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Togo : vers la normalisation politique

Publié le jeudi 8 juin 2006 à 07h12min

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Yawovi Agboyibo, président du dialogue

Le dialogue inter-togolais que l’on n’attendait plus a finalement eu lieu. Et fait naître l’espoir d’une vie politique apaisée. S’achemine t-on vers un règlement définitif et durable de la crise socio-politique togolaise ?

Les conclusions provisoires et partielles auxquelles sont parvenus les participants après plus d’un mois de dialogue incitent à l’optimisme.

Le 1er juin 2006, le président du dialogue inter-togolais, Me Yawovi Agbayibo, également président du Comité d’action pour le renouveau (CAR), a présenté aux différentes délégations du forum un projet d’accord politique global, à charge pour elles de formuler des observations avant que le texte ne soit définitivement adopté.

Suspendu au lendemain de la mort, le 5 février 2005 du Général Gnassingbé Eyadéma, le dialogue tant attendu avait repris le 21 avril 2006 à Lomé, la capitale. L’annonce faite quelques jours plus tôt par le gouvernement avait été accueillie avec scepticisme tant les positions des différents protagonistes de la vie politique semblaient inconciliables.

Ils étaient cependant tous conscients que l’avènement d’une vie politique apaisée passait par un dialogue franc entre les filles et fils du pays, et qu’une reprise de la coopération économique avec l’Union européenne, interrompue depuis 1993 pour déficit démocratique n’interviendrait qu’après la signature d’un accord par l’ensemble des forces politiques togolaises.

Ouvert le 21 avril 2006, ce forum, douzième du genre depuis 1990, a réuni le Rassemblement du peuple togolais (RPT), parti au pouvoir, les formations politiques de l’opposition que sont le Comité d’action pour le renouveau (CAR), la Convention des peuples africains (CDPA) de Léopold Gnininvi, la Convergence patriotique panafricaine (CPP) de l’actuel Premier ministre Edem Kodjo, le Parti pour la démocratie et le renouveau (PDR) de Zarifou Ayeva, l’Union des forces du changement (UFC) de Gilchrist Olympio, ainsi que deux associations de la société civile, le Groupe de réflexion et d’action (REFAMPT) et Femme démocratie et développement (FDD).

Durant plus d’un mois, les participants au dialogue ont planché sur le règlement du contentieux né de l’élection présidentielle d’avril 2005, de la révision du cadre électoral et de la réforme de la constitution. Le dialogue s’est également attaqué à l’épineux problème de l’armée et des forces de sécurité, de la question de l’impunité et du retour des réfugiés.

Dans le projet d’accord politique global, les parties prenantes au dialogue sont parvenues à un accord en dix points, comprenant entre autres, la formation d’un nouveau gouvernement, la révision du cadre électoral, le financement des partis politiques et les réformes institutionnelles.

Ainsi, la Commission électorale Nationale indépendante (CENI ) est reconnue comme la seule instance habilitée à organiser et à superviser les consultations électorales et référendaires. Elle est composée de 19 membres dont 5 désignés par le RPT, 10 membres désignés par le CAR, le CDPA, le CPP le PDR et l’UFC à raison de 2 par parti, la société civile 2 et l’administration 2.

Il est convenu également que les bureaux de vote comportent 8 membres représentants le parti au pouvoir, l’opposition et l’administration. Pour les prochaines élections, la condition de délai de résidence prévue par le code électoral d’avril 2000 devrait être supprimée, notamment l’obligation faite à tout candidat à la présidence de résider au Togo 12 mois sans interruption sous peine d’inéligibilité.

Des modifications concernant le découpage électoral, le recensement et la confection du fichier électoral ou encore la réduction du montant de la caution (5 millions pour la présidentielle et 50 000 pour les législatives) sont également préconisées par le dialogue.

