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Révision de la constitution nigériane : Le « no » du Sénat au général Obasanjo

Publié le jeudi 18 mai 2006 à 08h34min

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Obasanjo

La pratique est entrée dans les mœurs de la plupart des pays africains : modifier la Constitution pour permettre au chef d’Etat de rempiler à loisir, tel un roi à la tête de son empire.L’on n’a pas besoin d’aller loin de chez nous pour en donner des exemples illustratifs.

Le dernier en date, ou du moins celui qui faillit en être un, c’est celui du gendarme de l’Afrique, le généralisme Olusegun Obasanjo ; lui qui, n’eût été la clairvoyance du Sénat, aurait simplement continué à se la couler douce dans les salons feutrés d’Abuja en 2007.

Car, en effet, notre « gentleman », même s’il ne le clame pas personnellement sur tous les toits, ambitionnait intérieurement, par partisans interposés, de tailler la Constitution à sa mesure.

Heureusement, serait-on tenté de dire, le Sénat du pays le plus peuplé de l’Afrique de l’Ouest a rejeté, par acclamation, le mardi 16 mai 2006, le projet de réforme présenté le 11 avril 2006 par le camp Obasanjo, mettant fin pour le moment aux ambitions monarchistes de l’officier supérieur nigérian.

En rappel, une Commission parlementaire avait recommandé, en début mars 2006, une modification de la Constitution du Nigeria de 1999, qui limite à deux les mandats présidentiels, de quatre ans chacun.

Les partisans du président et le Parti démocratique des peuples (PDP, au pouvoir) avaient donc publiquement appelé à la prolongation du mandat d’Olusegun afin de lui permettre de « terminer son programme de réforme économique ».

Mon œil ! En d’autres termes, 8 ans d’exercice du pouvoir ne suffiraient pas, à leurs yeux, à l’homme fort d’Abuja pour réaliser son rêve de « réforme économique », à tel point que, faute d’homme capable, les réformistes n’aient trouvé mieux que de tailler la Constitution à la mesure de leur maître.

Et comme beaucoup de nos dirigeants africains sont nés après la honte, le mandat présidentiel est une mine d’or qu’avalisent toujours des populations considérées comme un « bétail » électoral dont on dispose à chaque scrutin ; mais dans le cas d’Olusegun Obasanjo, qui s’est fait un grand défenseur de la démocratie dans des pays où des présidents furent éjectés de leur fauteuil par des militaires trop ambitieux, c’est comme un couperet que tout bon démocrate ne saurait cautionner.

Que dire encore de cette image forte, qui marquera toujours les esprits des bonnes gens, d’un Obasanjo ramenant dans son avion, en juillet 2003, le président de Sao Tomé et Principe, Fradique de Menezes (bras dessus bras dessous, comme un fils égaré) pour le réinstaller dans ses fonctions, n’en déplaise aux putschistes dirigés par le commandant Fernando Pereira ?

Perçu jusque-là comme un héros et un grand démocrate, le président nigérian vient de s’afficher en « Général caméléon » à travers cette tentative de modification de la loi pour se maintenir au pouvoir.

Heureusement que de vrais démocrates, il en existe encore sous nos cieux. La fessée du Sénat administrée à Obasanjo et ses partisans n’est que justice rendue à l’ensemble des Nigérians, voire des Africains.

Le « monstre », comme ce projet de modification de la loi en 116 points, on pourrait ainsi le nommer, a été vaincu, du reste pour le moment, avec l’espoir que cela dissuadera le gourou du Nigeria et son PDP de revenir à la charge.

Au moins, si cette leçon nigériane pouvait servir à bien de dirigeants avides de pouvoir, l’Afrique se débarrasserait enfin de ses putschs, rébellions et conflits pour amorcer réellement son développement.

Et c’est bien dommage que dans certains pays (Burkina Faso, Togo, Cameroun, etc.) où on a tordu le cou à la Constitution, les auteurs aient rejoint encore leur palais.

Au-delà de cette victoire éclatante et soulageante, il faut saluer le système du Nigeria, qui ressemble à une forteresse dressée en 1999, comme pour mettre un terme aux putschs incessants que connut le pays depuis son indépendance.

On se souvient d’ailleurs que le démocrate Obasanjo en avait été un des éminents fomenteurs. Pour ceux qui ne sauraient pas, cette Constitution-forteresse stipule, en certains de ses articles, que tout projet de réforme constitutionnelle doit obtenir l’aval, à la majorité des deux tiers, du Sénat (109 membres) et de la Chambre des représentants (360 députés), et de 24 des 36 Etats de la fédération.

Et dès le premier pas d’Obasanjo, les Nigérians ont secoué leur tête en disant : « Mon Général, pas un pas de plus, not that ! ».

Espérons seulement qu’il ne se croira pas dans une caserne, où le vouloir du supérieur est le seul qui tienne.

Cyr Payim Ouédraogo

L’Observateur Paalga

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