LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Burkina : Il faut changer la politique de l’alphabétisation

Publié le mardi 27 juin 2006 à 08h57min

PARTAGER :                          

Nous sommes l’un des pays les moins alphabétisés en Afrique. Pour devenir un pays émergent, il faut que 70% de la population soit alphabétisée. Cela veut dire qu’il faut que 70% des gens puissent lire et écrire dans une langue quelconque.

Un pays émergent est un pays qui n’est plus parmi les cinquante- deux pays les plus pauvres, mais qui n’est pas encore parmi les pays riches. L’Afrique du Sud est un pays émergent. Nous devons y arriver un jour, et le plus vite possible.

En 2003, le Burkina Faso avait à peine un taux de 22% de sa population qui savait lire et écrire. Au rythme actuel, ce sera 40% en 2030. A ce rythme, ce sera 70% en 2060. Pour sortir de la pauvreté, il faut donc que moins de 25% de la population soit pauvre, sans vivre dans la misère, comme maintenant. Actuellement, plus de 45% des Burkinabè vit dans la misère. Il faut accélérer l’alphabétisation. Il faut en changer la politique.

Il y a d’abord le problème financier.

Même si, dans tous les secteurs, les salariés demandent des indemnités et des augmentations de salaire, une augmentation substantielle n’est pas possible avec les recettes actuelles de l’Etat. C’est vrai, il y a une petite minorité qui est grassement payée, mais augmenter substantiellement les salaires pour l’Enseignement n’est pas pour le moment dans les moyens de notre pays. Selon moi, il faut comprimer le plus possible le coût de cet enseignement pour que, dans un temps raisonnable, notre pays puisse atteindre un degré d’alphabétisation qui rende possible un développement rapide.

Il y aura trois degrés d’alphabétisation de base. Il faut voir l’efficacité et le coût de chaque degré.

Si possible, pour les 2e et 3e degrés, il faut viser un apprentissage pour la vie quotidienne.

Premier degré : l’alphabétisation en langue vernaculaire pour les adultes.

Deuxième degré : premier cycle de l’école primaire, une année d’alphabétisation en langue vernaculaire et deux années en langue française.

Troisième degré : quatre ans d’enseignement actuel pour arriver au Certificat d’études primaires (CEP).

Les 3 degrés à respecter

Premier degré : Les alphabétiseurs ne sont pas payés pour leurs cours, ni pour la durée de leur enseignement, mais pour le résultat : tant par élève alphabétisé qui a réussi. On ne paie pas les élèves qui sont en alphabétisation, mais pour des personnes en alphabétisation et pour les personnes alphabétisées, il y aura certains avantages. Par exemple, pour leurs enfants à l’école, pour les soins de santé : il reste à chercher !

Il faut rationaliser les ressources humaines qui tournent autour de cette alphabétisation.

Ces élèves n’ont pas besoin d’un bâtiment spécial.

Deuxième degré : durant six mois, par an : du 15 novembre au 15 mai, élèves et enseignants peuvent s’occuper de l’agriculture et de l’élevage durant la saison des pluies. Matières : lire, écrire, calculer, une heure d’histoire par semaine, une heure de géographie par semaine. Durant les vacances, prévoir vingt jours, étalés sur les six mois, pour apprendre à fabriquer du fumier et à enterrer le fumier avec la daba ; apprendre à semer à la bonne distance, à démarier les pieds. Quelques notions élémentaires d’élevage. Viser la réalité : pas trop de mécanisation, seulement la mécanisation élémentaire et, selon les régions, traction asine ou bovine. Pas d’écoles en dur, pas de logements spéciaux. Si possible, les instituteurs sont originaires des villages. Ils sont payés selon les résultats : tant par élève qui a la moyenne. L’Etat paie un minimum de matériel scolaire à chaque élève.

Troisième degré : la méthode actuelle avec insertion d’apprentissage aux travaux champêtres et à l’élevage comme pour le deuxième degré.

Apprendre à fabriquer le fumier et à l’enterrer dans les champs doit être prioritaire pour assurer leur fertilité : champs de mil, de coton et de riz. Quelques notions de jardinage.

L’Etat doit prévoir davantage de matériel scolaire pour les élèves. Les enseignants signent un cahier des charges pour éviter des revendications répétées. Ils sont payés sur les résultats de leurs élèves.

Je vous invite tous à discuter les réformes nécessaires de l’enseignement de base, et à améliorer beaucoup ces propositions, mais en gardant en mémoire deux objectifs : l’efficacité et le coût abordable pour notre pays pauvre.

Le but n’est pas de permettre qu’une petite poignée de riches et de fraudeurs profitent le plus possible du gâteau, mais de chercher à voir « ce que moi, instituteur, je peux faire pour mes enfants et mes petits-enfants. »

Si l’on ne change pas l’enseignement, vous serez frustrés toute votre vie par des salaires dérisoires. Si vous participez au changement et au progrès, vous n’aurez pas un salaire supérieur dans l’immédiat, mais vous aurez au moins une consolation, celle de faire un travail utile pour vos enfants et vos petits- enfants.

