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Côte d’Ivoire : Quand Banny parle, Gbagbo aussi veut parler

Publié le mercredi 17 mai 2006 à 08h04min

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Très cher neveu, on a beau dessaisir Gbagbo d’une grande partie de ses prérogatives, son obsession à prouver qu’il demeure une pièce maîtresse dans l’arène politique ivoirienne reste intacte. A peine le Premier ministre a-t-il annoncé le début, pour demain, des opérations de désarmement des groupes armés et d’identification des populations, que Gbagbo a sauté sur l’occasion pour préciser qu’il livrerait un message à la Nation sur le même sujet.

Comme quoi, en Côte d’Ivoire, la politique rime avec "ton pied mon pied". Pourvu que ce tango aboutisse à quelque chose de concret dans la résolution de la crise. Il n’y a pas longtemps, le même Gbagbo, répliquant aux propos du Premier ministre, disait qu’il défiait quiconque de pouvoir mener concomitamment identification et désarmement. Une manière à peine voilée de dire qu’il ne ferait rien qui pût aider à mener à bon terme cette opération.

On sait que Gbabgo milite d’abord pour le désarmement avant toute opération de recensement. En fait, nous pensons ici que le recensement est non seulement aussi important que le désarmement, mais également plus facile à mener. Plus grave est l’absence de cette identification, source de toutes les dérives. Le Premier ministre a été on ne peut plus clair à ce sujet. Le recensement n’a pas pour but de permettre, comme le soutient le camp présidentiel, aux étrangers de voler la nationalité ivoirienne. Son objectif est de donner une nationalité à des Ivoiriens qui, du fait qu’ils sont sans-papiers, sont, de fait, des étrangers chez eux.

Comme tu le vois, il est plus aisé de faire le décompte de sa population que d’amener les gens à désarmer, surtout quand on ne s’est pas attaqué aux causes qui les ont conduits à se révolter.

Dans la pratique, il s’agit d’une équation compliquée. Si l’armée des Forces nouvelles est une entité bien organisée, il n’en est pas de même des milices de Gbagbo, ces nébuleuses qui avancent masquées. On l’a vu tout récemment. Un convoi qui conduisait la numéro 2 du RDR, Henriette Diabaté, a été pris à partie par des "Patriotes". Démenti formel de l’entourage de Gbagbo qui a estimé n’être au courant de rien. Qui leur avait donné l’ordre d’agir ainsi ? En plus, comment expurger de l’armée nationale les brebis galeuses et les mercenaires qui l’ont infiltrée afin d’en faire une armée républicaine ?

Certes, en Afrique, on a vu des exemples réussis de désarmement. D’anciens rebelles ont déposé les armes, en contrepartie d’une indemnisation qui leur permette de se réinsérer dans la vie civile.

Encore faut-il qu’une telle indemnité soit conséquente et nourrisse son homme. Ceux qui persistent à garder leur arme par-devers eux ne sont pas prêts à la lâcher pour l’ombre. En effet, à quoi bon remettre sa Kalachnikov pour des pécadilles alors qu’on pourrait gagner sa vie en braquant des voyageurs ou en cambriolant des banques ? D’ailleurs, l’expérience a prouvé que là où on a suscité des milices, on a créé aussi le goût du pouvoir, et ces groupes armés n’ont pas hésité à passer du statut de subordonnés à celui de maîtres du jeu politique.

Avant de terminer, cher neveu, tu as dû apprendre, comme moi, qu’au cours d’une réunion internationale consacrée au cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur, des délégués ivoiriens ont pointé un doigt accusateur sur le Burkina. Le péché de notre pays, selon eux, ce serait selon l’acte d’accusation, d’être désormais une "république cacaoyère", exportatrice de ce produit sans en cultiver. Je pense qu’il faudrait être juste. Le Burkina n’est qu’un pays de transit du cacao. Ceux qui s’en plaignent savent quels sont ceux qui font transiter le cacao par le Burkina.

Nous reprocher de profiter des retombées de ce commerce relève d’une étroitesse d’esprit. Evidemment, on les comprend, sans toutefois les excuser ; certaines autorités ivoiriennes n’ont jamais manqué l’occasion de diaboliser le Burkina. A telle enseigne que l’on se demande si elles ne sont pas tout simplement contre le développement de notre pays. Depuis que des études avaient prouvé que la transformation du beurre du karité donnait un excellent chocolat, les Ivoiriens étaient montés sur leurs cacaoyers pour mener une campagne d’hostilité à l’encontre du Burkina. D’ailleurs, dès lors que les chercheurs burkinabè cherchent et trouvent, selon nos responsables, je ne sais pas pourquoi on ne mènerait pas des études pour voir les possibilités d’adaptation de cette plante à notre sol.

Très cher neveu. J’allais oublier de te dire que les politiciens ivoiriens, au lieu d’aider honnêtement le Premier ministre à gérer le peu de temps qui reste pour sortir de la crise, croient naïvement que le temps va suspendre son vol et obéir à leurs caprices.

Ton oncle

Le Pays

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