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M. Soungalo Ouattara, ministre délégué chargé des collectivités locales : « Notre décentralisation suit un processus pragmatique »

Publié le jeudi 29 juin 2006 à 08h15min

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Soungalo Ouattara

Le Burkina Faso poursuit à grandes enjambées son processus de décentralisation. Une étape a vu l’érection de 13 régions, une autre vient de consacrer la communalisation intégrale (en attendant la reprise des élections dans 57 communes).

« Cette dernière étape est nécessaire à tout développement durable », a estimé le ministre délégué chargé des collectivités locales, Soungalo Ouattara. Il dresse un bilan du processus de décentralisation, lève le voile sur l’appui de l’Etat aux communes et évoque les retombées de la récente visite du président du Faso en France pour la coopération décentralisée.

Sidwaya (S.) : Quel bilan dressez-vous de la mise en place des organes délibérants des communes et des régions ?

Soungalo Ouattara (S.O.) : Le bilan de la mise en place des organes est très satisfaisant. Pour la première fois dans l’histoire de la démocratie locale dans notre pays, nous avons des conseillers municipaux issus des élections multipartites. Ceux-ci participent aux destinées de deux communes à statut particulier avec 8 arrondissements communaux, de 47 communes urbaines et de 302 communes rurales.

La mise en place des conseils régionaux est aussi en cours. Chaque conseil municipal a déjà élu ses deux conseillers qui vont siéger au conseil régional. Les présidents et les vice-présidents des commissions des conseils régionaux seront bientôt élus. Il faut relever et saluer la représentation croissante et significative des femmes au niveau des instances dirigeantes, tant pour les maires, les adjoints aux maires que pour les présidents des commissions spécialisées. Même si les élections sont à reprendre dans certaines localités (57 communes), il faut reconnaître que c’est un triomphe de la transparence du jeu démocratique et une expression forte de la séparation des pouvoirs au Burkina Faso.

S. : Comment l’Etat entend-il accompagner les communes rurales ?

S.O. : Au niveau du démarrage des collectivités, le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD) va s’atteler d’abord à la formation des élus. Nous avons élaboré une politique de formation des élus pour leur permettre de mieux appréhender leur rôle et les tâches qui les attendent.

Cette formation prend aussi en compte les acteurs des administrations municipales. En un mot nous avons comme première démarche le renforcement des capacités locales. Dans l’accompagnement, il y a également la mise en place des premières infrastructures de la décentralisation : des mairies, notamment dans les 302 communes rurales et des sièges des conseils régionaux dans les 13 régions. En plus, nous devons doter les collectivités d’outils de gestion et de planification du développement. Cela peut amener les communes à prendre en charge leur propre développement, en réalisant des infrastructures de proximité dans le domaine social mais aussi des infrastructures économiques à même de soutenir le développement local.

S. : A quand la construction de mairies pour les nouvelles communes et de sièges pour les conseils régionaux ?

S.O. : D’ici la fin 2006, il sera réalisé une première tranche de 60 mairies dans les communes rurales. Et cela pour tenir compte de la saison des pluies qui s’installe. Mais nous avons une programmation annuelle pour la réalisation progressive des mairies et des sièges des conseils régionaux. L’effort de l’Etat sera matérialisé dans les différents budgets. Nous avons également l’appui de plusieurs partenaires techniques et financiers qui vont intervenir dans la réalisation, l’équipement et la mise en place des premières municipalités.

S. : Il est question de formations sur l’élaboration du budget des collectivités territoriales ; en quoi cela va-t-il consister ?

S.O. : Le budget est un élément constitutif important des attributions et de la compétence d’une collectivité. Il revient au ministère de tutelle d’aider les différentes communes et les régions nouvellement créées à disposer d’un tel instrument. Nous avons aujourd’hui 256 communes rurales qui ne disposent pas encore de budget. A travers ces conférences régionales que nous organiserons en série du 29 juin au 29 juillet 2006, l’objectif est de pouvoir doter chaque collectivité d’un budget. Dans le processus de décentralisation, il y a des changements notables dans le régime comptable de la nomenclature budgétaire des collectivités. Nous allons également porter ces innovations à l’attention de tous les acteurs de la chaîne d’exécution du budget.

Dans chaque chef-lieu de région, les hauts-commissaires de provinces, les préfets de départements, les maires élus, les présidents de régions élus, les présidents des commissions des affaires économiques et financières et les acteurs du ministère des Finances sur le terrain seront réunis autour du gouverneur. Il s’agira avec tous ces responsables au niveau local d’élaborer les budgets initiaux des collectivités nouvellement créées. Sans ces instruments, on ne saurait parler de décentralisation.

S. : D’où proviendront les fonds nécessaires au fonctionnement des collectivités nouvellement installées ?

S.O. : La loi définit les charges et les ressources de la région et de la commune. Ces collectivités disposent de ressources fiscales propres. Par exemple les taxes sur le foncier bâti, les patentes. Elles ont également la possibilité d’asseoir des taxes sur les infrastructures réalisées par les collectivités elles-mêmes. C’est là qu’entrent en jeu les taxes de stationnement (parce que la commune a réalisé un espace où l’usager peut stationner en payant une contrepartie), les droits d’état civil. Ce sont autant de ressources propres dont disposent les collectivités. Mais également ces collectivités vont bénéficier du concours financier de l’Etat. Cet appui vient en contrepartie de certains taxes ou impôts qui avaient été supprimés dans le temps.