La réforme de l’enseignement de base est nécessaire pour le décollage économique de notre pays. Beaucoup de Burkinabè ne savent pas encore qu’on peut faire des actions pour le bien commun sans en profiter soi-même immédiatement.

"Il vaut d’abord mieux améliorer la terre, et ensuite penser au ciel" (Pape).

Pour améliorer le Burkina acceptons de petits sacrifices salariaux et consommons les produits burkinabè.

Bonne nouvelle : Même Paul Biya commence à lutter contre la corruption. Il a limogé trois anciens directeurs de sociétés d’Etat.

F.Balemans B.P. 332

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 28 juin 2006 à 05:11, par Burkinabèphile En réponse à : > Burkina : Il faut changer la politique de l’alphabétisation

    Sur le fond on ne peut qu’être d’accord

    Mais encore faudrait-il s’interroger sur le choix de l’aide (par l’) adulte à l’auto-apprentissage de la vraie lecture (qui est silencieuse et sans bouger la glotte) par l’enfant ; un choix qui doit évidemment tenir compte de la surcharge (et le mot semble très faible) des classes préparatoires et élémentaires au Faso qui complique les choses.

    Pour bien lire le plus vite possible dans le cursus scolaire et très probablement pour apprendre à lire dans les premières classes "étudiées pour", c’est à dire comprendre vite et bien des signes écrits et la pensée ou le message qu’ils expriment, il n’est pas nécessaire de faire le détour par la bouche (oralisation) et l’oreille (audition). Autrement les Egyptiens d’antan, les Chinois et les Japonais de maintenant ne sauraient pas lire.

    C’est le vieux débat entre la méthode syllabique et la vraie méthode globale (très peu appliquée de fait en France par exemple) qui est, en particulier, basée à la fois sur la "photographie" strictement correcte et conforme des mots et l’intérêt porté au message, au texte qu’on a envie de lire pourt une raison ou une autre. Beaucoup d’exemples ridiculisant cette méthode globale étant aisément démontables, sinon a priori malhonnêtes.

    Certes mieux vaut quelqu’un qui a appris à anonner et arrive donc plus ou moins à retenir et conceptualiser et utiliser ce qu’il a "lu" qu’un analphabète. Mais, hélas, les mauvaises habitudes liées à "l’annonage" ne sont généralement très heureusement perdues que par les meilleurs ; les autres lisant peu et mal, et se fatiguant vite, même quand ils exercent des fonctions importantes ... en France par exemple.

    Un instituteur retraité français.

    • Le 18 juillet 2006 à 21:59, par natremy En réponse à : > Burkina : Il faut changer la politique de l’alphabétisation

      il est bien de parler d’alphabetisation en afrique car pour moi c’est un discours tres
      interressant.
      croyez-vous reelement que l’afrique ne peut pas etre alphabetisé ?
      nos dirigents preferent des illetrés qu’ils peuvent manipuler que des gens
      qui savent lire et ecrire sachant où se trouve la vrais version des choses.
      une personne qui peut lire peut faire des recherches pour s’instruire de plus.
      tout ça parceque les africains ont refusé leur culture pour embrasser la culture
      du colon.
      pour ne pas etre trop long,nos presidents sont plus riche que leur etat.
      pourquoi ne construisent’il pas d’ecoles ?
      selon vous ils preferent un peuple instruit ou un peuple de moutons ?.
      ils prenent le pouvoir,ils tuent les intellectuelles et apres,ils disent qu’ils n’y
      a pas quelqu’un de valide pour leur succession.
      UN PROBLEME AFRICAIN DIT"SI TU N’AS PAS ETE A L’ECOLE,VOYAGE"
      nous aurons des alphabetes quand nous allons reconnaitre et nous accepter nous meme,nous identifier
      dans notre culture.

  • Le 28 juin 2006 à 13:01, par Rachid SIDIBE En réponse à : > Burkina : Il faut changer la politique de l’alphabétisation

    Je félicite Mr. F.Balemans, pour cette réflexion sur l’alphabétisation qui constitut à mon avis la plus grande entrave au décollage économique de notre pays.

    Cette idée de réforme de l’éducation nationale est excellente. Le Burkina Faso étant un pays où le secteur primaire occupe 85 % de la population et contribue pour 40 % au PIB, une meilleure éducation de la génération future dans ce domaine sera la bienvenue.

    Mais je ne crois pas que rémunérer les enseignants selon le nombre d’alphabétiser ayant réussit soit la meilleure, car certain seront tenté de faciliter la réussite du maximum illégalement pour obtenir une rémunération élevé.

    ce genre de réflexion doit être encouragé à travers la création d’un conseil dans chaque province constituer d’instituteurs et parents d’élève qui se chargeront de transmettre une proposition d’ensemble aux autorités publiques.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?