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Irak : Zarqaoui est mort, vive l’insurrection !

Publié le lundi 12 juin 2006 à 07h57min

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« Le terroriste Abou Moussab el Zarqaoui est mort ». Tous les téléscripteurs du monde entier ont repris en boucle cette information. Les Américains, habitants du pays de la démesure, n’ont pas fait dans la dentelle pour avoir la peau de celui qui était wanted pour la coquette somme de 25 millions de dollars.

Deux bombardiers F16 ont fait le boulot. Un boulot à l’américaine. Avec une fierté non feinte, son scalp a été exhibé.

Le corps de celui qui a été renié par sa propre famille après un attentat en Jordanie, son pays natal, qui a fait 67 morts, a pu être identifié grâce aux traits de son visage, ses cicatrices et ses empreintes digitales. Se trouvaient avec lui dans les décombres sept de ses adjoints dont son conseiller religieux.

Sept macchabées qui ont rejoint les « verts pâturages de Manitou » et qui passeront naturellement inaperçus, quand on considère l’aura qu’avait celui qui a été tué le 7 juin 2006 à Bakouba, bourgade située à une quarantaine de kilomètres de Bagdad. Le parcours de cet enfant terrible de Zarqa est en effet digne d’un film hollywoodien.

De confession sunnite, Zarquaoui, né en 1966, aurait commencé par vivre de petite délinquance. A la fin des années 80, il s’en va combattre en Afghanistan contre l’armée soviétique. A la fin de cette guerre, c’est le retour en Jordanie.

Séjour pendant lequel il sera emprisonné sept ans durant, après la découverte d’armes et d’explosifs dans sa chambre. Comme il sait faire feu de tout bois, la prison lui sera spirituellement bénéfique. En effet, il en profitera pour apprendre le Coran par cœur. Comme on le remarque, son pays n’a pas déroulé le tapis rouge pour l’accueillir et il s’en retourne en Afghanistan, où il prend la direction d’un camp d’entraînement.

Après l’épisode Talibans, en 2002, la justice jordanienne le condamne à mort par contumace pour le meurtre d’un diplomate américain. Quand la condamnation a été prononcée, il avait déjà quitté l’Afghanistan, pour l’Irak. Il y installe un foyer du djihad.

Dans ce pays, il met également son équipe à la disposition du groupe Ansar al-islam, présumé être un démembrement du réseau Al Qaïda. Le moment de bonheur pour celui qui veut chasser les Juifs, les apostats et les croisés hors du Pays-des-deux-fleuves (l’Irak), c’est quand, en décembre 2004, Al-Tawhid, son organisation, est acceptée par le réseau de Ben Laden en tant qu’émirat régional.

Malheureusement, durant toute cette vie trépidante, on n’a connu Zarqaoui - son nom a paru pour la première fois dans la presse internationale en février 2003 - qu’à travers le prisme de la presse occidentale, particulièrement anglo-saxonne, surtout américaine. On a de lui l’image d’un terroriste sanguinaire qui semble jouir rien qu’en voyant le sang de ses victimes gicler.

Les enlèvements, les attentats et les décapitations font donc partie des clichés associés à l’image de Zarqaoui. La séquence qui a le plus marqué les esprits, c’est cette vidéo où l’on décapite l’otage américain Nick Berg.

Pendant que les uns l’idolâtrent, les autres le vouent aux gémonies. D’ailleurs, il ne fait rien pour soigner son image. A côté de lui, Ben Laden passerait pour un expert en communication. Au moins, il arrive à ce dernier d’ébaucher un sourire malicieux.

La mort d’Abou Moussab Al-Zarqaoui a été saluée par de nombreux dirigeants et experts antiterrorisme. A commencer par Georges Bush, qui s’est fendu d’une déclaration dans laquelle il qualifie l’évènement de coup sévère porté à Al-Qaïda et de victoire significative dans la guerre contre le terrorisme. « Cet homme n’assassinera plus », a conclu Bush, qui ne s’encombre pas de formules lumineuses.

Mais c’est évident, M. le président, qu’un mort ne peut plus assassiner ! Son secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a argué que c’est une "victoire importante dans la guerre contre le terrorisme en Irak et dans le monde". Sans rire, le patron des GI’s ajoutera qu’"Au cours des dernières années, aucune personne sur cette planète n’a eu sur les mains plus de sang d’hommes, de femmes et d’enfants innocents".

Oubliant que ses boys ne sont pas allés envahir le pays de Saddam pour effectuer des missions caritatives. Heureusement qu’il a précisé « aucun homme », car entre le nombre de victimes tombées sous les balles des GI’s et celles qui ont perdu la vie du fait de Zarqaoui, il existe une grande différence.

Mais pour bien des observateurs, il ne faut pas s’attendre à une baisse des violences en Irak, tout simplement parce que le responsable du réseau Al-Tawhid est tué. Mettons de côté son organisation. En Irak il y a plus d’une dizaine de mouvements qui agissent souvent avec une signature presque identique.

Malheureusement, comme on ne prête qu’aux riches, les responsables américains ne voient que du Zarqaoui dans tout attentat perpétré en Irak. Beaucoup estiment cependant que son poids dans la guérilla est souvent surfait. Certes n’est pas Zarqaoui qui veut, mais s’il y a eu un numéro un, c’est qu’il y a un numéro deux, un numéro trois, etc.

Les membres qui composent ce genre d’organisation, sachant que leur leader marche sur le fil du rasoir, prévoient assez de ressources humaines « au cas où ». Et souvent, les seconds couteaux sont plus enragés que les premiers.

Il y a eu des précédents qui ont confirmé que la disparition d’un responsable ne signe pas la fin de la révolte. Les forces de la coalition en Irak avaient jubilé lorsqu’ on avait sorti Saddam Hussein de son trou de souris. L’insurrection n’a pas pour autant cessé dans le pays.

D’autre part, les attentats ciblés contre deux dirigeants successifs du Hamas n’ont pas empêché ce parti de remporter les élections en Palestine. Visiblement, il y a donc de fortes chances que la mort du responsable du groupe Al-Tawhid n’ait pas plus d’impact sur l’insurrection que la capture de Saddam Hussein.

D’ailleurs, la Maison Blanche n’en est pas dupe, elle qui s’est bien gardée de parader, évitant les célébrations et autre « Mission accomplie » pour agir vite et engranger les fruits de cette victoire acquise après des semaines de revers militaires, payés au prix fort sur le plan humain.

Observateur Paalga

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