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<I>Droit dans les yeux</I> : L’argent est plus important que l’homme

Publié le mardi 13 juin 2006 à 08h12min

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Le capitalisme néo-libéral a comme principe : la rentabilité est la chose la plus importante. L’argent est donc plus important que l’homme. Un mot-clé est « libre échange », ce qui implique que les produits commerciaux doivent circuler sans aucune entrave.

Les produits les moins chers vont alors gagner la concurrence, et les gens achèteront de meilleurs produits à des prix moins chers. Tout cela sonne bien dans les oreilles des consommateurs. La concurrence est donc primordiale. Dans notre gouvernement, cette théorie trouve ses adhérents, « mais » il y a un très grand « mais ».

Pour mieux me faire comprendre, je donne un exemple : l’Europe veut conclure avec l’Afrique le fameux A.P.E., Accord de partenariat économique. Le mot partenariat est seulement un mot trompe-l’œil. Partenariat veut dire que les deux parties sont égales, mais l’essentiel de l’A.P.E. est déjà fixé par les Européens : "libre échange" pour que l’Europe ait libre accès aux marchés d’Afrique, au marché du Burkina Faso, sans payer de douanes. L’Europe pourra envoyer en Afrique toutes les poulettes qu’elle a de trop, tout le lait en poudre qu’elle ne peut pas écouler ailleurs, tout son riz de moindre qualité, sa viande qu’elle a de trop, etc., et tout cela, l’Europe le vendra en solde.

Par les soldes, on peut diminuer les prix de moitié. Dans une conversation avec un commerçant, celui-ci me disait : « Les soldes commencent dans deux semaines ; je veux commander encore quelques centaines de rasoirs électriques de marque Pendel, parce qu’ils se vendent bien. Je gagne moins l’unité par les soldes, mais j’en vends plus.

En plus, l’Europe subventionne les betteraves et le sucre, et la fabrication de la confiture coûte donc moins cher. Il y a aussi l’aide indirecte : par vache laitière, l’éleveur hollandais reçoit 500 F par jour, l’eau est gratuite, le gasoil pour son tracteur est détaxé. L’Europe pourra donc faire du dumping en Afrique une fois l’A.P.E. conclu.

L’APE sera imposé

Je ne parle pas encore des subventions illégales. L’Amérique a été condamnée pour la subvention du coton. Elle a annulé la subvention d’exportation qui totalise seulement 10% de la subvention totale. Le cultivateur américain va produire 10% plus de coton et il gagnera encore plus, mais le prix du coton va encore baisser sur le marché mondial.

Si les Africains hésitent trop à signer l’A.P.E., l’Europe va les presser un peu en offrant moins d’aide budgétaire, et alors les gouvernements auront des difficultés à payer leurs fonctionnaires et leurs armées. Les militaires vont réagir, et le gouvernement aura des difficultés pour survivre ; il va donc accepter l’A.P.E., et tant pis pour les paysans et les artisans. La pauvreté s’accentuera, mais l’Europe pourra écouler ses produits en Afrique.

Naturellement, les gens pensent qu’avec ces accords de partenariat, nous pourrons nous aussi écouler nos produits sur les marchés d’Europe sans avoir à payer de taxes douanières.

Mais en Europe ils ont d’autres moyens pour refuser nos produits. Les Européens vont mettre des barrières de qualité. Je prends un exemple : j’ai acheté un pot de confiture de fraises fabriquée au Burkina. Sur le pot était inscrit : confiture de fraises avec sucre de canne ; bonne pour la santé. Sur un pot de confiture de fraises de Pologne, je pouvais lire : ingrédients : scarope de glucose, fructose de fraises, sucre, gélifiant, pectine, acidifiant : acide citrique.

Pour la confiture qu’on veut importer, il faut donc l’énumération exhaustive des ingrédients, avec un certificat et avec le pourcentage de chaque ingrédient. Quelle usine au Burkina a la possibilité de faire de la confiture avec cette énumération, et où peut-elle trouver le certificat ?

Difficile de trouver un certificat dans le Sud

En Afrique, en tout cas, on aurait la possibilité de produire du « bio ». Un produit « bio » est un produit pour lequel on n’a pas employé d’insecticides et, en certains cas, d’engrais chimiques. Ces produits sont très recherchés en Europe et coûtent très cher. Nos mangues et autres fruits, et leurs confitures, nos légumes qu’on peut mettre en boîte entrent dans cette catégorie.

Oui, mais cela doit être contrôlé tous les mois. Je connais une bio-ferme près de Ouaga, mais où trouver au Burkina un certificat ? Résultat : le Burkina Faso a libre accès au marché d’Europe, mais tous ses produits doivent répondre aux exigences que l’Europe demande au nom de la santé de sa population, et le Burkina ne le peut pas.

Coup de poignard dans le dos

Je pense que cet A.P.E. est acceptable, et, en tout cas, on va nous obliger à le signer, mais à condition que notre droit de souveraineté alimentaire soit reconnu. Mais, comme vous le savez, les présidents des pays de la CEDEAO ont signé la condamnation de la souveraineté alimentaire à Niamey le 12 janvier 2006 et ont accepté de signer le T.E.C. (tarif extérieur commun) avec une taxe de vingt pour cent ou moins, ce qui ne peut pas protéger nos produits à cause des subventions de l’Europe. Chez nous, on appelle cela un coup de poignard dans le dos de nos paysans.

Ne désespérons pas : ma force est le Seigneur. C’est lui qui donne la victoire.

Continuons à lutter pour notre pays : employons et consommons les produits burkinabè.

Bonne nouvelle : au forum social mondial de janvier 2006 à Bamako, on comptait 20 000 visiteurs, 10 000 Maliens, 5 000 autres Africains, 700 activités, 1 500 femmes ! L’Afrique bouge !

F.Balemans
B.P.332
Koudougou

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