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Hautes fonctions de l’Etat : "Le temps des femmes est revenu"

Publié le mercredi 21 juin 2006 à 08h10min

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"Il est possible de multiplier le nombre de femmes chefs d’Etats même si le chemin pour y arriver est parsemé d’embûches". Dans cet écrit, Céline Sika dessine les voies conduisant aux hautes fonctions de l’Etat. Pour y parvenir, elle mise sur trois éléments fondamentaux : l’éducation, l’autonomisation et la responsabilisation.

"Je crois que le temps des femmes est venu. Non pas contre les hommes, mais pour les hommes et pour les femmes. Il faut réparer cette longue anomalie qui a fait que les femmes ont été écartées de l’exercice du pouvoir. Il faut faire en sorte que les choses soient plus équilibrées. On en est loin, sur 200 pays, il n’y a que 7 femmes chefs d’Etat." Dixit Ségolène Royal, probable future présidente de la France.

Depuis quelque temps, on note la montée en puissance des femmes en politique. Du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, on assiste à une véritable révolution qui se traduit par l’écroulement de certains préjugés défavorables aux femmes, et par le changement radical de leur statut. Femmes, présidentes, femmes Premiers ministres, femmes secrétaires d’Etat et chancelières, etc.

Presque rien ne leur est, desormais, interdit. En Irlande, au Canada, au Pérou, aux Philippines, au Sri Lanka, aux Fidji la magistrature suprême est actuellement exercée par les femmes. Longtemps citoyennes de second ordre, aujourd’hui elles parlent d’une voix de plus en plus audible, indépendante et déterminée. Elles parlent non plus dans les cuisines, mais du haut de tribunes, à haute et intelligible voix.

Plus en rangs dispersés, mais ensemble. Elles veulent desormais maîtriser leur destin, et n’acceptent plus d’être traitées comme des objets, des citoyennes de second ordre, comme des figurants, des victimes passives d’une domination masculine. Notre siècle serait-il celui des femmes ?

Echec lamentable des stratégies

Le temps des femmes semble donc venu, comme le dit Ségolène Royal, où plutôt revenu, parce que l’Histoire de l’Humanité est constellée de grandes dames qui y ont laissé des traces indéIébiles, de Jeanne d’Arc et Cathérine de Médicis en France, à Isabelle la Catholique en Espagne et Elizabeth Ire d’Angleterre, en passant par la reine Victoria, la reine Christine de Suède, la Grande Catherine de Russie, l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, la reine Nzinga, et j’en passe.

Mais moi, je dirai simplement qu’il est plus que temps de redonner à César ce qui est à César. De connaître et de reconnaître la femme, son énorme et importante contribution au processus de développement durable de nos sociétés depuis toujours, de valoriser cette contribution et de lui donner un peu plus de visibilité. Il est temps de lui créer un peu plus d’espace pour qu’elle s’exprime et exprime toutes ces potentialités qui sommeillent en elle.

Les femmes sont là depuis toujours, et elles font ce qu’elles font depuis la nuit des temps sauf que leur apport au développement de la famille, de leur communauté, de leur pays a toujours été invisible et pas valorisé du tout. Je parle de ces grandes dames qui parcourent leur pays et le monde entier pour être non seulement la bouche de celles qui n’ont point de bouche, mais aussi des femmes anonymes.

Nos mères, nos épouses, nos sœurs, des millions, à travers notre planète, qui, jour après jour, triment, surmontent des obstacles insurmontables, résolvent des équations à plusieurs inconnues, parfois rien qu’avec leur imagination et leur dynamisme, leur courage pour que beaucoup de choses soient possibles. Pour que nous puissions manger, aller au travail, aller à l’école, garder notre équilibre émotionnel, réaliser nos ambitions, nous épanouir. Vivre, tout simplement.

Les stratégies utilisées jusqu’alors pour gérer notre planète ont lamentablement échoué. Les hommes ont échoué dans leur tentative de ramener la paix dans notre monde, de mettre fin aux multiples conflits qui étoilent notre planète et déciment des communautés entières d’éviter l’exclusion et la dépendance des femmes, d’éviter l’exode des fils et filles d’Afrique vers le paradis improbable occidental. Ils ont échoué dans la sauvegarde des acquis-en matière de liberté, par exemple- et dans l’empêchement des régressions partielles ou locales en matière des droits de la femme, pourtant obtenus au prix de tant de luttes et de guerres.

Ils ont échoué dans le retrait des armes des mains des enfants, la prohibition de la prostitution et l’exploitation des femmes et des enfants, la volonté de redonner aux populations dépouillées de leurs ressources par des multinationales et Etats rapaces et vampires leurs moyens de survie. Ils ont échoué dans la construction d’une société plus juste et plus humaine, où les relations entre les hommes et les femmes ne sont pas basées sur des rapports de force inégaux mais sur la complémentarité et l’égalité.

