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Rapatriement d’immifrés clandestins : L’introuvable juste milieu

Publié le mardi 6 juin 2006 à 06h56min

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L’immigration clandestine, c’est peu dire, est, ces derniers temps, un sujet qui fâche. Ce n’est pas le ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui dira le contraire. En effet, l’on se rappelle son voyage vivement contesté au Mali et au Bénin pour expliquer sa fameuse loi sur l’immigration choisie.

Le président sénégalais, Abdoulaye Wade, a, lui aussi, critiqué vivement cette loi alors qu’il était en France pour recevoir le prix Houphouët Boigny pour la paix.

Le président du Faso, Blaise Compaoré, en visite en France du 29 mai au 4 juin derniers, y est également allé de sa critique. Mais ce n’est pas avec la France seulement que l’immigration clandestine constitue un sujet de discorde. L’Espagne, un pays voisin de la France, ne sait plus où donner de la tête face à cette question préoccupante.

Après le triste feuilleton des enclaves de Cueta et Melilla, véritables portes d’entrée dans ce pays et, partant, dans l’Europe, les relations entre le Sénégal et l’Espagne se sont détériorées. En effet, le pays de Abdoulaye Wade a suspendu sa coopération avec ce pays à propos du très sensible dossier de rapatriement des immigrés clandestins sénégalais. Motif avancé par Dakar : les conditions de rapatriement dénoncées par des immigrés qui disent avoir été menottés avant d’être embarqués ; chose que la police espagnole a reconnue.

Cela pose le problème des conditions de renvoi des personnes considérées comme indésirables surtout dans les pays européens, dont ils prennent d’assaut, chaque jour et en masse, les frontières. De fait, comment renvoyer un indésirable qui tient coûte que coûte à s’agripper à ce qui, à ses yeux, se présente comme la dernière planche de salut, l’Europe ? Comment s’étonner, dans ce cas, que les clandestins ne veuillent pas se laisser faire ?

Retourner dans leur pays, qu’elles disent avoir quitté pour donner dos à la misère, serait synonyme de déshonneur voire de suicide. Devant un tel entêtement, quelle attitude adopter, quelle méthode utiliser sans porter atteinte à la dignité et à l’intégrité physique des intéressés, à leurs droits fondamentaux en tant qu’humains ?

Entre le respect des droits des immigrés clandestins que l’on tient coûte que coûte à renvoyer chez eux, et le souci des pays de destination, il y a un juste milieu qu’il faut absolument trouver. Mais comment, dès lors qu’ il est difficile, voire impossible, d’avoir à la fois l’oeuf et l’omelette ?

En attendant, les services de contrôle de l’immigration des pays européens se débrouillent comme ils peuvent pour expulser le flux de clandestins qui frappent à leurs frontières. D’où le recours aux vols charters dans lesquels les rapatriés sont menottés, scotchés à leurs sièges, et souvent muselés pour éviter qu’ils ne crient. Ce traitement à la limite inacceptable a souvent causé des morts. Face aux critiques, certains pays ont essayé d’humaniser un peu leurs méthodes.

Pour prendre l’exemple de l’Espagne, certes, il y a eu la manière forte, mais l’on a également usé de ruse. En effet, plusieurs témoignages rapportent qu’une promesse de régularisation de leur situation dans la partie occidentale de l’Espagne a été faite aux 99 Sénégalais avant qu’ils n’embarquent dans l’avion, qui s’est finalement posé à Dakar et non ailleurs sur le territoire espagnol comme promis.

En matière de rapatriement des clandestins, si l’Europe est critiquable, certains pays africains le sont également. C’est le cas de ceux dits de transit comme le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie. Ces pays n’ont pas en effet hésité à casser du clandestin. Mais qu’il s’agisse d’expulsions, menottes aux poignets, bâillon à la bouche, ou abandons dans le désert, toutes ces méthodes ne seraient pas employées si le phénomène d’immigration n’avait pas pris un caractère clandestin.

Et l’on ne parlerait pas du phénomène avec une telle préoccupation si les dirigeants africains faisaient l’effort de retenir ces milliers de jeunes qui tentent l’aventure, par des projets socio-économiques prometteurs. Si l’on considère le seul cas du Sénégal, il faut reconnaître que les fruits de campagne du président Wade, en termes d’emplois pour les jeunes, à travers le "Sopi" (Changement), n’ont pas tenu les promesses des fleurs.

Le Sénégal craint-il d’être socialement déstabilisé par ces vagues de retour ? Depuis plus de 40 ans, de colossales sommes d’argent ont été déversées sur le continent africain par le Nord pour, par exemple, lutter contre la pauvreté, créer des emplois. Mais que constate-t-on ? Presque rien sur le terrain, sinon l’aggravation de la pauvreté et du chômage que l’on est censé combattre.

Dans ces conditions, il est difficile d’empêcher les populations, la frange jeune surtout, de rêver d’un ailleurs où ils pourront améliorer leurs conditions de vie. Un rêve entretenu par des images abondamment déversées dans et par les médias du Nord comme du Sud, exposant sous toutes les coutures, la prospérité de ces pays. S’il est difficile et incongru de demander au Nord de cacher sa prospérité, ce ne doit pas être la mer à boire d’inviter les dirigeants africains à revoir leurs politiques de développement.

Pour ceux qui savent ce qu’est la dignité, ils ne doivent pas être à l’aise de voir, par exemple, leurs compatriotes prendre d’assaut, au péril de leur vie, les enclaves grillagées de l’Espagne. Ou encore les expulsions manu militari de clandestins. Il faudra donc que ça change.

Le Pays

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