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Burkina : La démocratie des gourdins

Publié le jeudi 1er juin 2006 à 08h26min

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L’on assiste, depuis la proclamation le 26 mai dernier, des résultats des élections municipales du 23 avril 2006 par le Conseil constitutionnel, à l’installation des maires dans les différentes communes du pays. Des cités comme Ouahigouya, Bobo Dioulasso, Ouagadougou, Dédougou, etc., ont déjà désigné leurs responsables municipaux.

Dans l’ensemble, tout s’était jusque-là bien passé. Même dans les communes où l’on craignait des débordements, les acteurs politiques ont fait preuve de fair-play et de responsabilité. Le bon exemple à ce niveau a été donné par les maires sortant et entrant de Bobo. Battu aux votes face à Salia Sanou (nouveau maire), Célestin Boyo Koussoubé (maire sortant) n’a pas hésité à féliciter son adversaire et à lui promettre son soutien et sa collaboration.

Réagissant après son élection, le nouveau bourgmestre de la ville de Sya a, pour sa part, indiqué : " Je voudrais aussi rendre hommage au maire sortant, Célestin Koussoubé, qui m’a approché pour me féliciter et me faire part de sa disponibilité à soutenir le nouveau conseil municipal qui va bientôt prendre fonction. Nous solliciterons son appui à chaque fois que cela est nécessaire. Personne n’a gagné, personne n’a perdu, c’est la démocratie qui gagne en maturité." Pourvu que l’entente dure pour que les différentes équipes installées puissent travailler effectivement pour le développement de leurs communes respectives.

Cet esprit de fair-play a malheureusement fait défaut dans certaines communes où l’élection des maires a donné lieu à des dérapages. C’est notamment le cas de la commune de Komyanga, dans la province du Koulpélogo. La désignation du maire de ladite localité, le 30 mai dernier a, en effet, engendré des actes de violences faisant un mort et six blessés graves parmi les habitants.

Lorsqu’on en arrive à de telles extrêmes dans une commune, fût-elle rurale, il y a toujours lieu de s’inquiéter pour la réussite de l’expérience communale et surtout pour la survie du processus démocratique. En effet, comment peut-on, dans pareille situation, mobiliser toutes les forces vives de la cité autour de projets fédérateurs comme ceux de développement local ? L’aspect le plus préoccupant dans les événements de Komyanga, c’est le fait qu’il s’est agi d’un affrontement entre militants d’un même parti, en l’occurence le CDP, divisé en deux camps pour la conquête du poste de maire.

Mais au-delà du cas isolé de Komyanga, cette situation pose de facto la question de la démocratie et de la conception du rôle de l’acteur politique au sein du parti. L’on a toujours l’impression que les partis politiques au pouvoir souffrent d’un manque de démocratie interne qui se manifeste par exemple par le système d’imposition des candidats lors des scrutins. Ce qui, de plus en plus, donne lieu à des contestations violentes. Les populations, ne voulant plus se laisser conter, ont recours dans bien des cas, à des actes certes condamnables mais, à bien des égards, justifiés, pour se faire entendre. "Le parti est victime de son gigantisme", avancent certains observateurs.

Mais quelle que soit l’explication que l’on en donne, un débat ouvert et franc devrait normalement permettre d’éviter toutes ces dérives qui sont loin d’aider notre démocratie encore très fragile à avancer. L’incident de Komyanga soulève un autre problème : la conception par certains barons du parti au pouvoir de leur rôle dans la société.

Beaucoup pensent que c’est seulement en étant maire ou à un grand poste de responsabilité, qu’ils peuvent mieux servir leur communauté. C’est d’ailleurs cet argument qui a été avancé par la plupart des maires reconduits pour justifier leur énième candidature. Mais, doit-on être forcément maire pour être utile à sa commune ? Rien n’est moins sûr. L’on peut être simple citoyen et être davantage utile à la collectivité. Pour contribuer au développement de sa municipalité, il n’est donc pas indispensable d’être bourgmestre.

Derrière l’argument officiel et même trop facile de certains acteurs politiques de servir leur commune, se cache parfois une volonté de préserver des intérêts personnels et bassement matériels. Ce n’est plus un secret pour personne, les gens viennent rarement en politique pour des idéaux ; c’est plutôt pour assouvir des ambitions personnelles.

C’est pourquoi, il appartient à l’Etat de prendre les mesures garantissant un meilleur exercice du jeu démocratique. Autrement, la fin de la démocratie des gourdins et des intérêts partisans risque d’être une utopie. Or, la démocratie dont le pays a besoin pour son développement, c’est celle des débats d’idées et de la tolérance.

"Le Pays"

P.-S.

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Municipales 2006

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