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Cinéma national : Proposition pour une sortie de crise

Publié le mercredi 17 mai 2006 à 07h58min

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L’appel à privatisation du cinéma national qui annonce en fait que c’est à cloche-pied que le Burkina se rend au prochain Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (FESPACO) est aussi l’occasion pour chacun d’apporter sa contribution pour une sortie de crise qui laisserait sauf, l’honneur de la nation.

La crise actuelle de la fréquentation des salles de cinéma au Burkina est la résultante de choix malheureux dans la répartition des priorités. En effet, toute dynamique cinématographique se joue autour de trois axes principaux qui sont la production, la distribution et l’exploitation. Malgré le quasi monopole dont elle disposait, la défunte SONACIB n’a pas su importer des films suffisamment attrayants pour susciter, entretenir ou accroître l’engouement des populations pour le cinéma.

Les repreneurs "professionnels" de la filière n’ont su ni valoriser l’exploitation ni améliorer la distribution. Le résultat de toutes ces insuffisances est un cinéma qui marque le pas dans un environnement cinématographique qui "fout le camp", chose gravissime dans une capitale du cinéma. Que faire pour sortir de l’ornière ? La solution existe et elle vient du passé car il y a eu des moments ou le cinéma national se portait bien et a même permis de financer certaines productions cinématographiques nationales.

Pourquoi ne pas privatiser nos salles de ciné ?

Ce serait donc à la limite une grave erreur que de privatiser les salles de cinéma national à l’étape actuelle où il se trouve car privatiser signifie rétrocéder à une tierce personne, laquelle personne ne reprend qu’en vue d’en tirer profit. Or, des professionnels l’ont montré, dans sa forme actuelle le cinéma n’est pas un business rentable. Il l’a été et il peut l’être. C’est cette étape qu’il faut formaliser avant d’en confier les destinées à des privés, autrement, le schéma est simple. Monsieur X qui a racheté une salle de cinéma s’aperçoit très rapidement qu’il n’en tire aucun profit. Pour se sortir d’affaire, il érige un hôtel sur le parking, transforme la salle de projection en bar restaurant, salle de conférence et brade les sièges à une école privée de la place.

Si deux autres opérateurs procèdent comme lui, c’est le cinéma national qui en prend un coup sans autres formes de procès. La privatisation n’est pas une mauvaise chose, mais elle doit être faite selon des règles et la pierre angulaire de ces règles est de montrer à l’éventuel repreneur qu’il rachète une activité qui rapporte et lui indiquer comment elle rapporte. Pour montrer comment on peut s’inspirer du passé pour sauver le présent, un exemple très simple.

Dans les années 70 à 75, à l’époque où la "place des indiens"* faisait 40 F CFA, il était marqué sur les tickets d’accès aux salles : "Trésor public". Ces billets étaient donc émis directement par le Trésor qui après vente versait une partie des recettes à un fonds destiné à la promotion du cinéma, et répartissait scrupuleusement le reste entre droits d’auteur, exploitants et autres selon les pourcentages qui ont été convenus.

Cette façon de faire, tout en permettant à l’exploitation cinématographique de rester saine, a favorisé l’émergence de nouveaux talents dans la production grâce aux financements rendus disponibles à travers le fonds pour la promotion du cinéma. Des technocrates audacieux ont jugé judicieux de bousculer ce schéma, mais compte tenu des résultats auxquels ils sont parvenus, il n’y a aucune honte à faire machine arrière si cela peut permettre de sauver les meubles. En résumé, la billeterie est un aspect vital si l’on veut promouvoir une renaissance du cinéma national.

En confiant l’émission des tickets d’entrée au Trésor public, il devient alors possible d’avoir une vue précise sur les ressources générées par le cinéma. Cette disposition crédibilise la distribution en lui apportant en partie la caution de l’Etat et last but not least, permet d’indiquer à un opérateur désireux de reprendre une salle pour exploitation quel pourcentage lui sera versé par ticket vendu etc.

C’est de ce genre de visibilité qu’un opérateur a besoin pour évaluer la pertinence de son engagement. Autrement une privatisation tous azimuts ne ferait qu’enfoncer davantage le cinéma national dans la gadoue.

C’est aux technocrates de réfléchir et en attendant leur conclusion et... le prochain FESPACO, il est peut-être bon de rappeler que l’échec est à bannir de leur vocabulaire. Bon vent tout de même et à un de ses jours dans une salle de ciné.

Luc NANA

L’Hebdo

* Place des indiens ou indienna dans le jargon des Bobolais désignait la troisième classe où de longs bancs en terre recouverte de ciment tenaient lieu de sièges. L’indienna était le coin de prédilection des collégiens et lycéens.

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