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Mocsou-Washington : L’ours russe contre le loup américain

Publié le vendredi 12 mai 2006 à 07h44min

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Entre Moscou et Washington, l’on se demande qui constitue l’"Axe du Mal" pour l’autre. Toujours est-il que ces derniers jours, on a assisté à une passe d’armes entre les deux pays, qui se sont traités de tous les noms de carnivores ; une passe d’armes verbales, certes, mais qui nous rappelle les temps forts de la guerre froide avec ce célèbre épisode au cours duquel Nikita Kroutchev posa ses godasses sur la table de l’Assemblée générale de l’ONU.

Même s’il est improbable que Russes et Américains en viennent aux armes, il est évident que les échanges vifs, discourtois et peu diplomatiques entre le vice-président américain, Dick Cheney et Vladimir Poutine, le président russe, sont révélateurs du climat tendu dans les relations entre Washington et Moscou.

Lors d’un discours qu’il a prononcé tout récemment, Dick Cheney s’en est violemment pris à la Russie, qu’il a qualifiée de dictature de la pire espèce, qui viole les droits de l’homme et, qui plus est, veut étouffer l’économie des pays occidentaux en les privant de pétrole et de gaz. Réponse musclée de l’ours russe par la voix de son président qui a estimé que Washington était un loup insatiable qui veut tout dévorer sur son passage.

Pour Poutine, l’image de défenseur des droits de l’homme et de la démocratie que voudrait se donner l’Amérique n’est que du vernis qui craque vite, au regard de sa fréquentation de certaines dictatures, les plus décriées au monde. Pour Moscou, Washington n’est sensible qu’à l’odeur du pétrole, et fait passer par pertes et profits les vraies aspirations des peuples à la liberté.

L’on peut se demander en effet, pour quels motifs un Etat comme l’Amérique s’est mis à dos une grande partie de la communauté internationale en violant le droit international, en envahissant l’Irak, en piétinant les conventions de Génève sur les prisonniers militaires, en embastillant sans jugement des hommes à Guantanamo, en infligeant des sévices et humiliations à des Irakiens enfermés dans la prison d’Abou Graïb, et en empêchant à d’autres Etats, en dehors d’Israël, de posséder l’arme nucléaire.

Si l’on ajoute à cela le refus de Washington, assorti de privation de crédits, de reconnaître la victoire du Hamas en Palestine, Moscou avait de quoi voler dans les plumes de l’Amérique en l’invitant à d’abord extirper la poutre de son oeil.

Pour l’instant, ce ne sont que des violences verbales. Mais, comme on le dit, les graines de la guerre germent d’abord dans les esprits. Poutine, en tout cas, ne s’est pas privé de rappeler que la Russie était une puissance militaire et qu’elle entendait le devenir davantage.

Estimant que le budget actuel de son armée était deux fois inférieur à ceux de la France et de la Grande Bretagne et vingt-cinq fois inférieur à celui des Etats-Unis, Poutine a promis que le budget de son armée serait revu à la hausse. Tout en n’excluant pas (qui sait, dans ce monde dirigé en grande partie par des fous ?) cette éventualité, Poutine sait que l’équilibre de la terreur, aujourd’hui, n’est ni militaire, ni idéologique. Ce ne sont plus l’interprétation et l’application des précepts du Livre de Lénine ou du Livre rouge de Mao, cramoisis et presqu’enterrés, qui opposent les Etats.

Cet équilibre de la terreur sera économique. C’est pourquoi, l’axe Moscou-Pékin marche bien. Les héritiers de Mao n’accusent plus ceux de Lénine de révisionnisme et de tigres en papier. De même, Moscou se garde d’accuser Pékin de vouloir réinventer la roue du marxisme-léninisme et de faire du déviationnisme.

Grâce à la manne pétrolière et gazière, Moscou, déchargée du fardeau de son ancien empire, entend se donner les moyens de sa politique planétaire, celle qui puisse faire contrepoids à la tentation unilatéraliste et hégémoniste de la politique américaine. Moscou n’apprécie pas la politique américaine d’intrusion et d’encerclement politique, diplomatique et économique, qui consiste à susciter des velléités indépendantistes chez ses anciens satellites.

C’est pourquoi, la Tchétchénie restera pendant longtemps la pomme de discorde entre Moscou et les autres capitales occidentales. Mais Poutine sait que ces capitales ne peuvent aller loin dans leurs critiques. Bien au contraire, le président russe exploite à fond l’amalgame autour de la lutte contre le terrorisme international pour conforter sa manière de régler le dossier tchétchène.

En tous les cas, Moscou peut brandir l’excuse de vouloir en finir avec un problème qui se déroule à l’intérieur de ses frontières. Moscou se comporte ainsi en gendarme local face à Washington, internationalement qualifié de gendarme du monde, verbalisant des pays selon une sorte de répertoire des infractions qu’il a lui-même défini.

En résumé, le président russe reconnaît qu’il est primordial que les Etats-Unis et la Russie coopèrent. En tous les cas, Moscou entend désormais prouver qu’il n’est plus ce nain économique sous perfusion comptant sur la générosité des Occidentaux pour survivre.

Dans ces conditions, les obstacles dressés par les Américains contre son entrée à l’OMC tout en admettant que Moscou siège dans le groupe des pays les plus industrialisés (G7+1) constituent un contresens.

En reconnaissant le rôle déterminant que Moscou peut jouer dans l’infléchissement de la position de la Corée du Nord à propos de son programme nucléaire et enfin en comptant sur lui pour trouver une solution à la crise avec l’Iran, Washington doit comprendre que l’ours russe dort, mais n’est pas mort ?

Et le reste du monde dans ce bras de fer ? Au temps de la guerre froide, chacun choissait son camp. Les autres pays, surtout du Tiers-Monde, s’alignaient derrière Moscou ou Washington, selon leurs convictions idéologiques et savaient jouer sur les divergences entre les deux capitales pour obtenir de l’assistance.

Aujourd’hui, on peut penser que Moscou, à l’heure où l’Amérique ne fait pas l’unanimité, veut remplir ce vide. Encore faut-il que Poutine nettoie certaines plaies : le racisme contre les étudiants africains et la gangrène tchétchène.

"Le fou"

Le Pays

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