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Abdou Diouf au Canada : La Francophonie et... l’Afrique déshabillées

Publié le mardi 16 mai 2006 à 08h34min

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Abdou Diouf

« Un accueil douteux ». C’est sous ce titre laconique que la presse canadienne évoque les conditions dans lesquelles le secrétaire général de la Francophonie et ex-président du Sénégal, Abdou Diouf, a été accueilli à son arrivée mercredi dernier au Canada.

Venu présider une réunion ministérielle de la Francophonie, M. Diouf a été soumis à une fouille corporelle car, ceux qui l’attendaient à son arrivée étaient certainement des personnes subalternes, peu au parfum des bons usages diplomatiques... Le gouvernement canadien parle d’« incident regrettable ». Cette réaction, loin de satisfaire les autorités sénégalaises, a plutôt suscité leur vive indignation.

Venant du Sénégal, cette attitude n’est pas étonnante. C’est l’un des rares pays africains à exiger d’être traité avec les égards dus à un Etat souverain et, de surcroît, démocratique. On a encore en mémoire la mesure de réciprocité prise par Dakar contre des Français en situation irrégulière au Sénégal, en réponse à une vague d’expulsions de Sénégalais vivant dans l’Hexagone.

Les relations internationales empreintes de cordialité que bien des dirigeants appellent de leurs voeux passent aussi par un respect mutuel des hommes et des institutions. Or, si les pays africains font l’effort d’obéir à toutes les exigences protocolaires quand ils reçoivent des hôtes de marque occidentaux-et parfois même des personnalités de second rang-tel n’est pas le cas dans le sens inverse. On a rarement vu un chef d’Etat européen ou américain accueillir son homologue africain au bas de son avion, ce qui est impensable lorsque Bush, Chirac ou Blair ont le temps de se rendre en terre africaine.

Dans sa protestation, le ministre sénégalais des Affaires étrangères rappelle d’ailleurs fort à propos le « contraste saisissant » entre les « traitements irrévérencieux » subis par le président Diouf et « les honneurs rendus à M. Jean Chrétien, ancien premier ministre du Canada, lors de sa récente visite au Sénégal, il y a juste quelques semaines ».

M. Diouf n’est pas seulement un ancien chef d’Etat. Il est aussi le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie à laquelle, jusqu’à preuve du contraire, le Canada a toujours apporté un soutien précieux. Nul ne peut nier le rôle éminent de ce pays dans la construction d’un espace francophone solidaire. Alors, pourquoi cette maladresse diplomatique ?

L’arrivée des conservateurs au pouvoir marque-t-elle une rupture de ce lien qui unit le Canada à la Francophonie ? On n’est pas loin de le penser, au regard de l’ampleur prise par l’affaire, sur le plan intérieur. Le parti libéral, désormais dans l’opposition, a crié au scandale et embouché la même trompette que le Sénégal, à savoir l’obligation pour le gouvernement de présenter ses excuses au président de l’OIF.

Un député libéral, dans la même lancée, estime que le gouvernement aurait dû envoyer la ministre de la Francophonie à la rencontre de M. Diouf. Bref, le Sénégal, l’Afrique, et les francophones ont eu des avocats au Canada. Bien que cette levée de boucliers de l’opposition ait un fort relent de politique intérieure, il n’en demeure pas moins qu’elle reflète le malaise d’un Canada partagé entre son identité francophone et anglo-saxonne.

Du reste, un député libéral ne s’y est pas trompé, qui s’est demandé si c’est la nouvelle façon du premier ministre, Stephen Harper de respecter les francophones du Canada, « que de ne pas accueillir avec tous les égards, celui qui incarne la défense du fait français dans le monde ». Reste à savoir si le gouvernement Harper prendra toute la mesure de l’indignation des Sénégalais et du ressentiment des Africains face au traitement réservé à leurs dirigeants.

Au-delà du pays de la Teranga, cette affaire interpelle toutefois tout le continent africain qui doit exiger, de plus en plus, de ne plus être pris pour quantité négligeable. Il est vrai que leur situation de pauvreté rend les pays africains dépendants, mais doivent-ils pour autant continuer à subir ces humiliations qui ne les grandissent pas ? Il y a sans doute un sursaut à opérer, qui passe par le développement du continent.

Si les Asiatiques et, aujourd’hui, les Sud-Américains, se font respecter, c’est par la force du travail. Il n’est guère d’autre secret pour mériter la considération de l’Occident que de ne plus lui tendre nos mains de misérables. Mais les dirigeants, habitués à la facilité de l’« aide », pourront-ils faire violence sur eux-mêmes en imaginant des politiques hardies de développement ?

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 16 mai 2006 à 17:59, par KBB En réponse à : > Abdou Diouf au Canada : La Francophonie et... l’Afrique déshabillées

    Je suis un Africain vivant au Canada et j’ai suivi de près cette actualité. Je félicite Le Pays pour cet article.

    Je ne me laisse pas divertir par la version politico-politicienne que le Gouvernement canadien tente de donner pour manipuler son opinion publique interne et ses médias. Cet acte est une humiliation de l’Afrique toute entière. En plus de la fouille, il y a eu un interrogatoire et des propos irrespectueux de la part des agents canadiens.

    Je suis d’accord avec Le Pays, il appartient à l’Afrique de forcer le respect par le travail et la bonne gouvernance qui nous conduira au développement, en comptant sur nos propres forces et non sur l’aide aliénante et humiliante.

  • Le 16 mai 2006 à 18:16 En réponse à : Le respect de l’Afrique passe par celui des africains !

    A CHAQUE AFRICAIN DE SE RESPECTER ET
    LE RESPECT ETRANGER VIENDRA DE LUI MÊME

    REGARDERZ AUTOUR DE VOUS ET VOUS VERREZ LA REALITE ?

    LA FACILITE, LES COURS CIRCUITS, LA CORRUPTIONS, LA MALHONETETE...

    CES MAUX NE SONT PAS LES PROPRES DE NOS CHEFS D’ETAT MAIS DE NOUS TOUS

    QUELLE HONTE DISAIT THOM SANK !

  • Le 17 mai 2006 à 16:24 En réponse à : > Abdou Diouf au Canada : La Francophonie et... l’Afrique déshabillées

    Il est temps ;ils est grand temps que l’Afrique et ses dignes représentants soit considéré. Sans l’Afrique, point de francophonie. Sans l’Afrique, point de marché pour les pays du Nord. Nous méritons le respect et nous devons l’exiger. Merci au Sénégal de nos rappeler que ce n’est pas en pliant l’échine tout le temps que nous serons considérés. Que d’autres gouvernements francophones prennent part à la danse et disent enfin les 4 vérités à ceux-la qui nous prennent pour de la merde.

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