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Sénégal-Wade : serait-ce le mandat de trop ?

Publié le lundi 26 juin 2006 à 07h59min

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Banalisé, le verbe présidentiel qui soulevait les foules. Oubliées, les promesses telles celles qui consistaient au cours de meeting à faire lever le doigt à ceux qui n’ont pas de travail pour leur dire qu’ils en auront rapidement.

Lointain déjà le 1er avril 2000, où dans un stade de Dakar plein, le pape du Sopi (changement en wolof), s’installait dans le fauteuil présidentiel qu’il a mis 25 ans à conquérir. Cinq ans après avoir réussi à cristalliser autour de sa personne les aspirations diffuses au changement de millions de Sénégalais, Abdoulaye Wade, qui briguera un deuxième mandat en février 2007, semble essoufflé. Alors se pose la récurrente question, non seulement au Sénégal, mais au sein de la communauté internationale : Wade peut-il et surtout doit-il encore rempiler ?

Le fait que l’alternance au sommet en 2000 ait été le résultat d’une coalition de plusieurs formations politiques laissait à Wade une marge de manœuvre, qu’il a mal exploitée, aidé il est vrai par les faucons du PDS, qui ont rapidement dilapidé ce capital politique.

Et ce n’était pas tout : l’affaire de l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel, Me Babacar Seye (mai 1993), que traîne Wade comme un boulet, et qui a été remis au goût du jour par le journaliste Abdou Latif Coulibaly ; le naufrage du Joola ; l’omniprésence de sa famille au sein du pouvoir ; ont fini par convaincre de nombreux Sénégalais que le transfert du pouvoir du PS au PDS n’est que de nom ; dans la réalité de la vie quotidienne, c’est kif-kif bourricot. Ce que reconnaît Ousmane Tanor Dieng, qui tient néanmoins a nuancer cette comparaison sévère : "Le libéralisme tropical, ce mélange d’informel et de laisser-aller qui caractérisait la méthode Wade, ne fait plus recette... le président a promis à tour de bras, a versé dans la démagogie et le populisme... Nous sommes bien décidés, si nous retournons aux affaires, à faire de la politique autrement, en disant aux citoyens ce qui est possible et ce qui ne l’est pas".

En fait, si l’unanimité est faite sur le retard pris par "l’effet Wade", le PDS, qui gère le pouvoir, peut néanmoins se prévaloir de certaines réalisations au nombre desquelles on peut citer : le développement des NTIC, le démarrage des grands travaux notamment ceux sur la corniche, le nouvel aéroport de Dakar, l’annulation de la dette (de l’ordre de 2,7 milliards de dollars en 2004 avec l’achèvement de l’initiative PPTE), le doublement des recettes budgétaires, la baisse en 2006 de l’impôt sur les sociétés, qui passe de 30% à 25%, le recrutement de 10 000 jeunes pour pallier les départs à la retraite. Sur le plan macro-économique, les clignotants sont au vert avec 6% de croissance sur les deux dernières années. Mieux, le 31 décembre 2005, Abdoulaye Wade annonce sa stratégie de croissance accélérée (SCA), qui vise à atteindre un taux de croissance économique de 7%/an (de 2006 à 2015). Le SCA, qui a été repris par Macky Sall, le Premier ministre, en mars dernier dans son discours de politique générale, sera explicité par lui le 5 juillet prochain à Paris à l’Agence française de développement (AFD).

Vaste programme en fait qui met l’accent sur le boostage du secteur agricole (17% du PIB et 60% de la population active), la maîtrise de l’immobilier, qui continue de flamber les recettes de l’Etat, actuellement de 1300 milliards de FCFA. L’objectif premier étant d’atteindre, à terme, une croissance à deux chiffres. Même si c’est bien connu sous nos cieux, "la croissance ne se mange pas et ne génère pas suffisamment d’emplois". En outre, le sobriquet qui colle à l’actuel chef de l’Etat sénégalais est suffisamment éloquent pour ne pas être souligné : "Wade, le chef des projets". Ses adversaires politiques estiment que Wade a ouvert tellement de projets, a promis tellement de choses que s’il était arrivé à en réaliser même le tiers, le Sénégal ne serait pas à la traîne de nos jours (157e /177 sur l’indice du classement du développement humain).