Par exemple nous avons une subvention, à savoir la taxe sur les produits pétroliers qui correspond à un remboursement aux communes du manque à gagner sur les plaques et les vignettes qui ont été supprimées. A ce titre, l’Etat verse annuellement plus de 2,350 milliards de FCFA aux collectivités. Nous avons également une subvention à hauteur de 750 millions que l’Etat donne chaque année aux collectivités en contrepartie de l’impôt forfaitaire sur les revenus.

Et dans le cadre du transfert de compétences, la loi prévoit que toute compétence transférée soit accompagnée de ressources financières et humaines qui servaient à l’exercice de cette compétence. Par ailleurs, les communes et les régions vont bénéficier d’un fonds de financement des collectivités locales.

Une réflexion est actuellement en cours en vue de la mise en place de ce fonds qui permettra de soutenir les communes : une sorte de banque des communes.

S. Croyez-vous que toutes les communes rurales seront à mesure de générer des ressources nécessaires à leur épanouissement ?

S.O. : Par définition, la décentralisation doit permettre à des communautés de s’organiser, d’organiser leur destin, de gérer ensemble des affaires locales propres. Nous devons nous placer dans une perspective optimiste avec cette décentralisation. Il s’agira d’une prise de conscience des citoyens vivant au sein d’une même collectivité, de leur capacité à œuvrer à la promotion du développement.

J’ai foi aux citoyens pour relever ce défi, c’est-à-dire prendre la mesure de leurs moyens pour promouvoir le développement. Il faut souvent partir de l’existant pour projeter l’avenir. Les collectivités regorgent de potentialités inimaginables. C’est seulement dans la pratique que ces opportunités de création de richesses peuvent naître. Les maires seront animés d’une forte volonté de créativité pour donner un élan aux collectivités dont ils ont la charge.

S. : Que répondez-vous à ceux qui pensent que le Burkina Faso est allé trop vite en besogne dans le processus de communalisation intégrale ?

S.O. : Je ne crois pas que le Burkina Faso soit allé trop vite en besogne. Parce que notre processus de décentralisation a une histoire. Et nous avons aussi tiré leçon de tout ce qui se passe à travers le monde. Le processus de décentralisation au Burkina Faso est en cours depuis plus d’une dizaine d’années. Nous avons eu d’abord depuis l’adoption de la constitution, des communes de plein exercice et des communes de moyen exercice. Les communes de plein exercice ont connu les premières élections municipales en 1995. Ils s’agissait de 33 communes. Celles-ci ont été dirigées par des organes élus, notamment des maires pendant 5 ans. Nous en avons tiré toutes les conséquences. Et c’est le nombre de celles-ci qui est passé à 49.

Ces communes ont démarré, ont eu des sièges, ont fait de bonnes réalisations. Et aujourd’hui, je ne pense pas qu’on puisse supprimer une de ces communes sans le mécontentement des populations. A côté des communes de plein exercice, nous avions des communes de moyen exercice, une cinquantaine, dirigées par des délégations spéciales (les préfets-maires).

En 1998, nous avons progressé avec les Textes d’orientation de la décentralisation (TOD). Il y a eu en 2000 également des élections dans 49 communes avec encore des communes rurales. Aujourd’hui l’extension de la communalisation était une nécessité. Il s’agit de mettre chaque citoyen dans un espace communal, de lui permettre de participer à la gestion des affaires locales.

Notre décentralisation suit un processus pragmatique qui capitalise toujours les expériences du passé.

S. : Vous étiez du voyage du chef de l’Etat dans la « France profonde » (fin mai - début juin 2006). Quelles seront les retombées de cette mission dans le cadre de la coopération décentralisée ?

S.O. : Les rencontres sur la coopération décentralisée qui viennent de se dérouler en France ont connu un franc succès. Elles ont été capitales pour cette phase de la décentralisation dans notre pays. L’implication personnelle du président du Faso a mobilisé et renforcé l’engagement des partenaires français dans l’appui et l’accompagnement des collectivités territoriales burkinabè. Les rencontres franco-burkinabè sur la coopération décentralisée sont à leur 5e édition. Puisqu’il y a eu d’abord Saint-Fons en 1994, puis successivement Chambéry, Poitiers, Ouagadougou, Belfort/Besançon.

Les récentes rencontres de 2006 notamment à Belfort et Besançon et même Millau se sont tenues dans un contexte particulier, celui du démarrage des communes rurales et des régions. Des collectivités locales françaises se sont engagées dans des actions concrètes de soutien à notre décentralisation, c’est-à-dire dans la construction et l’équipement des sièges de certaines collectivités. Face à toute cette dynamique, j’appelle les élus locaux à de la responsabilité, de la prise en charge de leur propre développement, en comptant d’abord sur leurs propres moyens et en mettant en avant l’intérêt supérieur de la collectivité. Ils doivent aussi travailler à la stabilité institutionnelle, gage de tout développement durable.

S. : Les élections sont reprises dans 57 circonscriptions. Un mot à l’endroit des populations concernées ?

S. O. : Je lance un appel à l’apaisement des cœurs, afin que triomphe le jeu démocratique.

Interview réalisée par Koumia Alassane KARAMA (karamalass@yahoo.fr)

Sidwaya

P.-S.

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Municipales 2006

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