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Bayomboué BAKIONO, coordonnateur national du RAJS : “Sur la question de la gratuité des ARV, le réalisme doit primer”

Publié le jeudi 18 mai 2006 à 08h05min

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Bayomboué Bakiono

A l’issue de son Assemblée générale ordinaire tenue les 8 et 9 avril derniers à Ouagadougou, le Réseau Africain des jeunes contre le SIDA du Burkina Faso (RAJS) a décidé de changer de dénomination et de reconduire son coordonnateur national, Bayomboué BAKIONO pour un mandat de 4 ans.

Pourquoi le changement de dénomination ? Que fait le RAJS sur le terrain ?Quelle est la position du Réseau sur la question de la gratuité des anti-rétro-viraux ?
Pour répondre à ces questions, M. BAKIONO a bien voulu nous recevoir au nouveau siège de son réseau situé à Cissin.

M. le coordonnateur, très succinctement quelles sont les grandes conclusions de votre Assemblée générale des 8 et 9 avril derniers ?

Bayomboué BAKIONO (B.B) : Vous avez d’abord l’approbation du rapport 2005 de l’ensemble des activités que nous avons menées. Vous avez la partie technique qui rend compte du bilan physique en termes de réalisations des activités, la participation à des rencontres internationales. Vous avez aussi la partie financière qui a permis de faire le bilan de l’ensemble des ressources financières que nous avons reçues des partenaires et les capacités du réseau à pouvoir les justifier.

Vous savez que beaucoup d’organisations peuvent recevoir beaucoup d’argent mais ne sont pas en mesure de rendre compte de façon fidèle l’utilisation de ces ressources. A cette Assemblée générale, nous avons abouti au fait que le réseau a grandi et doit intégrer dans le thème du VIH/SIDA d’autres aspects en termes d’éducation, de réduction de la vulnérabilité des jeunes. Pendant les quatre (4) années nous avons travaillé à donner l’information suffisante, mais en travaillant, nous nous sommes rendus compte qu’il y a d’autres facteurs qui rendent les jeunes beaucoup plus vulnérables : éducation, alphabétisation...

A combien se chiffre le coût des activités que vous avez menées en 2005 ?

(B.B) : En 2005, nous avons pu mobiliser 144 millions de FCFA avec l’ensemble de nos partenaires. Nous avons justifié l’ensemble de cette somme. Une autre conclusion de l’Assemblée générale, c’est le changement de dénomination et la relecture des statuts et règlement intérieur du réseau et enfin, le renouvellement de l’instance dirigeante pour permettre au réseau d’être dans cette nouvelle dynamique.

Alors, le RAJS a changé de dénomination pour devenir le Réseau Africain Jeunesse Santé Développement. Pourquoi ce changement ?

(B.B) : Vous savez que quand vous créez une organisation, c’est comme une entreprise. Dans un premier temps, vous vous fixez des objectifs. Notre objectif, c’était de mobiliser les associations pour coordonner la réponse contre le VIH/SIDA. Nous avons relevé ce premier défi qui est de faire en sorte que les jeunes s’approprient les concepts sur le VIH/SIDA.

Mais comment les jeunes doivent utiliser ces informations pour produire un changement de comportement. De par le passé nos stratégies d’intervention ne prenaient pas cela en compte. Le RAJS ne faisait pas de programme de promotion de l’éducation de lutte contre l’analphabétisme par exemple. Alors que l’analphabétisme justifie aussi pourquoi la plupart des jeunes restent toujours ignorants ou ont de faibles capacités de négociation du port du condom ou sont vulnérables face à la pression sociale, économique...

Après cette analyse, nous avons conclu qu’il faut revoir l’orientation du réseau. Au lieu d’avoir le VIH/SIDA de façon verticale, il était mieux pour nous d’intervenir sur le VIH/SIDA de façon horizontale pour permettre à ce qu’on prenne en compte les besoins en éducation, en alphabétisation des jeunes et les besoins de réduction de la pauvreté en milieu jeune. Si le jeune n’a pas d’argent, comment il peut se procurer un condom par exemple... Nous devons donc travailler à créer un environnement social, économique et politique favorable pour l’évolution du jeune afin de lui permettre de préserver sa santé.
Pour nous, pour traiter les questions du VIH/SIDA au sein de la jeunesse, il est bon que nous puissions prendre en compte leur contexte social, économique...

