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Isabelle Vuillet et Moussa Sawadogo de l’Association Baobab : Pour des valeurs de partage

Publié le vendredi 30 juin 2006 à 08h11min

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Isabelle Vuillet et Moussa Sawadogo avec le président du Faso

Parmi la centaine d’acteurs de la coopération décentralisée, qui ont pris part aux travaux des 4è Assises éponymes de Belfort le 30 mai dernier, la Française Isabelle VUILLET de l’Association Baobab et le Burkinabè Moussa SAWADOGO de la l’Association nationale d’intégration des jeunes artisans.

Ils se sont faits remarquer par la pertinence de leurs questions et de leurs interventions. Nous leur avons tendu notre micro pour connaître davantage leurs structures, leurs activités et leurs perspectives.

Moussa SAWADOGO : Je suis Moussa SAWADOGO, jeune artisan du Burkina Faso. J’ai créé en 1998 une association dénommée Association nationale pour l’intégration des jeunes artisans, qui est basée à Ouagadougou (ANAIJA).
Nous travaillons en collaboration avec l’Association BAOBAB qui rayonne depuis plus de six ans au Burkina sur des valeurs de partage, d’amour et de service de la nation. Isabelle VUILLLET qui en est la promotrice a même adopté deux gamins au Burkina.

C’est une association qui fait beaucoup pour le Burkina. Sur le terrain, l’association a déjà réalisé trois forages grâce à l’Union des œuvres françaises et à l’appui de l’Armée burkinabè qui a fait le déplacement pour la réalisation de ces trois forages.

Cette association a aussi des réalisations dans le domaine de la santé et de la scolarisation. Dans le cadre de la scolarisation, elle a mis en place le parrainage scolaire pour permettre aux enfants d’aller à l’école.
Chaque année, elle apporte des médicaments. Le chef du village lui a attribué un terrain sur lequel elle a construit un « village africain » pour permettre à ses membres qui viennent à Ouagadougou d’être logés.

Qu’est-ce que vous faites présentement en France ?

MS : Disons d’abord que je me suis battu pour arriver en France. Il m’a fallu le soutien de certaines autorités françaises pour pouvoir venir. J’ai même dû bénéficier de l’intervention du président Jacques CHIRAC (j’ai les courriers qui attestent cela, si vous voulez les voir). Ces personnes sont intervenues au niveau de l’ambassade de France au Burkina pour que je puisse obtenir le visa.

Je suis en France dans le cadre de la quinzaine commerciale à laquelle j’ai été invité par « Artisans du monde/Lyon ». J’ai donc eu à échanger durant ces deux semaines avec les consommateurs et à faire la promotion de nos articles pour que nos artisans puissent vivre décemment du fruit de leur labeur. S’ils vivent dans de bonnes conditions, ils ne prendront pas le chemin de l’exil. Je suis aussi là dans le cadre de la recherche de partenaires capables de nous aider à commercialiser nos produits de façon équitable et créer les conditions pour que nous puissions rester chez nous.

Deux mots, sur votre identité ?

Isabelle VUILLET : Je suis Isabelle VUILLET, j’ai l’amour de votre pays depuis que je suis en terminale et cela fait donc vingt ans maintenant. J’ai tellement l’amour de votre pays que j’ai voulu avec mon mari adopter des enfants de votre pays. Dans ce sens j’ai eu deux enfants merveilleux. Pour remercier votre pays, j’ai voulu faire du développement durable pour soutenir tous les enfants qui sont encore là-bas. C’est pour moi donc une façon de faire quelque chose pour eux.

Parlez-nous du Groupe BAOBAB ?

I.G : J’ai eu la chance d’avoir un mari merveilleux, plus une bonne santé, des enfants merveilleux, la foi. J’ai donc décidé de rendre quelque chose aux autres pour qu’ils puissent s’enrichir comme moi-même je me suis enrichie des autres. Donc en 2000, on m’a proposé d’être présidente d’une conférence de la société de St Vincent de Paul pour soutenir les démunis en Franche-Comté plus exactement dans un village qui s’appelle d’Orchamps à 13km de Dole. J’ai eu envie d’étendre un peu plus loin cette action parce que la société de St Vincent de Paul œuvre par rapport aux valeurs d’amour, de partage et de service pour améliorer la dignité humaine tant au niveau des autochtones qu’au niveau de la solidarité internationale.

Je me suis dite que comme j’aime le Burkina Faso et je vais m’orienter vers ce pays pour essayer de faire quelque chose, si j’arrive à trouver des autochtones qui ont envie de faire du développement avec des Français.
Nous avons eu une chance merveilleuse de croiser Olivier SAWADOGO, Blaise ZABRE, Sabane OUEDRAOGO qui constituaient l’équipe d’instituteurs de l’école de Goudrin à 70 km au Nord-Est de Ouagadougou. Depuis 6 ans, petit à petit, avec les moyens que nous avons, nous essayons de mettre en place des projets de développement durable, qui soient tous en autonomie totale.

C’est-à-dire que chaque fois que nous mettons quelque chose en place avec nos amis autochtones, nous regardons si le projet peut vivre si nous partons. Par exemple, on a voulu mettre en place une coopérative scolaire, parce que nous avions appris que malheureusement les enfants n’avaient pas de repas et n’avaient pas d’argent pour en acheter. Or la condition sine qua non pour que les parents mettent leurs enfants à l’école, était qu’ils aient le repas de midi assuré. Le directeur et les instituteurs donnaient une partie de leur salaire pour entretenir un petit jardin potager pour que les enfants puissent avoir à manger.

