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Le CDP et la gestion de ses cadres : Sadisme, ingratitude ou indifférence ?

Publié le mercredi 21 juin 2006 à 08h19min

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P.E. Yonli, S. Diallo, RMC Kaboré et Marc Yao

Pour certains, le système CDP est sadique, parce qu’il est une organisation ‘’homovore’’ ou ‘’homophage’’, qui se fait plaisir en voyant certains de ses militants et les militants des autres partis souffrir.

Quant à d’autres, ils estiment qu’il est ingrat, étant donné qu’il est maître dans l’art d’utiliser ses cadres (ou à tout le moins certains d’entre eux) pour ensuite s’en débarrasser à l’instar de papiers-mouchoirs après usage. Enfin, d’autres encore n’y vont pas du dos de la cuillère pour affirmer que le parti politique au pouvoir brille par son indifférence, voire son cynisme lorsqu’un de ses cadres est empêtré dans une situation.

Les représentants de ces trois catégories de personnes se rencontrent à l’intérieur comme à l’extérieur du CDP. Ce qui donne du poids, mais pas forcément de la crédibilité à ces réflexions.

De tels points de vue sont-ils à confirmer ou à infirmer ? Difficile d’y répondre a priori, mais la difficulté n’excluant pas le fait d’essayer, nous opinerons donc sur le sujet. Cependant, il faut rappeler ou préciser que s’il est question aujourd’hui du CDP, le cadre dépasse en réalité les frontières de ce parti, dans la mesure où c’est un système qui est en place depuis un certain 4-Août.

Autrement dit, les hommes et les femmes qui gèrent ce pays sont pour l’essentiel des géniteurs de la Révolution d’Août et ont dirigé le Faso depuis cette époque. Or, le CDP est né en 1996 seulement de la fusion d’un certain nombre de partis et de fractions de partis. Ce qui se passe ou se fait maintenant est donc la résultante plus ou moins enrichie de toute cette histoire. Si nous parlons du CDP aujourd’hui, c’est simplement parce qu’il est le détenteur légal du pouvoir d’Etat, sinon la compréhension et l’explication du phénomène qui nous intéressent dépassent le cadre strict de ce parti politique.

Cela étant, à bien des égards, le système CDP peut paraître sadique, ingrat et, dans le meilleur des cas, indifférent. Toutefois, au lieu de parler du système CDP, il est plus pertinent de parler d’individus dont la position est telle qu’ils peuvent embarquer tout le parti dans leur vision du monde. Pour autant, cela est-il synonyme de fin du monde ? En réalité, cela est logique et normal, même s’il reste à prouver que cela est juste et bien.

C’est logique parce qu’il est impossible d’arriver à ce que, dans un groupe d’hommes et de femmes, il n’y ait pas des sadiques, des ingrats ou des indifférents face à ce qui se passe autour d’eux. Il n’est pas non plus possible que ceux qui sont altruistes, reconnaissants ou compatissants n’éprouvent pas, ne serait-ce qu’inconsciemment et de temps en temps, ces sentiments (réprouvés par le système de valeurs) qui nous ramènent pourtant à notre pauvre statut d’humains. Qui d’entre nous n’a-t-il jamais pensé qu’il a été sadique face à telle personne ou ingrat vis-à-vis de telle autre, parfois sans que, sur le champ, cela remonte au grand jour dans notre conscience ?

C’est également normal au sens de la sociologie des organisations, car tout type d’association humaine secrète ses propres normes comportementales vis-à-vis de ses membres à l’insu de la conscience et de la volonté de ceux-ci, individuellement considérés. Dans certaines circonstances, l’organisation en prend conscience et se rachète et, dans d’autres, est aux abonnés absents.

A sadique, sadique et demi ; à ingrat, ingrat et demi

Il est de la nature de l’humain de ne voir que ce que le système lui cause comme tort supposé ou réel, arbitraire ou motivé. Ce qu’il en cause au système ou aux individus et ce dont il a joui de ceux-ci sont généralement passés sous silence, tandis que ce qu’il subit ou dit en subir est mis en exergue. Or, il devrait être de la culture du genre humain de reconnaître le ‘’bien’’ dont il a fait l’objet.

Ainsi, on rencontre des individus dont le curriculum vitae a un volume d’encyclopédie grâce au système en place et au parti au pouvoir, mais qui vilipendent ceux-ci parce qu’ils sont tombés momentanément (généralement) ou définitivement (rarement) en disgrâce. Ils s’en trouvent même qui claquent la porte au parti comme le précédent maire de Bobo-Dioulasso, Célestin Koussoubé.

Bien qu’il soit devenu membre d’un parti politique (en l’occurrence l’ADF/RDA) qui soutient le programme de Blaise Compaoré, il ne fait pas de doute qu’il a divorcé d’avec le système. Certes, c’est son droit et nul ne saurait lui faire un procès pour cela, mais, étant donné qu’il est un homme politique et que la politique relève de la sphère publique des affaires, il ne saurait non plus empêcher les citoyens d’émettre des avis (peut-être erronés soit) sur sa décision de quitter le CDP. Autre précision, nous ne lui prêtons pas les termes "sadisme et ingratitude".

Nous les notons pour avoir entendu certains de ses proches les utiliser. C’est ainsi que pour nous, il a commis une bourde en démissionnant du CDP, du fait que dans la confection des listes de candidatures aux municipales, il a été écarté. Si on peut comprendre ses ressentiments parce que c’est un militant de longue date du parti, qui s’est battu pendant cinq longues années durant pour le système dans le Houet, on comprend moins que quelqu’un qui a tant bénéficié du pouvoir lui tourne si rapidement le dos.

