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Afghanistan : Remember Soviets !

Publié le jeudi 1er juin 2006 à 08h05min

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A la fin de la décennie 80, après plus de dix ans d’occupation du territoire, l’armée rouge quittait Kaboul, la capitale afghane défaite par la résistance d’un peuple connu pour sa bravoure. Dix ans plus tard, le « cycle » est en train de se répéter avec cette fois-ci, l’US-Army dans le mauvais rôle. Parfois l’histoire balbutie.

Fin de semaine sanglante à Kaboul où des affrontements entre manifestants afghans et l’armée d’occupation américaine ont fait selon un premier bilan, des centaines de morts.

Des manifestants qui protestaient contre la présence des « infidèles » sur leur sol et les enjoignaient à quitter cette « terre sainte » avec leur « suppôt », le président Amid Karzaï pour ne pas le nommer. En quelques phrases, voilà planté le décor de la tragédie afghane qui dure depuis trois décennies (pour ne pas faire une trop longue remontée dans l’histoire) et, qui fait le malheur d’un pays qui attise des convoitises du fait que sa « centralité » en Asie en fait un passage obligé, voire un « site » naturel pour toutes les grandes puissances.

C’est ainsi que lorsqu’en 1978, l’Union soviétique de Léonid Brejnev décidait de régenter le pays par le général Najibullah interposé, c’était non seulement pour contrôler et contenir le turbulent voisin chinois, mais aussi pour mettre fin aux velleités expansionnistes de l’oncle Sam en Asie centrale, région qui devenait stratégique avec la montée en puissance de la Chine et la flambée (déjà) du baril de l’or noir.

Pour ceux qui l’ignorent, l’Afghanistan est, en effet, un passage quasi-obligé pour le convoyage du pétrole de la mer caspienne et pour celui du Kazakstan vers les pays occidentaux principaux consommateurs du combustible. Aussi du haut des montagnes afghanes, on a une vue imprenable sur la Chine, on sécurise le Pakistan (dans le cas des américains), allié stratégique, tout en contrôlant les nids d’intégristes qui sevissent dans ce pays. Enfin, l’Arabie, autre pourvoyeuse principale de l’or noir, n’est qu’à un jet de pierre. Autant de raisons qui valent bien une guerre et, le « grand jeu » des puissances mondiales rythme la vie du pays depuis un siècle.

Pour faire court, intéressons-nous aux trois dernières décennies donc, avec d’abord les soviétiques dans le rôle de puissance tutrice. Des soviétiques qui, malgré l’artillerie lourde et des effectifs impressionnants (plus de 100 000 hommes) n’arriveront pas, en dix ans, à réduire la résistance afghane.

Laquelle resistance menée par les talibans armés et pensionnés par l’Oncle Sam (les ennemis de nos ennemis sont nos amis) et, surtout par le commandant Shah Massoud qui, mettra en déroute la plus puissante armée du monde. L’aventure se terminera en sauve qui peut, l’armée rouge abandonnant sur le terrain les soldats « retardataires, » entendez ceux qui n’avaient pas rallié à temps les sites d’évacuation.

Un air de Viet-nam qui aurait du instruire les américains, mais ces derniers, certainement aveuglés par les intérêts sus-cités, prendront la place toute chaude. L’oncle Sam était persuadé que ne serait ce que par le biais de la « reconnaissance ventrale » ses alliés talibans accepteraient de cohabiter avec lui.

C’était oublier l’aversion profonde d’un peuple contre toute présence étrangère, aversion qui n’allait pas tarder à se manifester violemment. Un régime fondamentaliste « pur et dur » voyait le jour à Kaboul, avec le mollah Omar dans le rôle d’idéologue, assisté par son bras armé Oussama Ben Laden. Pendant ce temps, le tadjik Shah Massoud, homme de confiance des américains, était renvoyé dans ses montagnes.

Maîtres de Kaboul et numériquement plus nombreux (car issus de la principale ethnie du pays : l’etnie patchoun) les talibans instauraient la charia et chassaient les « impies » : ce que l’oncle Sam ne pouvait tolérer. Une coalition tadjik (Shah Massoud) ouzbek (commandant Dostan) kurdes et patchoun « anti-talibans » fut mise sur pied avec pour mission de déloger les talibans de Kaboul.

Aidée par ces derniers, elle triomphera mais, les américains n’arriveront pas à placer leurs pions, Ahmed Barzani et jalal Talabani qui souffraient de leur trop longue absence du pays et surtout de leur appartenance à des ethnies minoritaires. Shah Massoud, le plus légitime, ayant été tué dans un attentat, la solution médiane fut trouvée avec Amid Karzaï, un patchoun modéré.

Une solution qui dure depuis 2002 et qui ne cesse d’être contestée. Ouzbeks, Kurdes et tadjiks ne se reconnaissent pas en cet homme de l’ombre, cependant que ses parents patchouns voient en lui un « pantin » aux mains des américains. C’est dire la faillite de l’échafaudage politique ainsi monté, qui se traduit par une instabilité parlementaire chronique et, le confinement du pouvoir central à Kaboul.