Cela m’a touché au cœur et lorsque nous sommes partis en 2002 avec un groupe de deux jeunes, ils ont tous été touchés par cette attitude des enseignants pour que les enfants puissent avoir à manger. Nous avons donc décidé de mettre quelque chose en place pour améliorer la dignité humaine.

On n’avait pas grand-chose, nous n’avions que 100 Euros. Cet argent avait servi à acheter du matériel scolaire, du riz, du mil et de l’huile. Fait étrange, quelques jours après, ils sont revenus et ils nous ont rendu 20 Euros. J’ai vu l’honnêteté, l’intégrité de ces personnes. Je leur ai dit qu’ils ne pouvaient pas nous rendre la monnaie ; mais ils ont dit qu’ils n’avaient besoin que de 80 Euros pour l’achat de ce dont ils avaient besoin et qu’ils rendaient les 20 Euros pour qu’ils servent à quelqu’un d’autre. Nous avons tous été très émue et touchés et nous leur avons proposé d’utiliser cet argent pour acheter des manguiers qui allaient être plantés devant l’école pour que dans quelques années, les enfants puissent avoir des vitamines grâce à ces mangues.
Ils étaient surpris parce que personne n’avait fait cela auparavant.

Les gamins ont été fous d’enthousiasme pour ce projet. Tous les matins et tous les soirs ils arrivaient avec des seaux pour mettre de l’eau au pied des manguiers. Les arbres ont poussé et c’est véritablement extraordinaire. Le chef du village de Goudrin a vu que nous aimions les enfants et lorsque nous sommes venus l’année suivante, il nous a dit que vous avez fait quelque chose pour les enfants de notre pays et eh bien je vais partager avec vous la terre de ses ancêtres, combien d’hectares voulez-vous ? C’est la question qu’il nous a posée ! J’ai dit que c’était trop d’honneur et il a insisté.

Alors j’ai dit que nous avons besoin juste d’un petit morceau de terrain pour faire un petit jardin quand on reviendra les autres années si vous êtes toujours d’accord de nous accueillir. Il a dit non, parce qu’il voulait nous offrir des hectares. Il a tellement insisté que j’ai décidé que, comme nous étions 5 personnes venues de France, nous accepterions cinq hectares. Il dit que ce n’est pas assez et qu’il fallait donner un chiffre plus grand. Enfin de compte, il nous a attibué 12 hectares. Donc aujourd’hui, l’association BAOBAB est propriétaire avec tous les actes officiels de 12 hectares à Goudrin, très bien préservés avec des singes et autres...

J’ai dit au chef, M. SAWADOGO, qui n’est malheureusement plus de ce monde depuis mars dernier, que tout au long de ma vie je m’engage à faire du développement durable avec le village du Goudrin. Comme le problème du village c’était que les enfants restent dans ce village, je ferais tout avec vous pour développer des activités nouvelles afin qu’ils y restent.

Nous avons donc réussi à collecter des fonds en Europe pour pouvoir acheter des manguiers et planter 100 manguiers pour faire un verger du Burkina Faso, on a aussi implanté trois puits de forage et réparé deux autres puits grâce à l’Armée du Burkina et là je tiens à remercier le président du Faso qui est intervenu personnellement en notre faveur auprès de l’Armée. Nous avions pris conseil auprès d’une société privée qui nous indique qu’un puits de forage coûtait 65 000 FF (NDLR 6 500 000 FCFA).

Mais nous on n’avait pas d’argent pour faire cela. Les responsables de l’Armée ont eu la gentillesse, au niveau du génie militaire de faire un gros geste en diminuant le prix. Ainsi, ils nous ont fait le puits de forage à 35 000 FF (NDLR 3 500 000 FCFA).

Nous avons donc réalisé trois puits de forage. Vous voyez là les photos des villageois de Goudrin quand les premières gouttes sont sorties (NDLR : elle nous montre les photos). C’était la joie. Cela nous a convaincue que l’on pouvait faire du développement, que c’était possible de dire non à la fatalité et à la famine et de relever les manches pour construirs une terre meilleure pour les enfants du pays et les amener à rester sur place.

Quels sont vos projets immédiats ?

I.G : L’année dernière, on a mis en place une banque de céréales. Il y avait un problème : la famine et comme ce sont les populations autochtones qui définissent les projets et les actions, elles ont proposé cette banque. Nous ne sommes pas à l’initiative des projets.
Pour cette année, on va voir si la banque de céréales fonctionne bien. Nous voulons continuer les différents programmes de développement durable que nous avons mis en place depuis 2003.

Nous allons aussi continuer la formation de pépiniéristes et étendre le verger des manguiers. Nous allons mettre en place une formation agricole et l’achat de charrettes pour limiter le travail des hommes et des femmes... Nous sommes en train de former un responsable pour le parrainage scolaire afin de faciliter cela, nous avons trouvé cinquante parrains en France...

Nous devons construire une cuisine scolaire en dur parce que chaque fois elle tombe. Nous voulons aussi construire une chapelle à la demande des villageois ; achever le village africain que nous ont gentiment construit les Peuls et les Mossi ; former un agent de santé villageois, et quelque chose qui est extraordinaire cette année, c’est collecter des fonds pour mettre en place des micro-crédits des femmes.

Propos recueillis par Cheick AHMED

L’Opinion

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