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Caucus genre du parlement : Ce que femme veut, Rock voudra

Publié le jeudi 18 mai 2006 à 08h44min

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Le député Ousséni Tamboura

C’est par une décision du président de l’Assemblée nationale qu’a été créé le caucus genre. Les hommes et femmes du comité composé de 27 députés se sont donné pour mission de travailler pour une participation efficace des femmes à la vie de l’Hémicycle et à la vie politique du Burkina.

Parmi ces mousquetaires défenseurs des droits des femmes, se situent en bonne place nos invités, Ousséni Tamboura, député ADF-RDA, président de la Commission de l’emploi, des affaires sociales et culturelles (CEASC) et Salif Ouédraogo (UNDD) qui a en charge le suivi de cette proposition de loi qui sera bientôt soumise à l’appréciation des parlementaires, et qui portera sur un système de quota de 30% au bénéfice des femmes dans les mandats électifs et nominatifs.

On se rend compte que cette fois-ci encore, ce sont les hommes qui sont au devant des choses pour défendre les intérêts des femmes. La preuve, nous n’avons que des interlocuteurs hommes devant nous actuellement pour cette question du genre. Pourquoi ? Etes-vous plus royalistes que le roi ?

Non, pas du tout ! Dans le caucus genre, il y a une vingtaine à une trentaine de députés parmi lesquels beaucoup de femmes députés. Au niveau du bureau du caucus, il y a une femme qui est vice-présidente.

Il y a des femmes qui sont à la commission du plaidoyer, et d’autres qui sont impliquées dans la recherche des ressources financières. Mais ce n’est pas une question d’homme ou de femme. Le quota, c’est une question de justice sociale et de lutte contre la discrimination.

Partout où l’on constate qu’une minorité est brimée, il faut s’élever contre cet état de fait. C’est en cela que ces femmes nous ont fait confiance pour mener à bien cette mission.

Quelque part, n’êtes-vous pas en train de vouloir imposer des lois calquées sur l’Occident ?

C’est surtout une question de justice sociale et de nécessité. On ne peut pas continuer à attendre que naturellement les choses se fassent. Nous sommes dans un pays analphabète et pauvre.

Si nous voulons que les femmes atteignent un certain niveau de développement et de maturité politique pour leur faire une place, cela prendra des décennies et des décennies. Il faut une égalité des chances !

En tant que représentation du peuple, nous devons susciter le débat pour corriger les disfonctionnements. Ce n’est pas pour mettre les charrues avant les bœufs ! Il faut souvent anticiper les choses.

Il ne faut pas toujours attendre que ça arrive naturellement. Pendant ce temps, on perd des ressources et des compétences qui ne sont pas maximisées. Promouvoir les femmes, ce n’est pas un moins. C’est toujours un plus.

La notion de parité rencontre l’opposition d’une certaine opinion en Europe, particulièrement chez les libéraux. Qu’en pensez-vous ?

C’est une question de courants politiques. Les libéraux pensent qu’il n’y a pas de raison qu’il y ait de discrimination positive. Ils partent du principe que nous sommes égaux et que les femmes, au même titre que les hommes, doivent se battre pour obtenir leurs postes.

Et pour eux, instaurer un quota risquerait de fausser la démocratie. Beaucoup de pays européens par contre ont encouragé le pouvoir des femmes. Surtout les pays scandinaves. La France a vu aussi la nécessité de promouvoir la femme.

Même si la règle du jeu n’est pas respectée, c’est au moins une tentative de promouvoir le rôle des femmes. La France est arrivée à promouvoir la parité ! Il y a des politiques qui ont promis qu’aux prochaines élections législatives en France, cette parité-là serait respectée.

Justement, avec les dernières élections municipales, est-ce que vous avez senti une évolution dans la notion genre ?

Oui, nous sentons que de plus en plus, beaucoup de partis politiques positionnent des femmes. Il y a même des partis qui ont respecté un système de quota, d’autres des listes alternées. Mais ce n’est pas encore suffisant.

Au niveau local, c’est bien, mais il faut que ça se répercute au niveau national. Il faudrait qu’au niveau exécutif aussi, les femmes apparaissent.

