LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Conseil municipal de Bobo Dioulasso : « La participation des 71 conseillers des villages rattachés est illégale »

Publié le lundi 15 mai 2006 à 08h12min

PARTAGER :                          

Le secrétaire administratif de la section provinciale du Houet de l’Union pour la République (UPR) pense que les 71 conseillers élus dans les 35 villages rattachés à la commune de Bobo Dioulasso ne doivent pas siéger au conseil municipal de cette commune à statut particulier.

Dans l’écrit qui suit, Amadou Traoré trouve qu’une éventuelle participation de ces conseillers au conseil municipal de Bobo foulerait au pied l’esprit de la Constitution et du Code général des collectivités territoriales. Pour lui, l’idéal serait d’élire un maire de la commune rurale, distinct du maire de la commune urbaine de Bobo Dioulasso pour les cinq années à venir.

Le scrutin municipal du 23 avril 2006 a consacré la communalisation de l’ensemble du territoire national dans le cadre du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

Dans la province du Houet, la situation de la Commune de Bobo-Dioulasso retient particulièrement notre attention pour les incertitudes que la mise en place d’un Conseil municipal irrégulier ferait courir à la ville.

Le scrutin a en effet permis l’élection de 84 conseillers dans les 3 arrondissements communaux, et 71 conseillers dans les 35 villages du département de Bobo-Dioulasso.

Des informations qui nous sont parvenues, il est probable que le Conseil municipal de Bobo-Dioulasso, pour la mandature en vue, sera constitué de ces 155 élus réunis, ce qui, en notre sens, serait contraire à la lettre et à l’esprit de la Constitution et de la Loi portant organisation de la décentralisation. Nous nous fondons pour cela sur différents ordres d’irrégularités.

Fondement probable de la participation des conseillers

Pour le cas où il surviendrait, la participation des conseillers du département au Conseil municipal de Bobo-Dioulasso ne se fonderait que sur le seul article 21 alinéa 2 du Code général des collectivités territoriales qui dispose que « Nonobstant les dispositions des articles 19 et 20 ci-dessus, les communes urbaines existantes à la date d’entrée en vigueur de la présente loi (il s’agit du CGCT) conservent leur statut. Leurs ressorts territoriaux sont étendus à ceux des départements dans lesquels elles sont situées ».

Cependant, les énonciations de cet article 21 sont tout autant tempérées par celles de l’article 27 alinéa 2 qui dispose que « Nonobstant les dispositions ci-dessus, les territoires des départements existants à la date d’entrée en vigueur de la présente loi sont érigés en communes rurales ».

En d’autres termes, le département de Bobo-Dioulasso doit être érigé en commune rurale, tout comme les 12 autres départements de la province.

Particularités de la commune de Bobo-Dioulasso

Deux (2) communes à statut particulier existaient à l’entrée en vigueur du CGCT par le Ddécret n° 2005-227/PRES du 14 avril 2005, et l’article 337 dudit code dispose quelles demeurent. Il s’agit de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso.

Tout en étant soumises aux règles générales applicables aux Communes, ces deux villes ont leurs spécificités. L’article 25 du Code général des collectivités territoriales dispose à cet effet que : « Les communes urbaines à statut particulier sont soumises aux règles générales applicables aux communes, sous réserve des dispositions de la présente loi et des autres dispositions législatives qui leur sont propres ».

Ces « dispositions législatives propres » expliquent l’irrégularité du rattachement direct des villages à la Commune urbaine à statut particulier.

Irrégularité du rattachement des villages au regard des textes

L’Article 18 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « II est institué deux types de communes :

- la commune urbaine ;

- la commune rurale. »

Au regard de cet article, la commune à statut particulier est une variante de la commune urbaine, dont la spécificité organisationnelle est posée par l’article 24 du Code précité disposant que « Les communes urbaines à statut particulier sont organisées en arrondissements regroupant plusieurs secteurs et villages ».

L’article 317 ajoute que « l’arrondissement est constitué de secteurs et peut comprendre des villages ».