Le « gardien de Kaboul », voilà le surnom moqueur dont est affublé Karzaï dans certains milieux. Un gardien de plus en plus débordé dans son périmètre avec les manifestations de dimanche, précédées, il faut le souligner, par des escamouches des talibans (?) sur la ville capitale. On en arrive à l’échec de la stratégie militaire, l’US-Army n’étant pas parvenu à se défaire de sa fonction coercitive, une fois la conquête du pays terminée. Rejetés par les populations comme en Irak, les boys n’ont que le langage des armes pour se faire entendre.

Or, celui-ci ne peut-être qu’inopérant dans le long terme, ce qui transparaît aussi bien en Afghanistan qu’en Irak. Le remodelage du grand-moyen Orient version Bush a du plomb dans l’aile et, des voix discordantes se font entendre jusque dans son « précarré ». C’est ainsi que des sénateurs conservateurs évoquent à haute voix la « cherté » des croisades du président aussi bien au plan financier qu’humain.

Ce, d’autant que la cible désignée de ces croisades, Oussama Ben Laden court toujours et lance de temps en temps des messages mobilisateurs en direction de ses troupes. Ce qui a le don de fouetter le courage de son lieutenant le plus actif Abou Moussab al Zarquaoui, qui transforme progressivement Irak en un enfer. Et, malgré l’inauguration d’un immeuble majestueux situé à la place des « Twins towers », qu’elles sont dures les guerres de colonisation. Surtout qu’elles sont passées de mode. Les soviétiques ont payé pour l’apprendre et les américains sont sur la bonne voie.

Boubakar SY

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 26 octobre 2006 à 16:07, par bert En réponse à : > Afghanistan : Remember Soviets !

    Il semble que vous manquiez de fiables renseignements sur l’Afghanistan :

    1) C’est en 1979, et non 1978, que les soviétiques envahiront l’Afghanistan, et Najibullah ne sera président de l’Afghanistan qu’en 1986. Entre 1979 et 1986, de nombreux évènements se sont déroulés, qui tempèreront peut être vos certitudes quant aux soutiens et responsabilités de chacun.

    2) Non, l’Afghanistan n’est pas un "passage quasi-obligé pour le convoyage du pétrole de la mer caspienne et pour celui du Kazakstan vers les pays occidentaux principaux consommateurs du combustible", ne serait-ce que parce que par définition, les pays occidentaux se trouvent à l’ouest de l’Afghanistan, et la Caspienne aussi. le Pakistan est plus concerné, ainsi que la Chine. le "jet de pierre" qui sépare l’Afghanistan de l’"Arabie" est un sérieux lancé, qui permet de passer au dessus de l’Iran, à ne pas oublier non plus.

    3)Le "grand jeu" en question concernait d’abord la Russie et la Grande Bretagne, il y a plutôt deux siècles.

    4) Le commandant Shah Massoud n’était pas le seul à combattre ce qui n’était déjà plus la "plus puissante armée du monde", et surtout qui ne se donnait pas les moyens (les avait elle encore ?) de combattre. L’armée rouge n’a abandonné personne "sur le terrain" puisque c’est alors que le soutien à Najibullah a été le plus fort, par le biais d’armement et de nourriture principalement. Les soldats soviétiques ont été remplacé par des soldats afghans, soutenus par les soviétiques.

    5) le régime taliban a vu le jour au Pakistan, et non à Kaboul, qu’il lui a fallu deux ans pour conquérir.

    6) Massoud n’était assurément pas "l’homme de confiance des américains". Les USA ont tout simplement sous-traité l’ensemble de leur politique afghane au pakistan, dont l’homme de confiance se nommait tout d’abord G Hekmatyar, avant qu’il ne soit en disgrâce et supplanté par les talibans créés et soutenus par l’ISI, services secrets pakistanais.

    7) Les USA n’ont mis sur pied aucune "coalition", tandis qu’à part Massoud et Ismaèl Khan, les autres membres de cette supposé coalition trahissait les deux camps avec un rythme assez égal. Quant aux USA, ils avaient Mrs Helms, nièce d’un ancien directeur de la CIA, qui faisait du lobbying à l’ONU pour la reconnaissance de l"état taliban" (seulement reconnu par le Pakistan, les saoudiens et les émiratis), et ils avaient de règuliers entretiens avec les talibans, le dernier en juillet 2001.

    8) Barzani et Talabani, que vous citez, sont des kurdes irakiens, peu de rapport avec l’Afghanistan...Et vous avez oublié que la première solution US était Abdul Haq, et non Karzai...

    • Le 23 août 2007 à 10:51, par Pierre En réponse à : > Afghanistan : Remember Soviets !

      MERCI BEAUCOUP,

      J’arrive un peu tard, mais en définitive il ne l’est jamais trop.
      Merci pour ces précisions très claires qui bouclent le bec de ceux qui
      se disent en savoir beaucoup.
      Je reviens tout juste d’Afghanistan ( j’y ai tavaillé 2 ans).
      Je n’ai rien à dire mais encore tout à apprendre sur ce pays et son histoire.
      J’ai simplement apprécié la correction apportée au discours précédent.
      Voilà.
      Merci encore.

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