LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Affaire Hissène Habré : Le droit pénal international en question

Publié le lundi 22 mai 2006 à 08h30min

PARTAGER :                          

Alors que l’on croyait l’affaire Hissène Habré réglée par l’Union africaine qui a promis de trancher définitivement lors de sa prochaine session prévue en principe en juillet, voilà qu’une « fatwa » du Comité des droits de l’Homme à l’ONU à l’encontre du Sénégal, vient relancer le débat.

Pour faire bonne mesure (?) le Comité a aussi épinglé les USA, mais, cela n’empêche pas, après l’affaire Thomas Sankara, de s’interroger sur cette nouvelle justice internationale qui mêle allègrement droit et politique.

Droit d’ingérence humanitaire, devoir d’assistance, jugements d’anciens chefs d’Etat pour « crime » contre la démocratie et violation faite aux droits humains dans l’exercice de leurs fonctions, mise à l’index de certains Etats, le droit pénal international est en train de prendre une nouvelle « tournure » à l’entame du troisième millénaire. En effet, si traditionnellement, il ne connaissait que des cas de crimes imprescriptibles et de génocides, son évolution récente permet de dire que nul homme politique n’est à l’abri de ses « fourches candines », pour peu que dans l’exercice de ses fonctions, il se soit trouvé en porte-à-faux avec les sacro-saints principes qui régissent désormais les relations internationales et qui ont pour noms : la bonne gouvernance et la démocratie.

Parallèlement , cette rectitude ne semble pas jouer en tous les cas et, suivant que vous êtes puissant ou faible, les jugements vous feront blanc ou noir comme dit le dicton français. On l’a encore constaté dans les affaires suscitées (Hissène Habré, Thomas Sankara ou encore prisonniers de Guantanamo ou d’Abou Gharaïb en Irak) Hissène Habré dans une certaine mesure, n’était pas plus tortionnaire que les geôliers de Guantanamo et d’Abu Gharaïb qui, faut-il le rappeler, agissent sur ordre des politiques. Or, lesdits politiques ont proclamé après l’injonction du comité onusien que « les USA ne pratiquent pas la torture » tout en ajoutant que « les détenus de Guantanamo sont dangereux » (sic).

Sans aller jusqu’à cautionner Hissène Habré dont les moins que l’on puisse dire de son régime est qu’il n’était pas « civilisé », force est de reconnaître qu’il peut aussi lui invoquer les mêmes arguments à l’encontre de ceux qu’il a torturés.

Dans cette Afrique de la décennie 80, le pouvoir était dans bien des cas au bout du fusil et les exemples foisonnent du Tchad au Liberia en passant par le Ghana, le Mali, le Burkina Faso etc. S’il est un fait indéniable qu’aucun partisan du respect des droits humains ne saurait cautionner des régimes dictatoriaux qui sévissent de par le monde et qui, après leur chute, se voient rattraper par leurs turpitudes, il reste entendu que le contexte historique peut justifier bien des dérives et permettre de passer l’éponge, sauf à vouloir ouvrir la boîte aux pandores. Juger Habie est dans « l’ordre normal » des choses, mais, certains Tchadiens pourront y voir un goût d’inachevé, les exactions politiques n’ayant pas commencé avec lui.

Si l’on veut aller jusqu’au bout de l’éthique, il faudrait alors remonter jusqu’à N’Gaarta Tombalbaye avec toutes les « surprises » qu’une telle rétrospective pourrait entraîner. Idem aiGhana, au Burkina Faso, au Togo ... tous des Etats qui expérimentent la démocratie au quotidien et qui ont surtout besoin d’aide et de compréhension pour consolider leur processus.

Mettre la politique au service du droit

Cette nouvelle volonté d’astreindre les uns et les autres aux principes démocratiques est donc louable, sauf qu’on a la désagréable impression qu’elle a la mémoire sélective et qu’elle s’exerce principalement à l’encontre des pays sous-développés sur la base de présomptions politiques.

Il vous souviendra dans ce registre que l’écrivain français, feu François Xavier Veshare qui avait tenu des propos virulents contre des chefs d’Etat africains en exercice (Bongo, Deby et Sassou N’Guesso) n’avait pas eu à répondre de ceux-ci en raison « de l’ordonnancement juridique français et de son droit à l’expression », selon la juridiction qui devait trancher cette question.

Un jugement mi-figue, mi-raisin qui laisse penser que les ressortissants des pays du Nord peuvent en toute impunité, s’en prendre à des responsables africains.

Là où le bât blesse c’est que l’ont n’a jamais su si les accusations du sieur Veshare contre lesdits présidents étaient avérés, le tribunal n’ayant pas jugé nécessaire de connaître du fond du dossier.

A l’aune de cette décision, l’impression se confirme que tous les scribouillards occidentaux en mal de reconnaissance, trouveront en Afrique un terrain fertile pour y exercer leurs pulsions. Cette décision hypocrite qui revêt du sceau de la vérité des élucubrations le plus souvent foutaisistes, blanchit du même coup les pouvoirs occidentaux qui bien souvent sont à l’origine de tous ces scandales.

On ne sait pas que ce dont étaient accablés les présidents tchadien, gabonais et congolais prenait d’abord ses sources en Occident ? Un Bongo est-il plus coupable dans « l’embrouille », Elf qu’un Roland Dumas par exemple ? Et, un Charles Pasqua peut-il se présenter en modèle de vertu avec l’affaire des ventes d’armes à l’Angola ?

Par ailleurs et même si le « dossier » Milosevic est clos avec la mort de celui-ci, qui ne sait pas que la guerre du Kosovo où il était censé avoir commis tant d’honneurs, rentrait dans la logique de la désintégration de l’ex-république fédérale de Yougoslavie pour consacrer la « mort » définitive du communisme ? Une œuvre qui se poursuit, du reste, avec le référendum sur l’indépendance organisé au Monténégro, province pourtant « biologiquement » proche de la Serbie. On comprend, du reste, pourquoi Milosevic est resté célèbre dans son pays malgré cette intense campagne médiatico-politique orchestrée contre lui. Et que dire alors du drame du peuple palestinien asphyxié économiquement et politiquement sous l’œil atone de la communauté internationale. Un génocide en préparation sur fond de crimes de guerre au quotidien.

En Tchétchénie aussi, le seuil de tolérance est depuis longtemps dépassé, mais les protestations ne vont pas au-delà de la rhétorique diplomatique. Nombre d’autres cas peuvent être cités, mais au-delà de l’aspect purement juridique de ces affaires , il conviendrait plus d’observer une certaine éthique dans l’application du droit pénal international qui apparaît de plus en plus comme un droit vénal qui se marchande à la tête du client.

Les déshérités de la terre ne sauront pas plus longtemps encore souffrir de cette « malédiction » et, le droit pénal international ainsi que les différents droits pénaux nationaux devront effectuer leur mue pour ne pas donner l’impression d’être au service des plus forts ou de cautionner des atteintes à la dignité humaine. Ce qui commence comme indiqué plus haut par le renforcement des processus démocratiques.

Boubacar SY

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique