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Sommet de l’Union africaine : Sur fond de conflits et de détournement d’argent

Publié le vendredi 30 juin 2006 à 08h32min

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Dans un rituel immuable, depuis la nuit des temps, malgré son passage d’Organisation de l’unité africaine à celle d’Union africaine, l’UA, rassemblera une fois de plus, pour une réunion au sommet, les têtes couronnées du continent. En dehors de quelques-uns, notamment Thomas Yayi Boni, l’ex-banquier qui a pris les rênes du Bénin, ils vont se retrouver entre pairs, certains diront en syndicat, à Banjul, la capitale gambienne.

Nos dirigeants s’offriront un week-end studieux, mais week-end tout de même, avec comme plat de résistance, la "rationalisation des communautés économiques régionales et intégration régionale". Ils éplucheront aussi les rapports débroussaillés deux jours plus tôt par le conseil exécutif, c’est-à-dire la conférence des ministres.

On évoquera également les questions montées en épingle par le conseil de paix et de sécurité, le groupe des sept chefs d’Etat sur les Etats-Unis d’Afrique. La réforme des Nations Unies, le règlement des conflits, le VIH/SIDA, le paludisme, le cas Hissène Habré, l’émigration, etc., seront aussi des points importants de ce sommet. C’est à se demander si le séjour gambien de deux jours sera assez long pour discuter de tout ceci, en plus du dossier corsé de la sortie de crise en Côte d’Ivoire.

En dehors de ces aspects cruciaux pour le développement de l’Afrique, les chefs d’Etat auront-ils la volonté et le courage d’aborder les questions qui fâchent ? Sauront-ils se regarder avec courage et sincérité dans le miroir pour soulever les vrais problèmes qui constituent de véritables boulets aux pieds de l’Afrique ? Plus précisément, nos chefs d’Etat se pencheront-ils sur ce cas de détournement non inédit sans doute, mais important des 7 millions de dollars engagés pour l’organisation de la rencontre des intellectuels africains à Dakar au Sénégal ?

Ces 7 millions de dollars, prélevés sur les ressources déjà maigres de l’UA, se sont volatilisés dans la nature sous forme de surfacturations de la part des organisateurs de cette rencontre. Dans cette affaire, une petite agence de voyages sud-africaine a servi de société écran pour des détournements colossaux. La salle de conférences où se tenait la réunion aurait été louée à 250 millions de F CFA alors que le coût réel est de 1 million de F CFA.

Bien que des têtes soient, semble-t-il, déjà tombées au siège de l’institution à Addis Abeba, la gravité de cette indélicatesse reste entière. C’est d’autant plus grave que cela arrive à un moment où l’UA, à l’instar de ses pays membres, est toujours à la recherche de fonds pour vivre, voire survivre.

Comble de paradoxe, incapables d’honorer leurs cotisations, les pays membres se permettent le vilain luxe de détourner l’argent de bailleurs étrangers. C’est encore l’Afrique, peut-on dire, non sans un brin de fatalisme. Fait hautement plus déplorable, des chefs d’Etat africains semblent oeuvrer à étouffer l’affaire dans l’oeuf. Une fois de plus, n’eût été la ténacité et l’intégrité d’un Alpha Omar Konaré, ce détournement de 7 millions de dollars, serait passé sous silence comme d’autres sombres ponctions opérées dans les caisses peu garnies de l’UA.

En fait, tout ceci n’est que la résultante de l’opacité dans la gestion et la malgouvernance dans lesquelles sont passés maîtres nombre de dirigeants africains. Ces pratiques malsaines, érigées en règle au sein des Etats, ne font que se répercuter au niveau de l’Union africaine. Si rien n’est fait, la malgouvernance sabordera sans doute l’Union, car, les bailleurs acquis et les partenaires potentiels ne vont pas se permettre de jeter pendant longtemps leur argent par la fenêtre. Les bailleurs vont-ils couper le robinet ? Peut-être pas, si les coupables des détournements sont trouvés et châtiés à la hauteur de leur forfaiture.

Comment l’Afrique peut-elle avancer avec une UA qui compte en son sein d’individus aussi peu recommandables ?

A un an de la fin de son mandat, Alpha Omar Konaré, le président de la Commission de l’Union africaine, l’incompris de certains chefs d’Etat, qui semble se battre contre des moulins à vent, trouvera-t-il les ressources adéquates pour atteindre l’autre rive ? Aura-t-il le courage et la conviction nécessaires pour briguer un autre bail ? Attendons de voir, car l’homme commence à présenter des signes de découragement et de lassitude.

En attendant, la grand-messe de Banjul débutera demain et il faut espérer que ce ne soit un sommet de plus pour l’Afrique qui a plus que jamais besoin que les grandes résolutions prises à l’occasion des grands sommets passent enfin l’étape de leur consignation dans des rapports volumineux, vite rangés aussitôt à la fin des réunions.

Le Pays

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