Lorsque les femmes vont remarquer qu’il y en a d’autres au niveau comme des femmes députés, ministre ou qui occupent d’autres hautes fonctions, ça peut être une source de motivation pour elle.

Ces femmes peuvent servir de modèle à leurs sœurs qui pensent que la politique est un milieu d’hommes ou un milieu de méchants ou de coups bas. Il faut des pionnières. Et puis nous n’avons aucun critère pour prouver que ces femmes sont moins méritantes. Il n’y a pas de test d’évaluation.

Cette proposition de loi va passer comme une lettre à la poste au niveau de l’Assemblé. Mais ne peut-elle pas créer des effets pervers comme des choix de complaisance tout simplement parce qu’il faut 30% de femmes dans telle structure ?

Ce n’est d’abord pas évident que cette loi passe à l’Assemblée nationale. Nous sommes un groupe de parlementaires de tous bords, majorité comme opposition, qui avons pensé que nous devons poser un acte fort de promotion d’un droit civique qui est le droit des femmes.

L’Assemblée nationale étant composée de 111 députés, il n’est pas sûr qu’une fois cette loi proposée, elle soit adoptée. Nous nous battons pour que nos collègues aient la même approche que nous. Mais la loi n’est pas là pour l’éternité.

Elle est temporaire et conjoncturelle. A un moment donné elle peut ne plus avoir sa raison d’être ! Avec le temps, il y aura un effet d’entraînement qui fera qu’on n’aura plus besoin d’elle. C’est d’ailleurs notre souhait.

Nous pensons qu’il faut un début, il faut une loi, parce que si nous laissons cette initiative uniquement aux partis politiques, ce sera difficile qu’elle aboutisse parce qu’il y a des réticences d’origine diverses : politiques, culturelles ou sociales.

Il faut qu’ensemble, nous imaginions des stratégies pour que chaque parti politique accepte de positionner des femmes dans ses instances de décision et sur ses listes électorales.

La proposition de loi prévoit un financement supplémentaire aux structures qui acceptent de se plier à la loi qui sera votée. Comment se fera ce mécanisme ?

Il faut motiver les différents acteurs à promouvoir les femmes. Et les acteurs les plus importants sont les partis politiques.

La première des choses, c’est des moyens pour leur permettre de trouver des candidates, de les sensibiliser, de les former, de les encadrer et de leur donner des missions sur le terrain.

En un mot, il faut les mettre de niveau : leur apprendre à s’exprimer en public et à avoir un langage politique. Cela ne se fait pas les poches vides. Dans le caucus, la proposition de loi a prévu donc ce volet pour appuyer les partis qui accepteront de jouer le jeu.

A quel moment prévoyez-vous le dépôt de cette proposition de loi ?

Nous allons tenir un forum à la fin de ce mois, qui va rassembler les partis politiques, la société civile, les religieux, les chefs traditionnels, les partenaires au développement. Nous attendons de tirer les conclusions de ce forum pour déposer la proposition de loi avant la fin de cette session parlementaire.

Soit dit en passant, on est agréablement surpris d’avoir devant nous un de l’ADF-RDA et de l’UNDD qui veulent lutter pour une cause commune. A propos, quelle est l’ambiance de travail dans le caucus genre, quand on sait qu’il regroupe des politiciens de toutes tendances qui, souvent, ne veulent pas se voir même en peinture ?

Vu du dehors, les gens pensent qu’à l’Assemblée nationale, nous sommes des ennemis. Nous pensons pouvoir transcender nos clivages politiques lorsque la cause est nationale.

Quand une cause est juste, d’où qu’elle provienne et quel que soit son bord politique, il faut la soutenir. De plus en plus à l’Assemblée, les députés se départissent de ces positions partisanes pour aller renforcer le camp qui permet d’avancer en matière de justice sociale, en matière d’approfondissement de la démocratie.

Et je pense que l’acte du caucus va dans ce sens. Dans le cadre d’une concertation et avec le respect mutuel, nous voulons qu’un consensus se dégage.

C’est pour vous dire que si nous arrivons à faire aboutir cette proposition de loi, en tant que parlementaires nous pensons que c’est pour nous, l’acte le plus important et le plus historique que nous aurons posé pendant cette législature.

Entretien réalisé par Issa K. Barry

L’Observateur Paalga

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