L’appellation RAJS reste alors que le contenu change...
(B.B) : Vous savez que dans l’appellation d’une organisation, c’est le contenu qui est important. Nous avons commencé avec un label - RAJS c’était SIDA. Au départ effectivement et aujourd’hui c’est le SIDA qui nous préoccupe.

Mais c’est une question d’arriver à intégrer d’autres éléments. Pour ça nous n’avons pas besoin de bouleversements comme si c’était une nouvelle organisation. Non ! c’est un RAJS plus. C’est pour ça que nous avons préféré garder RAJS et le « D » est masqué.

La question de la Santé de la reproduction des jeunes préoccupe aussi votre réseau.

(B.B) : Vous savez à partir de la conférence du Caire en 1994 quand on définissait la santé sexuelle et reproductive, vous avez les IST en premier lieu et aujourd’hui, le SIDA est la plus grande des IST. Donc le SIDA est une maladie sexuellement transmissible.

Si par exemple, vous parlez à une jeune fille qui est dans un cadre familial ou scolaire, pourquoi ne pas lui donner l’information sur la prévention au VIH/SIDA mais en même temps lui dire quand l’utiliser aussi pour éviter une grossesse non désirée et quand tu évites une grossesse non désirée, tu améliores ton taux scolaire, tu évites d’être prostituée et tu évites d’être chassée de la famille...
C’est un ensemble de faits bien liés. Nous nous sommes rendus compte qu’il est illusoire de mettre l’accent sur le VIH/SIDA seulement sans donner les autres informations sur la sexualité de façon globale, sur la planification de façon globale, les méthodes contraceptives...

Au regard de cette situation et comme nous voulons que la nouvelle génération soit une génération apte au développement humain durable, il faut prendre en compte les problèmes de population. Et si vous voulez résoudre les problèmes de population, il faut s’attaquer à la santé sexuelle et reproductive des jeunes.
Il faut faire ces liens pour aller de l’avant. Quand les jeunes ne sont pas bien, le pays se porte mal. Ce sont eux les plus nombreux.

Quels sont vos rapports avec les partenaires ?

(B.B) : Dieu merci, nous n’avons pas eu beaucoup de problèmes avec les partenaires. Au RAJS nos trois richesses : notre engagement, notre conviction et notre passion pour ce que nous faisons amènent tous les partenaires à nous soutenir dans notre combat.
Avec l’appui des médias, nous arrivons à démontrer à nos partenaires qu’on ne prend pas des centimes pour les mettre ailleurs. Quand on les prend, on les met là où il faut et on les justifie convenablement.

Au RAJS, on ne donne pas l’argent aux gens main à main, nous procédons à des conventions. C’est une question de transparence. Notre évaluation a d’ailleurs permis aux partenaires de savoir ce que nous faisons, les activités que nous menons. Nous avons aussi des relations privilégiées avec les autorités.
Pour nous société civile ne veut pas dire être en guerre avec l’autorité.

C’est lui dire ce que tu peux faire en plus de ce qu’elle doit faire. En ce moment, vous êtes des partenaires pour résoudre les problèmes d’une même population.
Notre partenariat avec le gouvernement renforce notre partenariat avec les partenaires au développement. Nous développons de bons rapports à tous les niveaux.

On dit que l’argent de la lutte contre le VIH/SIDA ne profite qu’aux acteurs de cette lutte. Les malades n’en profitent pas. Quel est votre avis ?

(B.B) : Je crois que ceux qui le disent, ont souvent raison mais ce n’est pas une bonne raison. Quand les gens voient les ateliers, les séminaires, ils croient que c’est de l’argent qu’on aurait pu donner aux malades.

Or quand vous voulez gérer une situation de crise, il faut renforcer les compétences des hommes et des femmes chargés de résoudre cette crise. Au RAJS nous ne pouvons pas envoyer une association sur le terrain pour des activités de changement de comportement sans les former. Si on ne la forme pas, on ne lui donne pas de compétences nécessaires...
Ceux qui ne savent pas croient effectivement que les associations font beaucoup plus de conférences, d’ateliers et ne donnent pas l’argent aux malades... quand il arrive qu’on donne de l’argent à certains, ils font autre chose avec.

Pour la scolarité par exemple, quand on donne l’argent des OEV à certains parents, ils font autres choses.
Ce sont des constats de terrain. Dans les pays où on « bouffe » l’argent, les partenaires crient au détournement et on bloque les programmes. Au Burkina ce n’est pas le cas.