Mais, comment penser à utiliser autre chose que la violence pour résoudre un conflit lorsque, dès l’enfance, on vous répète à satiété qu’un homme ne pleure pas, lorsqu’on vous sert, dès cette période où notre cerveau est comme ce disque dur où on peut absolument tout graver, la polémique et l’agressivité comme domaines de définition d’un homme, d’un vrai homme ? Comment faire autrement lorsqu’on vous sert à longueur d’année et de journée qu’il faut toujours gagner, et ne jamais perdre ? Qu’un homme, c’est fait pour la combativité, l’aventure, qu’un homme doit être viril et montrer sa virilité ?

"Réparer une anomalie séculaire"

Essayons une autre stratégie. Un peu partout, c’est ce que les populations semblent avoir compris. Les Finlandais ont déjà renouvelé leur confiance à une femme par deux fois. Certainement parce qu’ils ont vu que ça marchait. Au Chili, Michelle Bachelet vient d’être élue présidente, et Ellen Johnson Sirleaf, au Libéria...

Revenons aux femmes. Pour au moins trois raisons. Réparer une anomalie séculaire qui a assassiné plein de Mozart ; libérer la moitié de la société handicapée, inhibée et empêchée durant des siècles de fournir sa part de créativité ; et aussi permettre à notre planète d’utiliser ce formidable potentiel qui a été pendant trop longtemps négligé, sous-utilisé. En fixant des limites aux femmes, en délimitant leur horizon, en les confinant dans la sphère privée, et dans la seule sphère privée, nous avons pèché, empêché l’accès des femmes aux ressources matérielles et financières, aux postes de responsabilités, à la formation et à l’enseignement formel permettant d’améliorer l’efficacité, la rentabilité et la durabilité de leurs activités.

Nous avons piétiné des droits humains fondamentaux, et retardé de plusieurs siècles le progrès et le développement de notre planète. Comment n’avons-nous pas compris plus tôt que vouloir développer notre monde sans la femme, c’est comme vouloir qu’un oiseau vole avec une seule aile ? Comment n’avons-nous pas compris cela ? Est-ce possible ? Je vous laisse le soin de répondre à cette question.

Pour ma part, je dis non. L’arrivée ou le retour des femmes aux plus hautes responsabilités de l’Etat est une très bonne chose. Elles l’ont très souvent mérité, au regard de leurs qualités, comme le goût du concret, l’intuition, la netteté, le scepticisme à l’égard des théories et du blabla ; pour parler comme André Fontaine, leurs compétences, leur rigueur, leur intégrité, leur sens du sacrifice, leur amour de l’autre, leurs quête et conquête constantes du bonheur pour tous leurs semblables, leur capacité créatrice, leur force d’initiative frappante dans tous les domaines.

Trois choses sont nécessaires

Faisons en sorte que de seulement aujourd’hui sur 2007 le nombre de femmes chefs d’Etat soit multiplié par... 30. Et le monde sera différent. Pour le bénéfice de tous. Le monde d’aujourd’hui est dominé par les violences de tout genre, l’individualisme et l’intolérance aux conséquences incalculables, aussi bien sur le plan humain, économique qu’environnemental, etc. Le savoir-faire, le courage, la tolérance et le sens du partage acquis pendant des siècles de souffrance par les femmes sont des valeurs qui nous interpellent, et qui peuvent aider notre planète à redevenir humaine, à retrouver le sens du sacre.

Davantage liées à la vie, puisque ce sont elles qui la donnent, les femmes penchent du côté de la souplesse, de l’équilibre, de l’entente, de la compassion. Leur retour est à encourager parce qu’elles symbolisent et incarnent la paix, parce qu’elles luttent pour créer "la planète de la grande opportunité", comme le dit si bien Kapuscinski.

Il est possible de multiplier le nombre actuel de femmes chefs d’Etat, même si le chemin pour y parvenir reste encore pavé de conflits, de tragédies, de nombreux obstacles : analphabétisme, autoestime à terre, manque de confiance en soi, exclusion et dépendance, etc. Il ne s’agit surtout pas de faire de la discrimination positive, même si, parfois, cela permet de rétablir l’équilibre lorsque l’écart entre les sexes est trop grand. Il s’agit de donner aux femmes les moyens de compétir sur un pied égal aux hommes, de leur permettre de jouir des mêmes opportunités que les hommes.

Pour y parvenir, trois choses sont absolument nécessaires : éducation, autonomisation, responsabilisation, des femmes pour renforcer leurs capacités et les aider à acquérir les moyens de se prendre en charge, développer leur estime d’elles-mêmes, massacrée après des siècles de violences subies, leur faire comprendre qu’aucune avancée ne se fera sans leur mobilisation et leur volonté de faire changer les mentalités. Mais également éducation des hommes, pour les amener à se libérer de leurs "contraintes" viriles, reconnaître leur responsabilité et se reconstruire en respectant chacun et chacune.

Céline SIKA

Sidwaya

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