En d’autres termes, c’est à l’arrondissement communal (qui est un démembrement de la commune à statut particulier aux termes de l’article 26 du CGCT) que les secteurs et les villages situés dans le ressort de la commune à statut particulier doivent être juridiquement liés, et non directement à la commune.

L’article 314 du Code général des collectivités territoriales tranche la question en disposant que « Le conseil municipal est l’instance qui réunit les conseillers des arrondissements de la commune à statut particulier ». Nul part il n’est question de villages ici, ou alors, ils devraient être préalablement rattachés à l’arrondissement.

C’est à la commune urbaine de type classique que les villages pourraient être directement rattachés dans les termes de l’article 20 du Code général des collectivités territoriales disposant que « Le territoire de la commune urbaine est organisé en secteurs et le cas échéant en villages ».

Mais tout rattachement d’un village à une commune (quel qu’elle soit), doit être prévu par une loi en application de l’article 144 de la Constitution disposant que « la création, la suppression, le découpage des collectivités territoriales sont du ressort de la loi ». A titre d’exemple, l’érection de localités en village est du domaine de la loi.

Enfin, le rattachement devra être sélectif, parce qu’il ne sert à rien de rattacher formellement au centre urbain des villages éloignés de plusieurs dizaines de kilomètres, et dont les préoccupations sont essentiellement rurales.

Irrégularité du rattachement des villages d’un point de vue purement pratique

D’un point de vue purement pratique, la participation éventuelle des conseillers des villages du département au Conseil municipal de Bobo-Dioulasso poserait un problème d’éthique et de développement.

Les préoccupations de ces villages, au stade actuel de leur développement, ne sont pas identiques à celles de la ville de Bobo-Dioulasso.

Nous référant au Guide méthodologique pour la délimitation des communes rurales, il apparaît que la détermination des limites de la commune rurale a pour objectifs, entre autres :

- de permettre et faciliter la planification du développement ;

- d’éclairer le choix des conseils municipaux en matière d’équipements, d’implantation de services publics, d’infrastructures sociales, etc.

Ce dernier objectif signifie que la commune doit avoir des limites raisonnables afin que tous les citoyens qui participent aux efforts de développement puissent en retour bénéficier conséquemment des différentes réalisations socio-économiques.

Par ailleurs, le tableau récapitulatif de la répartition du nombre de sièges des communes urbaines ne prend en compte que les élus des 3 arrondissements de Bobo-Dioulasso.

Au regard de ce qui précède, rien ne permet de rattacher les villages du département à la Commune urbaine à statut particulier de Bobo-Dioulasso à ce jour.

L’idéal serait donc d’élire un Maire de la commune rurale distinct du Maire de la Commune urbaine de Bobo-Dioulasso, pour les cinq (5) années à venir.

Les deux (2) collectivités pourront s’associer pour créer une « communauté de communes » dans le cadre de l’article 130 du Code général des collectivités territoriales.

L’autorité décisionnaire aura tout le temps de faire prendre les textes qui s’imposent pour rattacher formellement les villages du département aux arrondissements communaux. Il en va de la bonne gouvernance de notre ville.

Bobo-Dioulasso traverse suffisamment de difficultés, et nous pensons qu’une improvisation administrative ne servira ni l’Administration centrale, ni les populations.

L’avis de la Chambre consultative du Conseil d’Etat nous aurait éclairé sur la question. Malheureusement, sa saisine relève de la compétence exclusive des administrations et personnalités de l’Etat.

En revanche, tout citoyen habilité pourra saisir la Chambre du Contentieux du Conseil d’Etat d’un recours contre les actes d’un Conseil municipal irrégulièrement mis en place.

Rappelons-nous des conséquences politiques du report du scrutin municipal des suites de la décision n°2006-001/CC/EM du 02 Février 2006 du Conseil constitutionnel.

Nous ne sommes pas encore à ce stade, mais n’en prenons pas le risque.

TRAORE Amadou

Secrétaire administratif

de la section provinciale

UPR du Houet

PARTAGER :                              
 LeFaso TV