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Tchad : Idriss Déby tente vainement de colmater les brèches

Publié le mercredi 21 juin 2006 à 07h44min

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La réélection sans surprise d’ldriss Déby, le 3 mai dernier, pour diriger encore cinq ans durant, le Tchad continue de susciter diverses analyses au sein des observateurs politiques qui suivent depuis plus de 10 ans, les événements dans cette partie centrale de l’Afrique.

Il y a eu quelque chose qui a beaucoup étonné l’opinion dans cette élection, sans enjeu, même si le président Déby réélu s’est beaucoup plus dépensé pour celle-ci que pour les précédentes. Le scrutin présidentiel a bel et bien eu lieu, mais sans le dialogue politique conforme à une sortie de crise.

Idriss Déby qui brigue encore un mandat présidentiel à la tête de l’Etat tchadien s’est affronté, le 3 mai 2006 à quatre autres candidats, parmi lesquels son ministre de l’Agriculture, Albert Padacké pour le compte du Rassemblement national des démocrates tchadiens (RNDT-le Réveil) et son collègue délégué à la décentralisation, Mahamat Abdouleye du Mouvement pour la paix et le développement du Tchad (MPDT).
L’ancien Premier ministre d’Idriss Déby, Kassiré Coumakoye était aussi de la partie en portant les couleurs du Rassemblement national pour la démocratie et le progrès (VIVA-RNDP). Un outsider, Brahim Koulamahah s’est également présenté à l’élection, mais il était peu connu du public.

Pourquoi l’opposition radicale a boycotté le scrutin ?

L’opposition radicale tchadienne qui regroupe aujourd’hui les principales formations opposées au régime actuel de N’Djaména, a boycotté le référendum constitutionnel de 2005, destiné à permettre à Idriss Déby de briguer un troisième mandat. Voila pourquoi elle a boudé ce scrutin dont elle juge l’organisation anticonstitutionnelle et même frauduleuse.

Pour rester conséquente avec ses principes, elle a tout simplement demandé le report de l’élection présidentielle ; une demande relayée de manière plus ou moins explicite, par la société civile, les évêques tchadiens, l’Union africaine et les USA, mais pas par la France qui reste le principal soutien de N’Djaména.

Aujourd’hui, la situation au Tchad ne se présente pas sous de bons auspices et Idriss Déby tente vainement de colmater les brèches. Mais son opposition politique non armée ou armée née au Soudan voisin, lui reproche d’avoir bâti un régime clanique et corrompu, qui détourne la manne pétrolière censée servir depuis 2003, au développement d’un pays extrêmement pauvre.

Depuis que le président tchadien a fait modifier la constitution du pays pour pouvoir se présenter, l’opposition est en conflit ouvert avec lui. « Nous ne voulons pas d’une présidence à vie, à coup d’élections truquées », a lancé récemment un opposant au pouvoir, Jean Bawoyeu Alingué.

Quelques semaines avant le scrutin présidentiel du 3 mai dernier, l’opposition a réclamé son report de plusieurs mois, le temps de peigner les listes d’électeurs et de mettre en place une Commission électorale nationale indépendante.

L’opposition est donc maintenant en force et l’offensive rebelle de la première quinzaine d’avril lui a encore donné un nouvel argument. « Si le pouvoir accepte de dialoguer avec nous », confie l’opposant Ibni Oumar Mahamat Sahel, « les rebelles n’auront plus de légitimité ». L’UA par la voix d’Alpha Oumar Konaré et les USA ont appuyé la démarche des opposants, estimant qu’il n’était pas trop tard pour reporter l’élection. Mais en vain. Idriss Déby n’a pas cédé d’un pouce, et en public, les dirigeants actuels du pays expliquent que le mandat du président expire en août prochain et qu’un report de l’élection présidentielle créerait un vide juridique, pour ne pas tomber, disent-ils, dans le même piège que le président Laurent Gbagbo de Côte d’Ivoire. Mais les proches du régime omettent de souligner que le mandat des députés a déjà pris fin il y a 18 mois et qu’un accord pouvoir-opposition peut lever toute hypothèque sur la question de la légitimité du chef de l ‘Etat.

Cette élection sans candidat crédible de l’opposition va entamer la crédibilité du régime Déby, en atteste le taux réel de participation qui n’a pas atteint 50 %, contrairement au taux de 72 % annoncé officiellement. En réalité, cinq millions de Tchadiens sont inscrits sur les listes électorales. Mais, ont affirmé de nombreux observateurs électoraux, trois millions de Tchadiens seulement avaient une carte.

Seulement, Idriss Déby bénéficie d’un drôle de jeu des politiques française et américaine qui lui sont très favorables. Il est indéniable que la France ne peut pas aujourd’hui abandonner le président tchadien qu’elle a beaucoup contribué à installer. Si beaucoup se demandent si la France viendra une deuxième fois à la rescousse pour sauver le régime actuel de N’Djaména, cela est plus qu’une évidence. Pour les Américains aussi, depuis trois ans, ils consacrent 70 % de leur temps à l’Afrique. Avec trois obsessions en tête : l’islamisme radical, la sécurité énergétique (le cas du Tchad notamment) et l’influence croissante de la Chine sur le continent.

Les Tchadiens ne veulent pas aujourd’hui d’une petite démocratie à lunettes, qui viendrait à s’installer insolemment sur les marches d’un pouvoir se voulant sérieux. Ils pourront alors rigoler en sachant que seule celle qui intéresse un pouvoir sérieux est celle énergétique, financière et monétaire.

Augustin Bandé

Sidwaya

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