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Election des maires : Il faut sauver la démocratie

Publié le vendredi 16 juin 2006 à 08h31min

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Simon Compaoré, maire de Ouagadougou

"La communalisation intégrale tant souhaitée par la majorité de nos populations à la base est en phase d’être un instrument de confiscation pure et simple de leurs droits fondamentaux dans certaines contrées du Burkina Faso".

Le constat est fait par des partis de l’opposition, suite au détournement de 4 conseillers de leur bord, par le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) à Arbollé, dans la province du Passoré. Les partis dénonciateurs enfoncent le clou : "A Arbollé, les populations ont assisté impuissantes au brigandage du CDP sur les conseillers des autres formations politiques..."

Brigandage : assez inédit dans sa trouvaille, le mot est lâché et loin de faire honneur à notre processus démocratique encore balbutiant. Il met à nu bien des tares que traînent des politiciens pas très bien inspirés. Le pays des hommes intègres ne l’est-il que de nom ? Notre démocratie si enviée à l’extérieur, pour paraphraser les autorités burkinabè, n’est-elle en réalité qu’une fine couche de vernis sur une muraille épaisse de pratiques anti-démocratiques ? Notre pluralisme politique n’est-il qu’un mince paravent qui cache très mal les multiples survivances du monopartisme ?

Si la période tant redoutée des dérives constatées en général lors des campagnes électorales et des scrutins proprement dits, a été vécue cette fois-ci sans grand dommage, il n’en est pas de même après la proclamation des résultats et l’installation des conseils municipaux. Comme à Arbollé, Dano, Kankalaba, le parti au pouvoir n’a pas lésiné sur le "brigandage" pour obtenir un passage en force. Pour avoir un conseil municipal entièrement acquis à sa cause le CDP aura fait feu de tout bois, parfois au détriment même des principes démocratiques.

Si en Afrique, un adage énonce en substance que la quantité de l’eau pour se laver les mains annonce la qualité du repas qui sera servi, alors il y a de quoi s’inquiéter sur la manière dont le pouvoir municipal sera exercé dans nos communes, qu’elles soient rurales ou urbaines. Que fera un maire désigné sans l’aval des populations dont il doit conduire la destinée ? Il est à craindre que ce bourgmestre règne sans partage, et soit finalement borné aux directives du parti. Face à ce "brigandage" grandeur nature, qui ferait pâlir de jalousie le plus célèbre des coupeurs de route, les instances dirigeantes du parti au pouvoir, sauf erreur, n’ont pas réagi.

Pourtant, l’un des "durs" du CDP, Simon Compaoré, maire de Ouagadougou, avait prôné un comportement de "gentleman". Une attitude très louable. Selon lui, là où il est battu, le CDP devrait s’incliner dignement. De cette façon, le "méga-parti" aurait montré sa force et sa magnanimité.

Malheureusement, les événements qui ont suivi sa sortie ont été aux antipodes des principes de la démocratie. En dehors de la sortie du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, sortie qui a suivi la voltige des gourdins à Komin-Yanga et Boussouma, aucune condamnation n’a, semble-t-il, émané des responsables du CDP. Pire, dans certaines communes, des militants du parti majoritaire menacent de boycotter les conseils municipaux, ce qui rendrait difficile pour ses adversaires, la gestion de la commune.

Pourquoi des militants du CDP se refusent-ils à accepter la victoire des autres, alors qu’il est naturellement prouvé que le plus fort n’a jamais été assez fort pour demeurer le plus fort ? En plus, si des militants, et pas des moindres, d’autres partis tournent le dos aux leurs pour déposer armes et bagages au CDP, cette formation politique devrait également s’attendre à ce que les siens aillent voir ailleurs. Est-ce la faute au CDP si les victimes directes de ce "brigandage" ne peuvent se coaliser pour mener des actions de protestation vigoureuse ? En effet, l’opposition aurait pu s’unir et se fendre tout au moins d’une bonne déclaration de condamnation contre cette insulte à la démocratie. En tout cas, il faut bannir ces comportements anti-démocratiques.

Il n’est jamais tard pour bien faire, dit-on. Pour cela, sauvons ce qui peut l’être encore et que les maires, anciens comme nouveaux, et tous les conseillers municipaux accomplissent convenablement la mission à eux confiée, dans le seul intérêt des populations.

Le Pays

P.-S.

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Municipales 2006

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