En effet, il y a cinq ans, le parti l’a soutenu contre vents et marées à Bobo-Dioulasso lors des émeutes sanglantes qui se sont déroulées dans la ville de Sya ; et ce, au détriment d’Alfred Sanou, alors locataire de l’hôtel de ville. Si nous devons dénoncer le sadisme et l’ingratitude de certains gros bonnets du système, nous devons, si nous avons le souci d’être le moins injuste possible, apprécier à leur juste valeur les promotions et parfois même les sinécures dont nous avons bénéficié alors que nous n’étions pas forcément le mieux qualifié aux plans intellectuel, professionnel et moral. Nous n’insinuons pas que C. Koussoubé n’avait pas ces qualités ; nous sous-entendons seulement que si les promotions dont nous bénéficions avaient fait l’objet de concours, il y aurait peut-être eu plus qualifiés que nous ; qui sait ?

En fait, ni ingrat, ni sadique

Dans la réalité, le système et le parti qui l’incarne sont à notre image : étant constitués d’hommes et de femmes, ils apparaissent tantôt comme sadiques et/ou ingrats, tantôt comme altruistes et/ou reconnaissants à l’endroit de certains des leurs. Il suffit d’en être conscient, de prendre son mal à patience et d’éviter de persister dans l’erreur ou le prétexte qui a causé notre descente aux enfers. Cela peut prendre un, deux, trois, quatre ans, voire plus, mais apparemment, le ‘’pardon’’ est toujours accordé aux ‘’coupables’’ et l’occasion toujours donnée aux ‘’victimes innocentes’’ de ‘’pardonner’’ au parti. Les exemples foisonnent dans ce sens, mais retenons-en trois :

Revenons d’abord à Alfred Sanou. Que n’a-t-il pas subi comme humiliation bien que ‘’dougoutigui’’ lors de sa succession par C. Koussoubé ? Arrestation, garde-à-vue, rasage de crâne...Ce qu’on aurait hésité à faire subir même à un opposant. Il n’a pas quitté le parti et nul ne l’a accusé, après ses ennuis avec la police, d’avoir travaillé contre le CDP pendant son long chemin de croix. Il a ainsi bu le calice jusqu’à la lie dans les structures du parti, sans broncher s’il vous plaît. Ainsi, aux législatives de 2002, il a été retenu sur la liste des candidats CDP et siège aujourd’hui à l’Assemblée nationale.

Laurent Sédogo, tombé en disgrâce en 1989, est aujourd’hui ministre de l’Environnement et du Cadre de vie depuis le dernier remaniement ministériel de l’équipe Yonli. Trois quinquennats dans l’anonymat pour quelqu’un qui a été un des idéologues de la Révolution démocratique et populaire (RDP), ça provoque des démangeaisons, mais il est resté coi. Mieux, même ministre, il se fait discret, cause peu, apparaît peu (comparé à certains de ses collègues) dans la presse, mais n’en est pas moins efficace à en croire certains de ses proches.

Bertin Ouiya, aujourd’hui maire CDP de Siglé dans le Boulkiemdé, a eu des démêlées judiciaires dans les années 1990 à cause de problèmes de parcelles alors qu’il était le maire de l’arrondissement de Sigh-Nooghin, si nos souvenirs sont exacts. Lui aussi a adopté un profil bas pendant de longues années comme pour dire qu’il a compris la leçon. Résultat, il dirige une commune rurale.

Il est indiscutable que Siglé ne constitue pas un gros enjeu pour le CDP, mais le fait de l’avoir porté à la tête de la mairie témoigne de la confiance retrouvée qui augure de bien meilleures choses. C’est, à notre sens, l’une des raisons pour lesquelles les débâcles électorales du CDP ont été maintes fois annoncées, mais maintes fois démenties par les faits.

Cela dit, quand bien même le parti déciderait de ne jamais nous ‘’pardonner’’ ou nous ‘’réhabiliter’’ , les compétences sur la base desquelles nous avions été promu, l’expérience que nous avions acquise dans l’exercice des responsabilités qui avaient été confiées et le réseau relationnel que nous avons pu tisser devraient nous permettre de nous tirer d’affaire tout en lui témoignant un certain degré de reconnaissance et de gratitude. Nous sommes persuadé qu’en plus des circuits de l’Etat et du parti au pouvoir, il y a de la place encore pour tous au Faso. Il faut seulement persévérer à la manière des enfants du laboureur de La Fontaine.

Zoodnoma Kafando

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 22 juin 2006 à 07:41, par Bakus En réponse à : > Le CDP et la gestion de ses cadres : Sadisme, ingratitude ou indifférence ?

    Analyse intéressante mais trop facile avec des raisonnements discutables :

    1- Autant certains doivent leurs CV remplis grâce au CDP, autant ce parti doit son assise au travail de ces hommes qui ont parfois braver humiliation, etc.

    2- En outre, l’analyse ne met pas l’accent sur le fait que c’est la compétence qui doit prévaloir dans l’attribution des postes au détriment des appartenances politiques. Une fois qu’on est élu ou appelé au gouvernement, on doit travailler pour le peuple et avec le peuple sens discriminations selon les appartenances politiques, ethniques, régionalistes, etc. C’est ce qui est conforme à l’esprit de la Constitution burkinabè.

    3 - Faire la politique pour avoir des postes, pour avoir de l’argent, en un mot "la politique du ventre", est une mauvaise interprétation de la démocratie qui devrait avant tout servir à la bonne gestion du pays pour son développement. Zondoma ne dénonce malheureusement pas cet esrpit qui est mauvais dans le jeu politique.

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