Concernant les réformes institutionnelles, une commission sera créée et chargée d’étudier les propositions constitutionnelles formulées au cours des débats, en particulier sur la nature du régime politique approprié pour le Togo. Quant à la réforme de l’armée, le dialogue a insisté sur la nécessité d’avoir une armée apolitique, nationale et républicaine. Afin de mettre fin à l’impunité, une commission devrait « faire la lumière sur les actes de violence à caractère politique, commis durant la période allant de 1958 à ce jour, et d’étudier les modalités d’apaisement des victimes ».

Tous les partis politiques ayant plus ou moins accepté les conclusions provisoires du dialogue, ce qui « constitue un élément significatif du niveau avancé de la réalisation des 22 engagements », un appel a été lancé à l’Union européenne à « une reprise entière de la coopération avec le Togo ».

Après l’échec de « l’accord cadre de Lomé » de juin 1999, Gnassingbé Eyadéma ayant décidé de modifier l’article 59 de la constitution qui l’empêchait de se représenter et d’être réélu en juin 2003, Koffi Sama, alors Premier ministre avait réussi à renouer un dialogue avec l’Union européenne (UE) et les principaux partis d’opposition. Dans la foulée, il avait signé le 14 avril 2004 avec un document comportant 22 engagements, document que l’opposition avait accepté comme base d’une discussion ultérieure.

Les 22 engagements avaient pour objectifs de garantir le respect des droits de l’homme, de mettre fin aux exécutions extrajudiciaires, à la torture et de faciliter la libération des prisonniers politiques.
Malheureusement l’espoir suscité par cet accord n’a été que de courte durée, les divergences étant vite apparues sur la lecture de cet accord, l’opposition reprochant au gouvernement de se livrer à des manœuvres en vue d’obtenir la reprise de la coopération avec l’UE.

Le décès inattendu de Gnassingbé Eyadéma le 5 février 2005 et l’investiture de son fils Faure comme président en violation de la constitution allait tout remettre en cause. Les manifestations organisées par l’opposition pour protester contre le « coup d’état constitutionnel » ont été violemment réprimées par les forces de l’ordre, causant la mort de nombreuses personnes. L’élection présidentielle du 24 avril 2005 a été marquée par des fraudes massives et on a encore en souvenir l’image de ce militaire s’enfuyant les urnes sous les bras.

D’après le rapport rendu public en août 2005 par l’Organisation des nations unies (ONU), « la proclamation des résultats en faveur de Faure Eyadéma a été le début du déclenchement des plus graves violences politiques et des violations systématiques des droits de l’homme ». Selon l’ONU, entre 400 et 500 personnes seraient décédées suite à ces violences, et le rapport insiste sur le fait que « les violences étaient accompagnées de torture et de traitements inhumains.

Des photos de victimes, des cicatrices montrent que des actes de tortures atroces et aveugles ont été commis à une grande échelle par les bérets rouges », le corps d’élite de l’armée togolaise. Près de 16 000 Togolais ont fui leur domicile et 22 000 autres se sont réfugiés au Bénin et au Ghana.

Se basant sur ce rapport, un collectif d’avocats sollicités par les familles des victimes a déposé au moins 29 plaintes dans tout le pays contre les forces de l’ordre. D’autres plaintes sont envisagées à Paris, Bruxelles et auprès du Tribunal pénal international (TPI).

Koffi Yamgnane, ancien secrétaire d’état français à l’intégration et président de l’association « Sursaut Togo » devrait se porter partie civile aux côtés des familles des victimes. Il ne se sera pas candidat aux élections législatives en 2007 en France, son projet étant de rentrer dans son pays d’origine pour y jouer un rôle dans la vie politique. A condition d’obtenir le renouvellement de son passeport, ce qui est loin d’être une simple formalité.

La tenue de ce dialogue inter-togolais est déjà, vrai dire à un exploit. Et les protagonistes ont peut-être là l’occasion de refermer définitivement la parenthèse de la dictature et d’ouvrir une nouvelle page de leur histoire d’autant que le principal obstacle à la démocratisation du Togo, Gnassingbé Eyadéma, est maintenant levé.

Wahab Sidibé
Lefaso.net

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