Des voix s’élèvent pour réclamer la gratuité des ARV au Burkina. Quel est votre point de vue sur la question ?
(B.B) : Je suis d’accord qu’on dise qu’on prenne en charge gratuitement des groupes très vulnérables avec un circuit bien déterminé. Mais ça c’est pas gratuit, il y a quelqu’un qui paie à quelque part. Même les pays qui ont pris la décision de la gratuité ont des problèmes aujourd’hui. Donc, il faut une contribution quelque part. Il faut qu’on voie des partenaires qui vont s’engager à payer la contre-partie... Nous, nous avons un autre combat.

C’est de donner l’information aux Burkinabè sur le circuit de la prise en charge. Comment un séropositif aura l’information nécessaire, quelle est la structure sanitaire habilitée... C’est ce combat que nous devons mener. Aujourd’hui, on ne peut pas déclarer la gratuité de la prise en charge...

Mais il y a des fonds pour cette éventualité...

(B.B) : Non... Vous savez que quand on rend la prise en charge gratuite, il faut que le système sanitaires sorte au même niveau de la gratuité.
Si les formations sanitaire n’ont pas tous les appareillages nécessaires pour assurer le contrôle biologique de tous ceux qui prennent les ARV, nous allons aller très vite à la catastrophe. Il y a des gens qui travaillent dans la lutte contre le VIH/SIDA mais qui ne maîtrisent pas tous les éléments techniques de la prise en charge.

Ce sont eux qui crient à la gratuité des ARV. Il ne faut pas voir la souffrance des malades et les envoyer à l’abattoir. Non ! il faut s’assurer que quand tu veux donner gratuitement des ARV à un malade, tu vas le faire toute sa vie. La prise en charge n’a pas un temps pour s’arrêter tant qu’on ne trouve pas le vaccin thérapeutique. Si aujourd’hui, le Burkina met tous ses malades sous ARV et que dans deux ans la Banque mondiale dit quelle n’a plus d’argent pour ça, l’UNICEF, l’OMS... disent la même chose et que le budget de l’Etat ne permet pas de le faire... qui va gérer. Le réalisme doit primer sur cette question de la gratuité des ARV.

Je suis d’accord qu’on définisse des critères de vulnérabilité et des partenaires même privés s’engagent à les aider. On voit par exemple chaque année, Alizéta GANDO finance chaque année les ARV à coût de millions, c’est ça qu’il faut encourager. C’est ça que les gens doivent faire. Les gens ne peuvent pas amener le Burkina, pays pauvre qui a tous les problèmes du monde à proclamer la gratuité des ARV. On n’arrête pas les ARV dans la vie quand on commence. C’est ça qui est délicat, sinon c’est très simple de proclamer la gratuité des ARV...

Quels sont les prochains chantiers du RAJS ?

(B.B) : Pour nous c’est d’abord de finaliser le siège du RAJS. C’est de pouvoir doter le réseau d’une infrastructure qui nous permet d’être autonome afin de pouvoir mettre en œuvre notre plan quinquennal pour qu’à la fin toutes nos structures soient autonomes sur tous les plans.

Ainsi nous aurons accompli notre mission de doter le RAJS d’une assise d’organisation de développement pour que ceux qui vont nous remplacer n’aient pas à balbutier sur le terrain.

Interview réalisée par Ben Alex BEOGO

L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 18 mai 2006 à 09:52, par thiof En réponse à : > Bayomboué BAKIONO, coordonnateur national du RAJS : “Sur la question de la gratuité des ARV, le réalisme doit primer”

    Mr le coordinateur national de je ne sais quoi ? au lieu de penser à faire des seminaires pour changer de nom pensez plutot à comment faire pour rendre gratuit les ARV.
    Je ne suis pas contre vos seminaires,mais là ou je ne suis pas d’accord c’est de se reunir pour ne rien faire.
    c’est pas parceque le burkina est un pays pauvre qu’il ne peut pas rendre gratuit les ARV,allez y pendre des cours au Senegal.
    Si au moins vous maitrisez votre programme vous devriez vous rendre compte que ce n’est pas la banque mondiale seulement qui peut subventionner les ARV,allez y negocier directement avec les labos comme l’a fait un certain pr a savoir PAPA SALIF SOW.

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