A cela s’ajoute la guéguerre entre Wade et les intellectuels dakarois : "L’establishement a toujours tenu un discours très négatif sur le président, en mettant en exergue son incompétence, sa versatilité supposée et son absence de culture de l’Etat", econnait un fidèle du président sénégalais. Ce discours qui, les premières années, n’a pas porté, a fini par s’incruster dans la tête de bon nombre de Sénégalais, à force d’être assené constamment. Wade également le leur rend bien, qui, agacé, et souvent poussé dans ses retranchements, se braque et qualifie "ces élites de perdues".

Mais si le bilan de ce premier mandat du "Ngorgi" est mi-figue mi-raisin, et donc remet en question son maintien dans le fauteuil président, le plus grand obstacle demeure le front politique qui a formé de nos jours une sorte de "Tout sauf Wade", pour lui barrer le chemin de l’Avenue Roum, siège du palais. Le camp présidentiel en est conscient, l’opposition actuelle est composée de leaders qui avaient porté Wade au pouvoir en 2000 : il y a notamment Moustapha Niasse (17% de voix alors) avec son parti l’Alliance des forces du progrès (AFP) qui a fait alliance avec le PS d’Ousmane Tanor Dieng pour former le cadre permanent de concertation (CPC), sans oublier les Amath Dansokho et autre Abdoulaye Bathily. Mais "l’homme à abattre" par les affidés de Wade reste Idrissa Seck, l’ex-premier ministre limogé le 21 avril 2004. Accusé de détournements de fonds dans le scandale des chantiers de Thiès et d’atteinte à la sûreté de l’Etat, il est convoqué le 15 juillet 2005 et écroué le 24 à la prison de Rebeuss d’où il sortira 6 mois et 17 jours après.

Derrière ce feuilleton judiciaire, il y a, on s’en doute, un parfum politique, car celui qu’on présentait comme le dauphin de Wade est accusé, en réalité, de vouloir être calife à la place de calife. Après plus d’une vingtaine d’années de compagnage, "Idy" a-t-il vraiment voulu commettre un parricide politique ? Wade et son entourage en sont convaincus, mais cette question est de nos jours sans objet. Puisque "l’ex-gardien du temple" a annoncé, le 4 avril 2006, qu’il est candidat à la présidence de 2007. Une annonce que d’aucuns ont mise sur le coup de la colère, Wade ayant affirmé quelques jours plutôt sur TV5 Monde, lors de l’émission le Grand-rendez-vous, que "Je ne veux pas blasphémer, seul Dieu fait tout, mais Seck, c’est moi qui l’ai fabriqué depuis le BAC". Réplique de l’intéressé : "C’est une décision bien mûrie".

En tout cas c’est une candidature sérieuse, car le maire de Thiès risque de mordre sur une partie de l’électorat naturel de Wade, les sympathisants du PDS. D’aucuns susurrent même qu’il pourrait, in extremis, rallier à son nom toute l’opposition, ce qui n’est pas sûr, là-bas aussi chaque leader préférant être la tête d’un rat plutôt que la queue d’un lion. En plus de ce "Brutus", Wade doit compter avec les chicaneries perceptibles dans son premier cercle. A commencer par la fronde contre son P.M. et directeur de campagne, Macky Sall, notamment la défiance d’Aminata Tall, ministre d’Etat sans portefeuille (surnommée serre-moi fort, à cause des nombreux amants qu’elle collectionne), qui a pris au mot Wade lorsque ce dernier a déclaré "Je nommerai en 2006 une femme à la Primature".

Ainsi donc, à 8 mois de ces échéances couplées (présidentielle et législatives), Wade est sur le gril, mais conserve à 80 ans des chances de rempiler. Mais dans ce cas n’est-ce pas le mandat de trop ? Ou écourtera-t-il ce mandat en cas de victoire pour laisser la place à un fidèle ? Dans cette précampagne qui ressemble à un bal de Sioux, tous les scenari sont probables.

Observateur Paalga

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