au regard du traité de l’UEMOA" (Union Economique et monétaire ouest-africaine), estime un diplomate consulté par l’AFP.

L’article 91 du traité de l’UEMOA, ratifié le 29 janvier 2003, prévoit en effet "l’abolition entre les ressortissants des Etats membres de toute discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne la recherche et l’exercice d’un emploi" et consacre "la liberté de circulation et de résidence" pour tous les ressortissants d’un des huits pays membres de l’UEMOA, à savoir : Bénin, Togo, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal, Guinée-Bissau.

Cependant, les ressortissants d’Afrique de l’Ouest ne nécessitent ni visa de séjour ni permis de travail, mais doivent disposer d’un permis de séjour pour résider en Côte d’Ivoire.

"C’est totalement discriminatoire, nous sommes face à un problème majeur", commente un acteur économique important, tandis qu’un diplomate européen parle de "provocation".

"Ces dispositions, en plus d’être en contradiction avec certaines obligations internationales, représentent un coût phénoménal pour les entreprises", estime, prosaïque, un industriel qui évoque en passant le cas de la communauté libanaise très présente en Côte d’Ivoire comme dans toute l’Afrique de l’Ouest.

"Je rêve !", commente un homme d’affaire béninois de passage à Abidjan lundi. "C’est à tomber à la renverse, cela va à contrepied de tout ce que l’on pouvait imaginer au moment où l’on devrait au contraire tout faire pour attirer les étrangers ici après ce que l’on a vécu", juge un diplomate.

"Africaniser les emplois, pourquoi pas ? je suis pour, mais pas comme ça ! sans aucune préparation et pas maintenant, alors que dans ce pays le thème de l’ivoirité est encore brûlant dans tous les esprits", estime un industriel.

Le concept d’ivoirité, avec ses relents nationalistes voire xénophobes, empoisonne depuis une dizaine d’années la vie politique ivoirienne. Le plus bel exemple en est la sempiternelle polémique sur la nationalité d’Alassane Ouattara : le Premier ministre du président Houphouët Boigny fut privé d’élection présidentielle en octobre 2000 pour cause de "nationalité douteuse".

L’arrêté, qui tient en trois pages serrées, prévoit en outre de lourdes pénalités à l’encontre des employeurs (4 mois de salaire brut par année d’infraction) qui ne se seraient pas pliés aux règles d’"ivoirisation" et pour les travailleurs non ivoiriens qui exerceraient un emploi au mépris des nouvelles dispositions.

Le contrevenant sera frappé d’une interdiction de travailler en Côte d’Ivoire, un pays dont près du tiers de la population est d’origine étrangère.

Dans un flou artistique, l’arrêté, signé par deux ministres issu du parti du président Laurent Gbagbo, ne précise pas quel secteur il vise : privé, public ou les deux.

Il reste que l’affaire a fait grand bruit dans le monde politico-économique ivoirien et mis en branle nombre de chancelleries .

AFP

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