LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Tchad : Présidentielle sous le bruit des canons

Publié le jeudi 4 mai 2006 à 06h37min

PARTAGER :                          

Les 5,8 millions de Tchadiens inscrits sur les listes électorales ont ainsi pris d’assaut les 11 800 bureaux de vote pour choisir leur prochain président de la République. Un scrutin jugé plié d’avance en faveur du président Idriss Déby, sur la ligne de départ avec quatre autres candidats, considérés comme des « adversaires mineurs ou des faire-valoir ».

En fait, des candidats accompagnateurs, comme nous l’avons connu ici au Burkina, il y a quelques années.

Ces comparses candidats à la magistrature suprême sont, en fait, deux membres du gouvernement que sont Albert Padacké du Rassemblement national des démocrates tchadiens (RNDT-Le Reveil), ministre de l’Agriculture, et son collègue délégué à la Décentralisation, Mahamat Abdoulaye, du Mouvement pour la paix et le développement au Tchad (MPDT).

Hormis eux, nous avons sur la ligne de départ, l’ancien premier ministre (1993-1995) Kassiré Coumakoye, candidat du Rassemblement national pour la démocratie et le progrès (Viva-RNDP), Brahim Koulamallah, peu connu du grand public, avec son parti le Mouvement socialiste africain rénové (MSA/R), ce qui n’empêche aucunement Idriss Déby de dormir, du moment que 19 partis de l’opposition ont décidé de ne pas cautionner une telle tragi-comédie électorale.

En dépit donc de la demande de report de l’opposition, des réserves internationales et de la menace des rebelles d’attaquer une fois de plus N’Djamena pour déloger le président Idriss Déby Itno de son bunker très fortifié depuis que la rébellion tente de lui faire rendre gorge, ce dernier est resté imperturbable, pis, il semble avoir tiré des avantages de l’échec de l’attaque du 13 avril 2006 du Front uni pour le changement (FUC), en faisant de cette opération ratée ses choux gras de campagne, avec en ligne de mire le Soudan et son président, Oumar El Béchir, son ennemi intime.

En effet, dans les cinq villes visitées en deux jours par le président sortant, arrivé en 1990 au pouvoir par un putsch, un impressionnant dispositif sécuritaire a été déployé pour permettre à l’homme tant recherché par les rebelles, de promettre électricité et routes à ses concitoyens.

Mais le souvenir de l’attaque de la capitale tchadienne est bien perceptible à travers une des affiches électorales du candidat du Mouvement patriotique du Salut (MPS) qui a été savamment utilisé par le despote président sortant du Tchad qui, à travers ses multiples affiches placardées tout au long des artères de la capitale, passe pour être un démocrate, un artisan de la paix, de la stabilité, peut-être pour avoir réussi à mettre en déroute ses opposants armés.

Une insigne opportunité pour le gourou du MPS de diaboliser le Soudan qu’il fustige à chacune de ses sorties en l’accusant d’être le parrain de la rébellion qui veut sa peau.

Vu sous cet angle d’exaltation du nationalisme, du patriotisme et de la sauvegarde de l’intégrité territoriale du Tchad, il est évident que la stratégie du maître de N’Djamena a été conçue pour fédérer les divisions autour de lui afin de conserver son fauteuil.

Ainsi, faute d’opposants de poids, il mène une campagne contre son homologue soudanais. C’est vrai, il n’a pas tordu le coup à la loi fondamentale en la révisant pour obtenir le quitus de se porter de nouveau candidat pour rien.

Mieux, on ne fait pas un tel « révisionnisme » de la Constitution pour se laisser battre par un autre candidat, fût-il aussi un poids lourd de la scène tchadienne. Alors que là, chanceux et veinard, Déby l’est assurément, car il aura affaire à des poids plume de son landernau politique. Ce qui est inespéré.

Après avoir torpillé donc la Constitution l’an dernier, ce qui lui permet d’être de la présente course présidentielle, il est certain qu’il a déjà préparé champagnes et autres cognacs pour célébrer sa victoire.

La règle sera donc respectée puisque des présidents africains et non des moindres à l’image d’Omar Bongo au Gabon et de Blaise Compaoré au Burkina, Paul Biya au Cameroun, se sont créés de nouveaux mandats à travers un tel charcutage constitutionnel.

La particularité au Tchad, c’est que Déby a les canons des rebelles pointés sur son fauteuil. Et même réélu, il risque de ne pas jouir de ce mandat même s’il compte sur la France dont les troupes basées dans le pays ont jusque-là perturbé les opérations militaires du FUC et du SCUD qui, après l’échec de l’attaque du 13 avril, se contentent d’une guerre psychologique.

Le pétrole que le Tchad produit depuis 2003 est certainement un argument de poids pour Déby pour ne pas se faire lâcher par des puissances comme les Etats-Unis, la France, qui craignent que celui passe dans les mains d’inconnus. Mais jusqu’à quand Deby bénéficiera-t-il de cette grâce !

Cyr Payim Ouédraogo

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique